Même en 2012, quand les libéraux avaient été renvoyés temporairement dans l’opposition, les électeurs de Louis-Hébert étaient restés fidèles au PLQ. Manifestement, le vent du changement y a soufflé plus fort qu’il y a cinq ans.
De toutes les circonscriptions de la région de Québec, où la prochaine élection générale pourrait se jouer en grande partie, c’est aussi dans Louis-Hébert que le PLQ avait obtenu sa plus forte majorité en 2014. L’écrasante victoire de la CAQ qui se confirmait au moment d’écrire ces lignes constitue une gifle et un signal d’alarme pour le gouvernement Couillard.
Certes, une élection partielle n’est pas garante des résultats de l’élection générale suivante. À la CAQ, on se souvient certainement de celles qui avaient été tenues en juin 2002, quand l’ADQ l’avait remporté dans Berthier, Joliette et Vimont avec de confortables majorités, avant de mordre la poussière dans les trois mêmes circonscriptions au printemps 2003.
La différence est qu’à l’époque, le PLQ venait de passer huit longues années dans l’opposition et Jean Charest pouvait prétendre incarner le changement. Cette fois-ci, le premier ministre Couillard a beau promettre de faire entrer le Québec dans une nouvelle phase de « transformation » et prendre lui-même des accents à la Michel Chartrand, les libéraux n’en ont pas moins près de quinze ans de pouvoir dans le corps.
En l’absence de l’épouvantail référendaire, la bonne tenue de l’économie ne suffira pas à assurer sa réélection. Le prochain remaniement ministériel devra être considérable et suivi à terme d’un nouveau discours du trône pour donner un minimum de crédibilité à ses prétentions au renouvellement.
La victoire de la CAQ est trop nette pour être attribuée au cafouillage des libéraux, mais on imagine mal qu’ils puissent être aussi embrouillés à l’élection générale. Le pitoyable échec de la candidature d’Éric Tétrault, parachuté dans Louis-Hébert sans qu’on ait pris la peine de vérifier sérieusement ses antécédents, a certainement laissé un goût amer à de nombreux électeurs, qui avaient déjà trouvé injuste le traitement réservé à Sam Hamad, dont le mutisme durant toute la campagne n’a d’ailleurs échappé à personne.
Malgré le dévouement qu’on lui prête, l’ancienne adjointe de M. Hamad, Ihsanne El Ghernati, conscrite en catastrophe pour remplacer M. Tétrault, ne faisait pas le poids dans une circonscription qui, à l’exception de l’intermède Réjean Doyon (1982-1994), a toujours été représentée par un ministre au cours des trente dernières années.
Inversement, le retrait forcé de son propre candidat a finalement été une bénédiction pour la CAQ. Geneviève Guilbault, qu’on destinait plutôt à Charlesbourg, une circonscription en principe plus favorable, s’est révélée une candidate nettement plus inspirante que celui dont elle a pris la relève. François Legault l’a présentée d’entrée de jeu comme une future membre de son cabinet et elle semble bien avoir l’envergure nécessaire.
Non seulement Mme Guilbault a mené une très bonne campagne, mais elle a reçu l’appui inattendu de l’ancienne vice-première ministre libérale Nathalie Normandeau, qui a appelé à voter pour la CAQ, qualifiant le premier ministre Couillard d’homme « très inquiétant », qui « regarde les Québécois de haut » et qui « tente de nous faire croire qu’on est racistes ». De toute évidence, Mme Normandeau n’a pas fini de régler ses comptes avec son ancien parti et pourrait devenir un véritable cauchemar au cours de la prochaine année.
Le recrutement de candidats de prestige demeure le principal défi de François Legault. Jusqu’à présent, les vedettes que la CAQ avait réussi à recruter en sont arrivées à la conclusion qu’il leur serait plus facile de réaliser leurs ambitions en passant au PLQ. L’amère défaite de Jocelyne Cazin à l’élection partielle dans Chauveau, en juin 2015, avait semblé leur donner raison. La victoire dans Louis-Hébert permettra maintenant à la CAQ de faire valoir qu’elle peut aussi constituer un intéressant tremplin.
> Lire la suite de l'article sur Le Devoir