Crise de l’euro

La gifle à Draghi

Géopolitique — Union européenne

Le dernier jeudi du mois de juillet, le président de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi, tient des propos qui stimulent l’euphorie sur les marchés. Le premier jeudi du mois d’août, il formule un commentaire qui répand la déprime. Et ce faisant, il met le premier ministre espagnol Mariano Rajoy au pied du mur. À la veille de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques, Mario Draghi avait profité d’une conférence tenue dans la capitale britannique pour marteler, sur le mode de «vous allez voir ce que vous allez voir», que tout serait fait pour défendre l’euro. Il avait notamment déclaré que la BCE ferait « tout ce qu’il faut » pour préserver la monnaie unique. Dans la foulée, il avait précisé : « Croyez-moi, cela suffira. » De ces phrases, minces mais affirmatives, les acteurs des marchés de la dette ont conclu que la BCE allait relancer son programme de rachat d’obligations d’États en concentrant le tir sur l’Espagne. L’objectif ? Favoriser une réduction des taux d’intérêt, au demeurant outranciers, que l’on impose à un pays dont l’économie se conjugue de façon exsangue depuis des mois maintenant. En agissant de la sorte, Draghi faisait un coup politique avec l’espoir d’obtenir les outils nécessaires à la pérennité de l’euro. Dans sa démarche, il avait le soutien de l’Espagne, l’Italie, la France, le Luxembourg et la Commission européenne. La mise en scène de cette défense de l’euro, Draghi et ceux qui partagent ses vues l’ont montée avec l’espoir d’amenuiser l’hostilité des populations allemande et des nations du Nord pour les plans de sauvetage consentis aux pays du Sud. Quoi d’autre ? Ils espéraient également étouffer l’inclination des nordistes pour la sortie de la Grèce de l’euro. Signe du volontarisme du clan Draghi, Jean-Claude Juncker, premier ministre du Luxembourg et surtout président de l’Eurogroupe, était allé jusqu’à demander à l’Allemagne d’être moins obsédée par la politique intérieure. Hélas ! Trois fois hélas ! Rien n’y fit. En effet, sous l’impulsion des politiciens allemands en général et des dirigeants passés et présents de la Bundesbank en particulier, l’offensive de Draghi a tourné, c’est le cas de le dire, en eau de boudin. Même si le représentant autrichien au conseil de la BCE s’est posé en militant de la licence bancaire accordée à la BCE afin de permettre à celle-ci de prêter directement aux États ce qu’elle ne peut pas faire actuellement, la réaction des opposants a été si brutale qu’elle l’a emporté. En fait, elle a été d’autant plus ferme que les pays du Nord risquent d’être décotés par Moody’s et compagnie en raison des liens financiers avec les pays du Sud. Toujours est-il que ce ballet financier et économique a obligé Draghi à faire une sortie publique dans un sens contraire à celui imprimé la semaine précédente. Il est intervenu pour souligner que toute intervention de la BCE doit être conditionnée à la composition d’une requête d’aide de l’Espagne et de l’Italie auprès du Fonds européen de stabilité financière. Son exposé n’était pas terminé que les taux imposés à l’Espagne et à l’Italie empruntaient une courbe ascendante, alors que les bourses de Milan et Madrid piquaient du nez. Plus précisément, Draghi a déclaré ceci : « La politique monétaire ne peut pas tout. C’est aux gouvernements de prendre les mesures nécessaires […] toute aide sera soumise à de strictes conditions. » CQFD : ceux qui veulent obtenir un prêt doivent adopter des politiques budgétaire, fiscale et sociale à l’enseigne de l’austérité. On devrait dire à l’enseigne de l’absolu de l’austérité. Prenons l’Espagne. La contraction du PIB est de 1,5 %, le chômage est de 25 %, la fuite des capitaux conséquente à l’extrême lenteur avec laquelle les dirigeants européens ont traité le dossier suffirait à rembourser la dette, le taux de 7 % qui lui est imposé a ajouté d’ores et déjà 9 milliards de dettes à l’exercice 2013, etc. Bref, c’est tout simple, l’Espagne est à genoux. Elle est ainsi et voilà qu’on vient de lui refuser un soutien au nom d’une politique qui ne dit pas son nom et qui se nomme orthodoxie fanatique. À l’évidence, les pays qui se drapent dans une vertu qui n’a de vertu que de nom, ces pays qui font illusion auprès des crédules, ces pays qui, comme les Pays-Bas, usent et abusent des paradis fiscaux agissent de manière à diviser la zone euro. À sortir certains de ses membres. Il y a de quoi rager. Car où serait l’Allemagne si elle avait conservé le mark alors qu’elle devait investir massivement en Allemagne de l’Est? Quand donc va-t-on rappeler que plus que tout autre pays l’Allemagne a été le grand bénéficiaire de la monnaie unique ?



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