La fin du Parti québécois ? Bon débarras !

Boisclair - chef du PQ

Le problème avec le Parti québécois, c’est qu’il désapprend plutôt que d’apprendre. Pour des raisons bassement électoralistes, il a d’abord désappris l’idée d’indépendance, lui substituant une souveraineté qui, depuis 30 ans, n’a pas cessé de s’étioler, au point qu’aujourd’hui elle peut signifier ceci et cela, ou ses contraires, voire chacune de ces choses en même temps. Malgré ce pourrissement idéologique, les Québécois restent favorables à la sécession du Québec. Quand Jean-Pierre Ferland, Robert Charlebois et Gilles Vigneault ont dit du peuple québécois qu’il est peureux et frileux, ils se sont trompés de cible : ce sont nos chefs politiques souverainistes qui sont peureux et frileux, ce sont eux qui, par leurs atermoiements et leur arrivisme, retardent la constitution du Québec en pays enfin libre.
Raisons électoralistes
L’arrivée d’André Boisclair à la tête du Parti québécois se situe dans la logique de cette pensée. Durant la course à la chefferie, il était évident que les instances du parti, toujours pour des raisons bassement électoralistes, en avaient fait leur homme en dépit du fait que le passé de Boisclair soulevait plusieurs questions pertinentes, aussi bien en ce qui concerne sa vie privée que sa vie publique.
Tout au long de la course à la direction, Boisclair n’émit pas une seule idée originale. Pour paraphraser la célèbre phrase de Jacques Parizeau, il fut élu grâce au vote ethnique et à l’argent. À cause d’une riche et solide organisation, plus de 40 000 nouveaux membres ont adhéré au Parti québécois. Qui étaient-ils ? Étaient-ils seulement souverainistes ? Et depuis, ont-ils renouvelé leur carte de membre ? J’aimerais bien que le Parti québécois réponde au moins à la dernière question, ce qu’il ne semble pas pressé de faire.
Depuis son élection à la tête du Parti québécois, Boisclair n’a rien fait pour rassurer les militants ni l’électorat en général sur ses aptitudes à être chef de l’Opposition officielle et, peut-être, premier ministre du Québec. Ce politicien-là souffre d’une grande carence : il n’a pas d’être identitaire, il n’a même pas l’air de savoir qu’il est Québécois et que de l’être signifie d’abord un devoir de solidarité sociale et culturelle. Ce n’est pas pour rien si son maître à penser est Lucien Bouchard qui, comme premier ministre, se comportait en patron autoritaire et qui, depuis qu’il ne l’est plus, joue au sbire à la solde des grandes entreprises qui se comportent comme les corporated bums des années quatre-vingt. (…)
J’avais hâte de voir comment on réagirait au Parti québécois à la suite des commentaires de Boisclair sur le mouvement syndical. Bien sûr, celui-ci est mené par des chefs qui sont moumounes en diable, mais il n’en demeure pas moins que plus d’un million de Québécois peuvent jouir de salaires équitables, de la sécurité d’emploi et d’une possibilité de retraite sans pauvreté grâce à tout ce travail que les syndicats ont fait et continuent de faire. La réaction de Monique Richard aux propos imbéciles de Boisclair m’a sidéré. La présidente du PQ, une ancienne dirigeante syndicale pourtant, a parlé d’un simple incident. Si elle voulait nous donner une preuve de plus que le Parti québécois ne cesse pas de désapprendre, elle y est parfaitement parvenue !
Je lui conseille donc de regarder Et Dieu créa Laflaque. Les humoristes de cette émission de télévision y caricaturent parfaitement André Boisclair qui en est réduit à n’avoir plus que deux énormes mandibules et une bouche si grande et si vide qu’il est toujours en train de se mettre les pieds dedans.
Au contraire de lui, Jean Charest dégage une image plutôt sympathique à cause de l’humour qu’il véhicule, surtout quand il se prend pour Claude Blanchard et raconte des histoires drôles dans lesquelles il rit de lui-même. Et Dieu créa Laflaque contribuerait à faire monter dans les sondages la cote de popularité de Jean Charest que je n’en serais pas étonné. Qu’elle parvienne aussi à faire le contraire avec André Boisclair ne m’étonnerait pas non plus.
Inquiet
Si j’étais un candidat du Parti québécois aux prochaines élections, je serais inquiet. J’envisagerais dès maintenant la possibilité qu’au lieu d’une victoire péquiste, on se retrouve emporté par un balayage libéral comme l’Union nationale l’a été sous Rodrigue Biron. Quand on désapprend trop, c’est généralement ce qui arrive : on meurt dans les débris de sa propre histoire sans même s’en rendre compte.
Ce n’est pas là une perspective qui me choque ni ne m’attriste plus que de raison. Si ça devait permettre à un vrai parti indépendantiste et social-démocrate (comme la majorité des Québécois en manifestent la volonté) de prendre la relève, ça serait plutôt une bonne occasion de réjouissance, de stimulation politique et d’espoir culturel. André Boisclair pourra toujours aller rejoindre chez le patronat Lucien Bouchard et Ti-Guy Chevrette, avec les deux pieds en même temps dans la bouche s’il le veut. Ça serait grand bien à nous faire à toutes et à tous.
* M. Beaulieu est écrivain.

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Victor-Lévy Beaulieu84 articles

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Victor-Lévy Beaulieu participe de la démesure des personnages qui habitent son œuvre. Autant de livres que d'années vécues, souligne-t-il à la blague, comme pour atténuer l'espèce de vertige que l'on peut éprouver devant une œuvre aussi imposante et singulière. Une bonne trentaine de romans, une douzaine d'essais et autant de pièces de théâtre ; des adaptations pour la télévision





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