PARTI QUÉBÉCOIS

La domestication de Pierre Karl Péladeau

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Il ne faut pas chercher midi à quatorze heure, PKP est de taille

On connaît le caractère vindicatif de Pierre Karl Péladeau. Pour son baptême de feu en tant que chef de l’opposition, il a plutôt choisi de se présenter à l’Assemblée nationale sous un jour différent, se montrant conciliant, presque généreux, en tendant la main au premier ministre Philippe Couillard. Chez les libéraux, on croit que le naturel reviendra au galop. Du moins on l’espère de tout coeur.

Dans son discours le soir de l’élection, le nouveau chef du Parti québécois a rappelé qu’il avait voté pour la première fois à 18 ans, le 20 mai 1980, lors du premier référendum. Trente-cinq ans plus tard, Pierre Karl Péladeau n’a qu’une seule ambition : « réussir » — son slogan de campagne à la chefferie — là où René Lévesque a échoué, « faire du Québec un pays », comme il dit, sans poing en l’air mais plutôt avec les deux bras levés en signe de victoire.

« Voilà longtemps que nous n’avons pas eu autant confiance en notre option », a dit Pierre Karl Péladeau aux militants. Dans les cercles péquistes, on croit que son discours, rédigé soigneusement et livré honnêtement, a convaincu plusieurs péquistes qui restaient sceptiques quant à ses qualités de chef. Les membres de ce parti, qui a connu toute une dégelée il y a un an à peine, se sentent rassérénés, plus près qu’ils ne l’étaient du Grand Soir. Encore faut-il que ce sentiment se propage en dehors de la chapelle pour rejoindre la population. Vaste chantier. Mais Pierre Karl Péladeau n’a pas tort de penser qu’il insuffle un nouvel élan à l’option. Ce n’est certes pas une bonne nouvelle pour les libéraux si les souverainistes commencent à croire en leurs chances.

Nervosité

Dans les jours qui ont précédé l’élection, les apparatchiks péquistes et le caucus étaient nerveux ; ils ne savaient pas à quoi s’attendre pour la suite des choses. Alors que sa victoire était déjà considérée comme acquise, sauf par Alexandre Cloutier qui s’est laissé berner par un sondage robotisé, Pierre Karl Péladeau, qui ne voulait sans doute pas se montrer présomptueux, n’avait rien laissé filtrer de ses intentions. On ne savait pas s’il allait chambouler l’équipe pour favoriser ses fidèles, ni quel ton il voulait adopter à l’Assemblée nationale.

On priait pour que l’unité des troupes prime, pour qu’une certaine stabilité soit préservée et que le chef ne se précipite pas à la jugulaire de Philippe Couillard dès la première période de questions. Pierre Karl Péladeau a décidé de répondre à ces voeux. Au grand soulagement du personnel politique et du caucus.

Mardi, à sa première question, Pierre Karl Péladeau s’est campé sur un terrain qu’il connaît bien : l’économie. Et plutôt que d’argumenter avec le premier ministre, il a choisi de lui faire une proposition : tenir en septembre prochain « un grand forum économique » afin de doter le Québec « d’une véritable politique économique ». Le chef péquiste a insisté sur l’importance de protéger les entreprises québécoises et leurs sièges sociaux. Philippe Couillard a répliqué en invoquant « un ingrédient essentiel » pour garder les sièges sociaux au Québec : « la stabilité économique, politique et financière » que favorise « l’appartenance du Québec à la fédération canadienne ». Mercredi, Pierre Karl Péladeau est revenu avec la même « main tendue », et jeudi tant le premier ministre que le chef péquiste étaient absents de la Chambre. Donc, son entrée en scène a reposé sur un seul sujet et une seule approche.

Des appuis

Le sondage Léger Marketing publié mardi dans Le Devoir et celui de CROP publié vendredi montrent sensiblement la même chose : l’élection de Pierre Karl Péladeau a dopé les appuis au PQ, mais l’effet n’est pas mirobolant. Son parti recueille 34 % des intentions de vote contre 32 % pour le PLQ et 20 % pour la CAQ. Le PQ a tout de même gagné 9 points en deux mois. C’est loin du score d’André Boisclair après qu’il a été élu chef du PQ, soit 47 %, mais l’Action démocratique du Québec était moins forte à l’époque que la CAQ aujourd’hui et Québec solidaire ne récoltait guère plus de 5 % des intentions de vote.

Les libéraux attendent Pierre Karl Péladeau avec une brique et un fanal. Mardi, la Commission des institutions entendra le commissaire à l’éthique et à la déontologie des élus, Jacques Saint-Laurent, dont quelques recommandations portent sur le cas du chef péquiste et actionnaire de contrôle de Québecor. La semaine suivante, ce sera au tour du jurisconsulte de l’Assemblée nationale, Claude Bisson. En août, on compte sur le Centre d’étude sur les médias de l’Université Laval, qui dévoilera une analyse indépendante du cas PKP, pour souffler sur les braises. On croit que la position du chef péquiste est intenable.

Pas de cirque

Pour la plupart des élus péquistes, la cause est cependant entendue. La Commission des institutions ne pourra pas faire consensus sur des modifications au code d’éthique des députés qui viserait leur chef, estiment-ils. « Ce n’est pas vrai qu’on va se servir du code pour empêcher quelqu’un d’être député », affirme le député péquiste Stéphane Bergeron qui, au sein de cette commission, a remplacé au pied levé Jean-François Lisée, le franc-tireur qui ne veut pas se dédire.

Chacun de leur côté, libéraux et péquistes soutiennent qu’ils ne veulent pas faire de cette commission « un cirque ». À trop s’acharner sur PKP, on risque d’en faire une victime, croit-on chez les libéraux. Il faut s’acharner, mais pas trop, et surtout faire en sorte que les doutes sur la situation de conflits d’intérêts du chef péquiste s’instillent dans l’électorat. Un travail de sape, patient et rigoureux.

Dans le camp péquiste, on croit que le recours à une fiducie sans droit de regard (avec directive de ne pas vendre les actions de l’empire) sera suffisant pour satisfaire l’opinion publique. Le dernier sondage Léger Marketing montre d’ailleurs qu’une majorité de Québécois (52 %) sont « plutôt indifférents » à l’égard de la situation de l’actionnaire de contrôle de Québecor.

La vraie partie est commencée. Les libéraux espèrent bien que Pierre Karl Péladeau succombe à son instinct de tueur devant l’imperturbable Philippe Couillard, que surgisse l’impétueux et vindicatif Mr Hyde. Jusqu’ici, c’est un Dr Jekill posé et propret qui s’est montré et un Pierre Karl Péladeau domestiqué qui a accepté de suivre les conseils de son entourage.


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