« Oka » – ce seul nom reste associé à la « crise d’Oka » de l’été 1990 –, un des pires épisodes politiques du Québec moderne. La crise, rappelons-le, avait été provoquée par un maire entêté à permettre l’agrandissement d’un terrain de golf à même la pinède occupée par la communauté mohawk de Kanesatake.
Presque 30 ans plus tard, la crainte d’une deuxième crise pointe le nez. La pinède en est encore la bougie d’allumage. Un promoteur, Grégoire Gollin, a l’intention de remettre 60 hectares de terre aux Mohawks. Un geste, dit-il, de « réconciliation » avec les autochtones. S’y ajouterait la vente au fédéral d’un autre 150 hectares dont les Mohawks reprendraient ensuite possession.
Résultat : le torchon brûle entre le grand chef du conseil de bande de Kanesatake, Serge Simon, et le maire d’Oka, Pascal Quevillon. Ce dernier n’y va pas de main morte. Il dit craindre de voir sa municipalité enclavée et jonchée de cabanes de vente de cigarettes et de cannabis. Selon lui, la valeur des maisons chuterait et à terme, Oka disparaîtrait.
Héritage empoisonné
En réaction, le chef Simon l’accuse de « racisme ». De toute évidence, ces deux hommes sont entêtés. En même temps, leurs doléances méritent aussi d’être entendues. Or, ils monologuent chacun de leur côté. Gonflant leurs muscles pour la galerie, ces deux messieurs font un brin de politique spectacle. Chacun parle à sa base dans ses propres codes.
Le maire d’Oka ressort des images péjoratives des autochtones pendant que le chef de Kanesatake le traite de raciste. Le scénario est usé à la corde. Il n’en reste pas moins que dès qu’il y a conflit de territoire, l’héritage empoisonné de l’apartheid racial, sur lequel la Loi fédérale sur les Indiens est basée, déchire encore nos sociétés.
Les victimes sont toujours les mêmes. Ce sont les hommes et les femmes qui, de chaque côté, sont plus nombreux qu’on ne le pense à rêver de se débarrasser enfin de cette relique puante du colonialisme qui pollue encore nos rapports mutuels.
Préserver la paix
À Oka, un autre ingrédient envenime le tout : l’extrême lenteur du fédéral depuis la crise d’Oka à régler les différends territoriaux dans la région. Eh oui. Le fédéral est le « fiduciaire » des peuples autochtones. Bienvenue au XIXe siècle qui ne finit jamais.
Malgré cette tenace aberration, Sylvie D’Amours, ministre responsable des Affaires autochtones au Québec, lance des signaux pacificateurs. Sa sortie d’hier prend des airs de quasi-médiation. Elle dit avoir gardé le « dialogue ouvert » depuis des mois avec toutes les parties concernées, dont le fédéral. Son souci, dit-elle, est de « préserver la paix sociale ».
C’est donc qu’il y a risque qu’elle soit mise en péril si jamais ce « dialogue » politique plus discret ne débouche pas sur une conciliation minimale des intérêts d’Oka et de Kanesatake. Car la réalité toute nue est la suivante.
Malgré l’évocation irresponsable par son maire d’une possible deuxième crise d’Oka, le fait est que personne, ni à Kanesatake, à Oka, à Québec ou au gouvernement Trudeau en pleine année électorale, ne souhaite un retour au cauchemar de 1990. Croisons-nous les doigts.