L’on ne dira jamais assez à quel point le populisme qui s’est exprimé fortement et sans surprise dimanche dernier lors des élections européennes indique avant tout la profonde blessure ressentie par la petite classe moyenne.
C’est une copie conforme des États-Unis où Trump a réussi à convaincre tant d’Américains de voter pour lui.
Indélogeable à ce jour, son succès indéniable est d’avoir fait éclater le parti démocrate, dont aucun des nombreux candidats actuels à la présidence ne peut espérer le battre en 2020, sauf peut-être l’ancien vice-président Joe Biden. Mais rien n’est gagné.
Ce n’est plus d’une révolte occidentale dont il faut parler, mais d’un vrai changement de paradigme. Le populisme se répand en Europe parce qu’entre autres les beaux discours sur le progrès à venir ont nié, pour ne pas dire diabolisé, l’État-nation vidé d’une partie de sa souveraineté.
L’Europe des technocrates de Bruxelles est perçue par nombre de citoyens des peuples comme un rouleau compresseur qui les déshumanise et les méprise.
Les élites
C’est l’Europe des riches et des privilégiés qui est en cause. Des élites qui, du haut de leurs injonctions moralisatrices, jugent sévèrement la classe moyenne, inquiète de son avenir, appauvrie et repliée sur elle-même.
C’est celle-ci qui a peur de l’immigration et qui a vu débarquer en Allemagne et ailleurs en Europe plus d’un million de réfugiés économiques.
Depuis quinze jours, je n’entends en France que des analyses brillantissimes sur la situation politique. Mais ces propos sont théoriques, car on semble croire que le passé sera garant de l’avenir et qu’un sursaut permettra à la gauche, par exemple, de retrouver sa vitalité.
En fait, on est pris de vertige lorsqu’on constate la frustration populaire. Celle-ci découle, en Europe et en Occident en général, d’un désarroi alimenté par une perte de repères à la fois politiques, sociaux, moraux et spirituels.
L’époque est inquiétante, complexe et déroutante. Les années fastes de la démocratie, appelons-la jubilatoire, celle qui a permis l’ascension sociale de la classe moyenne, noyau dur de la vigueur de la démocratie, sont définitivement derrière nous.
Mondialisation
Car de nouvelles élites émergent. Des élites qui idolâtrent la mondialisation et le cosmopolitisme, qui se sentent chez elles partout où elles retrouvent leurs marques et qui appellent de leurs vœux, enrobés de leur vision « progressiste », une main-d’œuvre étrangère qui perpétuerait leur pouvoir planétaire financier.
Le Canada postnational semble en partie échapper à cette longue plainte des citoyens mal aimés. Car les Canadiens anglais se targuent de ne pas être « trumpisés ». À leurs yeux, le nationalisme québécois, que l’on a amalgamé au nationalisme d’extrême droite qui sévit dans divers pays européens, demeure une exclusivité des Canadiens français « racistes ».
Or le premier ministre Legault maintient le cap. Personne ne peut l’accuser de populisme. C’est un homme modéré par tempérament et pragmatique politiquement. Un homme trop prudent pour les uns, mais qui possède une qualité rare. En effet, il réagit en fonction de l’intérêt du Québec avant celle de son parti. Autrement dit, il se démarque encore de nombre de politiciens.