Des êtres humains, normalement constitués, entrent un jour en politique dans le but de servir leurs concitoyens et de faire en sorte que la société dans laquelle nous vivons devienne meilleure. Ils le croient vraiment. Le discours est bien connu, il a été repris dans toutes les petites et grandes démocraties. Nous avons l'habitude de l'entendre et peut-être même qu'au début, nous y avons cru. Personne ne s'est jamais présenté devant l'électorat en disant que ce qu'il voulait, c'était le pouvoir, le vrai pouvoir, celui qui fait qu'on a le sentiment d'être la personne la plus importante au monde. Aimée ou détestée, mais la plus importante. Celle qui tient le monde dans sa main. Et qui peut l'écraser au besoin.
Les images de l'entrée en fonction du nouveau président de l'Assemblée nationale du Québec, quand les chefs de partis doivent le traîner de force jusqu'au fauteuil présidentiel pour le convaincre d'accepter le poste et qu'il doit résister en faisant semblant qu'il ne veut pas, ces images auraient dû nous alerter. Jean Charest était très en colère parce qu'il venait de perdre la face. Il s'était fait imposer le choix de François Gendron par les deux oppositions réunies et il ne le prenait pas. Nous aurions dû comprendre que ce moment, presque comique, allait nous coûter cher. La folie du pouvoir venait de le reprendre.
Jean Charest avait adopté un rôle plus discret au cours des derniers mois. Les dernières élections -- souvenons-nous qu'elles ne datent que du 26 mars 2007 -- lui avaient fait mal. Son petit air arrogant, son côté «c'est moi qui mène», son ton méprisant avaient fini par nous donner envie de lui donner une bonne leçon de savoir-vivre. Tout ce qui reste à l'électeur pour régler ses comptes, c'est son vote. En 2007, l'électeur a dit à Jean Charest ce qu'il pensait de lui. Ça calme un premier ministre... pendant un temps.
Au moment de choisir un président de l'Assemblée nationale, Jean Charest avait son candidat. Pour lui, c'était réglé. Puis il a découvert que quand les deux oppositions s'unissent, il doit encore plier l'échine, ce qu'il n'a jamais été entraîné à faire. Il a réagi. Il a piqué deux députés à l'ADQ en laissant bien comprendre qu'il irait en chercher d'autres s'il le voulait. Il a regardé les sondages et il y a vu la possibilité de retrouver ses vieux démons. S'il redevenait majoritaire, il n'aurait plus à sourire quand il n'en avait pas envie, il pourrait de nouveau cracher sur l'ADQ ou le PQ. Il ferait à sa tête dans tous les dossiers, il pourrait même renvoyer John Parisella à son agence de publicité, car il n'aurait plus besoin de ressembler à Robert Bourassa pour régner en maître absolu sur ce petit peuple qui se prend pour une nation. Enfin!
La leçon du citoyen
Le citoyen n'a pas le choix des armes. Il n'en a qu'une, et c'est son droit de vote. C'est tout ce qui lui reste pour punir ceux qui abusent de lui. On peut commencer à parler d'abus dans le cas qui nous occupe, car les dernières élections ont eu lieu en mars 2007 seulement, que le parlement fonctionne et que les deux oppositions ont répété sur tous les tons qu'elles sont prêtes à collaborer si le gouvernement décide enfin de gouverner.
Les citoyens ont voulu un gouvernement minoritaire, et c'est ce qu'ils souhaitent encore. Nous sommes au bord d'une crise économique, il y a du travail pour tous les élus. C'est le moment de mettre ensemble tous les talents rassemblés. Et une dépense de 85 millions pour tenir des élections en ce moment serait inacceptable. Tout ça parce que Jean Charest veut agrandir son royaume? Il est temps de mettre notre pied à terre et de dire que ça suffit.
Nous venons de nous taper des élections fédérales qui ont donné pratiquement le même résultat que les précédentes. Stephen Harper va devoir continuer à vivre avec un gouvernement minoritaire ou rentrer chez lui.
La réponse sera la même pour Jean Charest. Les citoyens se sont exprimés il y a 19 mois à peine. Si M. Charest estime que ce n'est pas vivable pour lui, qu'il rentre à la maison. Soixante-dix pour cent des Québécois estiment que d'autres élections seraient du temps et de l'argent gaspillés pour rien.
Les électeurs sont en colère. C'est le ras-le-bol. Quand ils disent qu'ils ne veulent pas d'élections, il faut les comprendre. Voter, c'est en train de devenir un job à plein temps. Accroche les pancartes, décroche les pancartes, et ce qu'il faut se taper pendant les campagnes électorales comme insignifiances...
Un dernier mot pour Jean Charest: si vous décidez d'en déclencher quand même, je vous propose un accommodement raisonnable. Vous déclenchez les élections un vendredi, le débat des chefs a lieu le samedi et nous votons le lundi. Quatre jours maximum. Plus que ça, la dépression ne sera pas seulement économique, elle sera nerveuse aussi. Lâchez-nous... On a besoin de refaire nos forces. Profitez-en pour ne rien faire, c'est dans ça que vous êtes le meilleur.
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