Avant l’amorce du présent mois, on craignait que les déchirements syriens ne débordent sur le territoire libanais. Depuis la mi-août, on ne parle plus de crainte ou d’appréhension, mais bien de contamination. On insiste, pour reprendre un titre du journal Le Monde : « La crise syrienne contamine le Liban. » Et comme c’est souvent le cas avec ce dernier pays, cela s’est fait et se fait de manière aussi complexe que diffuse, le Liban étant, entre autres choses, on ne le répétera jamais assez, un chaudron religieux. Un millefeuille de croyances qui régulièrement s’entrechoquent.
À la mi-août donc, une quinzaine de Syriens sunnites qui s’étaient réfugiés au Liban ont été enlevés par un puissant clan chiite dit clan des Moqdad. De ce dernier, il se dit qu’il est un proche allié du Hezbollah chiite armé, financé et protégé par le régime de Bachar al-Assad et par l’Iran. Ces enlèvements faisaient suite aux kidnappings de Libanais chiites dans le nord de la… Syrie ! Depuis, on a assisté à l’afflux d’armes à la frontière entre les deux pays. Au bénéfice de qui ? Des sunnites libanais. On a surtout assisté, cette semaine encore, à des affrontements entre sunnites et chiites dans la ville libanaise de Tripoli qui se sont soldés par plusieurs morts et davantage de blessés.
Cette contamination, pour employer une lapalissade, est un produit de l’histoire. De l’histoire d’autant plus récente que la Syrie est un pays, et non une nation, très jeune, son indépendance ayant été déclarée en avril 1946. Cette indépendance, les leaders syriens l’avaient obtenue à la condition suivante imposée par les mandataires français : reconnaître l’indépendance du Grand Liban.
À cet égard, dans une analyse publiée dans l’avant-dernier numéro que le magazine L’Histoire a consacré à la Syrie, Élizabeth Picard, directrice de recherche au CNRS, précise ceci : « Les communautés religieuses (le droit syrien reconnaît par exemple onze communautés chrétiennes) et locales prenaient en charge l’éducation, la santé, et jusqu’à la représentation politique et la défense sécuritaire de leur groupe d’identité. Même corsetée dans ses frontières internationales, la Syrie restait fragmentée en territoires différenciés et peu solidaires. »
Quand on sait que les Druzes du Liban sont évidemment plus proches des Druzes de la Syrie et d’Israël, que les Alaouites éprouvent encore du ressentiment à l’endroit des sunnites qui les ont dominés pendant des siècles, que ces derniers ont plus d’affinités avec les sunnites de l’étranger, on comprend mieux qu’un politicologue libanais ait baptisé la Syrie « l’État du toujours moins ».
Conflit syrien
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