Depuis un mois et davantage, les autorités américaines, tant politiques que juridiques, ont mis en relief les exactions commises par des banquiers britanniques. Grâce au travail de fourmi accompli par les limiers de New York et des environs, on apprend que les avocats employés par ces établissements se sont appliqués à faire le lit du mal aux dépens évidemment du bien. Du bien commun il va sans dire.
Qu’importe pour l’instant que le montant blanchi par la banque anglaise Standard Chartered au bénéfice de l’Iran soit moins important, selon ses dirigeants, que celui avancé par le procureur Benjamin M. Lawsky de l’État de New York. Qu’importe que son geste ait été jugé précipité par certains de ses confrères, mais salué par d’autres parce que contrastant avec l’extrême lenteur des autres administrations concernées par les faits et méfaits financiers. Qu’importe cela, il reste que l’effort accompli par Lawsky et ses détectives met en lumière comme jamais le travail de sape effectué par les avocats. Avec les dirigeants félons et les courtiers flingueurs de la salle des changes, ces derniers forment la troïka de l’outrecuidance, de la vanité cultivée à un tel degré qu’ils se croient membres de la caste des intouchables.
Au ras des pâquerettes, ceci donne cela : dans le capitalisme classique, le conseiller juridique employé par telle ou telle compagnie ou banque était le gardien de l’éthique, de l’observation des lois et règles fixées par l’État pour le bien de tous. Dans la foulée du big-bang financier décrété par Margaret Thatcher dans les années 80 et du décloisonnement des institutions financières amorcé par Ronald Reagan et conclu par Bill Clinton en 1999, la fonction d’avocat s’est radicalement transformée. De gardien de l’éthique, il s’est mué en centre de profits.
De la série de scandales dans lesquels ont trempé les poids lourds de la City, ceux de la Standard et de la HSBC sont à cet égard les plus éloquents. Prenons la première. En 1995, Clinton détaille une série de sanctions économiques contre l’Iran parce que ce pays est considéré comme un État voyou et terroriste. Dans les semaines qui suivent son geste, l’avocat principal au siège social de la banque, pour reprendre les mots du procureur de New York, « élabore un cadre pour contourner les règles ». Il conçoit notamment une stratégie pour échapper à l’examen du US Office of Foreign Assets Control (OFAC) et prend soin de souligner que son mémorandum est « très confidentiel et qu’il ne faut surtout pas l’envoyer aux États-Unis ». Plus précisement à la filiale située à New York et à qui mandat avait été donné par la haute direction, dans le cadre d’une opération secrète baptisée Project Gazelle, de se spécialiser dans les transactions dites de demi-tour. Mais encore ? Les mécaniciens de la branche new-yorkaise gommaient l’identité du bénéficiaire, en l’occurrence l’Iran, et le renvoyaient à l’expéditeur.
Pour bien mesurer l’ampleur de cette culture dont le maître mot est le détournement de toutes les lois, il faut souligner que la Standard est le sujet d’autres enquêtes analogues pour ses menus travaux avec la Libye de Kadhafi, la Corée du Nord et la Birmanie. Que la HSBC est formellement accusée d’avoir blanchi de l’argent pour le cartel mexicain de la drogue, l’Iran, Cuba, la Corée du Nord et les commanditaires saoudiens du réseau al-Qaïda. Dans tous les cas, c’est à noter, les avocats s’avèrent les éclaireurs de cette ribambelle de contournements, de déviations fondées sur un sentiment d’impunité bien trempé.
Professeur de droit et de finances à l’Université de San Diego et réputé pour ses travaux sur l’éthique, Frank Partnoy a souligné dans le Financial Times que « les avocats de la mafia ne vont pas aussi loin ; contrairement à bien des banquiers, les bandits comprennent la valeur qu’a le consigliere indépendant qui leur dit quand s’arrêter ». Par une de ces coïncidences dont l’histoire a le secret, un chroniqueur britannique a eu le commentaire suivant : « En apprenant ce que font les avocats des banquiers, les mafieux ont dû se frotter les yeux. »
Dans ce dossier, le pire est que les personnalités britanniques dont on attend un minimum de respect pour la responsabilité publique sont allées jusqu’à ravaler cette série de scandales à un complot, pour faire court, des méchants Américains. Le but ? Affaiblir la City pour le bonheur de Wall Street. En fait de complot, la réalité est que les procureurs américains se sont rendu compte que les banques anglaises étaient celles qui se moquaient le plus des obligations réglementaires à l’étranger. Mettons cela sur le compte du « splendide isolement » dont nos amis britanniques sont si souvent friands.
Scandales bancaires
Le mal et non le bien
Avec les dirigeants félons et les courtiers flingueurs de la salle des changes, ces derniers forment la troïka de l’outrecuidance, de la vanité cultivée à un tel degré qu’ils se croient membres de la caste des intouchables.
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