Budget Bachand 2011

La carotte et le bâton

Un budget qui fait mal aux étudiants

Chronique de Louis Lapointe

Parmi les trois propositions suivantes, l’une d’entre elles n’est pas à sa place, laquelle ?
1- « Pour chaque dollar investi dans le programme de garderies du Québec, les gouvernements encaissent 1,50$ en entrées fiscales.
C'est l'économiste Pierre Fortin qui me l'a appris hier. Il a fait les calculs, et les résultats sont clairs: environ 1$ revient à Québec; le reste va à Ottawa.
«C'est un succès financier monstre pour nos gouvernements», affirme-t-il.
Grâce aux CPE, lancés en 1997, le marché du travail peut en effet maintenant compter sur 70 000 Québécoises de plus qui génèrent toutes sortes de revenus et d'économies pour la société.»
Marie Claude Lortie, cyberpresse.
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2- «Le ministre Bachand invite les Québécois à rester au travail, du moins ceux qui en ont encore le goût et l'énergie. Ici, il manie la carotte et le bâton. Pénalités actuarielles pour ceux qui partent avant 65 ans. Bonification des rentes pour les Québécois qui partent à la retraite après. En plus, les travailleurs de 65 ans et plus profiteront d'un nouveau crédit d'impôt pouvant atteindre 1500$ par année.» Sophie Cousineau, cyberpresse.
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3- «La facture va augmenter de 325$ par année pendant 5 ans. Les droits vont donc passer de 2168$ à 3793$, un bond prodigieux de 75%.
Contrairement au mythe savamment entretenu par ceux qui rêvent de faire payer davantage les étudiants, les droits de scolarité ne sont pas gelés - ou presque - depuis 50 ans. C'est vrai qu'il y a eu une longue période de gel, durant laquelle les droits ont été plafonnés à 550$ par année. Mais au début des années 90, le gouvernement a fait flamber la facture en décrétant des hausses brutales. En 1989, un étudiant payait 550$; en 1991, 1337$; en 1994, 1668$. Faites le calcul: 200% d'augmentation.
En 2007, nouveau dégel. Québec a décidé d'augmenter les droits de 100$ par année jusqu'en 2012. (…)
Le portrait de l'étudiant type devrait faire réfléchir Raymond Bachand. Près de 40% ne reçoivent aucune contribution de leurs parents; 81% ont un emploi en plus d'étudier à temps plein; 50% travaillent plus de 15 heures par semaine; environ la moitié gagne moins de 12 000$ par année; les deux tiers n'habitent pas chez leurs parents*.
Chaque hausse brutale leur rentre dedans. Les étudiants ne sont pas des fils à papa qui vont à l'université de génération en génération. Près de 45% d'entre eux sont les premiers à y mettre les pieds. Les acquis sont fragiles, il ne faut pas tout bousiller.»
Michèle Ouimet, cyberpresse.
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La réponse est facile, 3. Voici pourquoi:
Pour inciter les travailleurs à demeurer plus longtemps sur le marché du travail, le budget Bachand leur propose une bonification de leurs prestations de la RRQ ainsi qu’un crédit d’impôt de 1500$ par année à partir de l’âge de 65 ans, sachant que ces mesures vont augmenter les entrées fiscales.
Pour encourager les mères de famille à retourner sur le marché du travail, le gouvernement leur offre des bas tarifs de garderie alors que chaque dollar investi par ce dernier dans une garderie génère des entrées fiscales de 1.50$.
Devant ces exemples, comment expliquer que la même logique de la carotte et du bâton qu’on propose aux travailleurs en fin de carrière et aux mères de famille ne s’applique pas aux étudiants ?
Au lieu de remplir leurs classes d’étudiants et favoriser la scolarisation des jeunes Québécois, avec la complicité du gouvernement, les universités ont plutôt fait le choix d’investir dans la recherche.
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«Même si la recherche profite d’abord aux entreprises et à leurs dirigeants qui payent de moins en moins d’impôts et voient leurs revenus augmenter de façon exponentielle, ce sont les étudiants qui doivent payer pour l’embauche de nouveaux professeurs qui consacreront l’essentiel de leur tâche à la recherche, pas à l’enseignement.
Historiquement, au Québec, la recherche a toujours été financée par les fonds publics, pas par les étudiants.
D’ailleurs, les coûts associés à l’enseignement n’ont presque pas évolué au cours des dix dernières années, alors que, pendant ce temps, ceux associés à la recherche ont littéralement explosé (…)»

Louis Lapointe, Les étudiants les grands perdants, les dirigeants les grands gagants.
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Si jadis, elles furent élitistes, aujourd’hui, les universités favorisent indûment leur mission de recherche aux dépens de leur mission d’enseignement en finançant leurs activités de recherche sur le dos des étudiants grâce, entre autres, à la dernière hausse des droits de scolarité décrétée par le gouvernement du Québec. Un choix risqué qui ne sera pas sans conséquence sur le taux de scolarisation des Québécois.
Le gouvernement veut-il vraiment, comme il le prétend, plus de diplômés universitaires sur le marché du travail avec des salaires plus élevés et, en conséquence, des recettes fiscales plus substantielles?
Cherchez l'erreur!
Pendant que Raymond Bachand tend la carotte aux universités, il donne du bâton aux étudiants. Une décision étonnante de la part d'un ministre qui souhaitait, il y a un an à peine, un effort de rationalisation plus grand de la part de l'administration publique.
D'autant plus controversée, que les universités nous ont prouvé, au cours des dernières années, qu'elles n'étaient pas les établissements publics les mieux administrés, un euphémisme!
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Entre autres, sur le même sujet:
La meilleure façon de donner au suivant !
Les méprisables
Quelle crise des universités?
La responsabilité

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Louis Lapointe534 articles

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    18 mars 2011

    Une véritable tricherie ! Encore un moyen de crapules à la Duplessis pour empêcher les jeunes Québécois de s'instruire et de voir clair dans le jeu de ceux qui veulent couler le Québec. Tous ceux qui croient que les étudiants perdent leur temps et coûtent trop cher, seront contents d'apprendre que Bachand leur serre la vis. Quelles âneries ! Une par derrière l'autre. J'espère que les étudiants tiendront leur bout.
    Et feront connaître ce qui en est réellement comme vous venez de le faire Monsieur Lapointe. Je vous salue bien.

  • Archives de Vigile Répondre

    18 mars 2011

    Une bonne part des profs d'université cherchent à enseigner le moins possible.Le truc est simple,ils vont chercher des subventions de recherches et se servent d'une partie de ces subventions pour payer les chargés de cours qui les remplaceront dans leurs tâches d'enseignement.
    Par ailleurs les subventions sont de plus en plus faciles à obtenir,le gouvernement fédéral ayant choisi de s'aliéner les profs d'université de cette facon.
    À part le retraité Guy Rocher,combien connaissez-vous de profs qui osent maintenant contester ouvertement nos gouvernements? Les subventions les ont fait taire et cette situation est présentée comme un développement de la recherche universitaire?
    Faites-moi rire.