La Caisse de dépôt et placement du Québec consacrera une part plus importante de ses ressources à des placements visant à la libérer des humeurs du marché pour se concentrer plutôt sur la valeur à long terme des actifs.
L’institution vient de mettre sur pied un nouveau portefeuille Actions Qualité mondiale consacré à cette fin et vers lequel elle entend rediriger environ 10 % de ses placements d’ici deux ans. Cet argent viendra d’une réduction équivalente (d’environ 36 % à 26 % de ses actifs totaux) de ses autres portefeuilles d’actions déjà existants.
Dans la foulée, la Caisse compte aussi augmenter de 10 à 12 milliards ses investissements à long terme dans les marchés privés, les infrastructures et l’immobilier pour porter de 25 % à 30 % leur part dans ses actifs nets qui s’élevaient, au 30 juin, à 166 milliards.
Ce changement de cap de la Caisse est rendu nécessaire, entre autres, par la chute de rendement des marchés obligataires, mais aussi par la vision de plus en plus à court terme des marchés boursiers, a expliqué mardi son président et chef de la direction, Michael Sabia, lors d’une rencontre avec des représentants de la presse. « Nous sommes arrivés à un point où les marchés ne sont plus un bon indicateur de la valeur, mais un facteur de volatilité. »
Changement de culture
Le virage de la Caisse marquera un « changement culturel énorme » par rapport aux années 2000, où elle avait des stratégies étroitement arrimées aux cycles économiques en ayant recours à l’effet de levier et aux produits dérivés, dit-il. Cela en sera un aussi pour ses gestionnaires de fonds habitués d’établir leur stratégie de placement à partir des grands indices boursiers qu’ils essaient de battre ensuite. Il faudra, cette fois-ci, ne se fier qu’à la qualité et à la valeur intrinsèque des actifs à long terme en ayant en tête un horizon de 3, de 5, voire de 10 ans.
Basé sur une « logique de propriétaire », le nouveau portefeuille Actions Qualité mondiale se basera sur des critères comme la force de l’équipe de direction des entreprises, les niveaux de liquidité, les perspectives de rendements stables et un niveau d’endettement raisonnable. « Des entreprises presque ennuyeuses, dit Roland Lescure, premier vice-président et chef des Placements. Presque, parce qu’on souhaite qu’elles soient exposées aux économies émergentes », sachant qu’une bonne part de la croissance économique mondiale future viendra de là.
Cela obligera le développement d’une meilleure expertise à l’interne dans plusieurs domaines avec l’embauche de spécialistes en production, d’ingénieurs, de géologues, de spécialistes en télécommunication et de bien d’autres experts. Élaboré depuis le printemps en collaboration avec les 25 déposants de la Caisse, dont les principaux sont le régime de retraite des employés du secteur public québécois, le gouvernement du Québec, la Régie des rentes du Québec et la Commission de la construction du Québec, le nouveau portefeuille n’a été officiellement lancé qu’au début de l’année, mais il a déjà fait l’objet de tests.
La direction de la Caisse n’a pas voulu indiquer les résultats obtenus jusqu’à présent par ces premiers investissements, ni divulguer leur liste complète. Elle a néanmoins laissé entendre qu’on pourrait notamment y retrouver des compagnies comme Nestlé, Coca-Cola, le CN, Proctor Gamble et Qualcomm.
On se garde bien de faire des nouveaux objectifs de répartition d’actifs des cibles fermes à atteindre coûte que coûte et le plus tôt possible. « Il faudra être très discipliné », dit Michael Sabia. La Caisse n’est pas le seul grand investisseur à vouloir faire comme l’Américain Warren Buffet et rechercher les rendements à long terme. Cela a poussé à la hausse le prix de plusieurs actifs.
En matière de placement privé, la taille et le réseau de contacts de la Caisse lui donnent cependant accès à des projets d’investissement qui ne sont pas accessibles à tous. Les graves difficultés économiques, que traverse l’Europe actuellement, amènent aussi leur lot de bonnes affaires.
Pas plus interventionniste qu’auparavant
Le nouveau portefeuille Action Qualité mondiale n’amènera pas nécessairement la Caisse à vouloir se faire plus active qu’elle l’était déjà à titre d’actionnaire au sein des entreprises. Comme auparavant, cela dépendra de son expertise, de son poids relatif dans l’actionnariat et de la performance de l’entreprise en question. Sa seule façon d’exprimer son mécontentement, lorsqu’elle n’est qu’un actionnaire parmi tant d’autres, est de s’en aller. D’autres fois, elle est tellement satisfaite de la façon dont l’entreprise mène ses affaires qu’elle se contente largement de regarder et d’apprécier. C’est le cas, dit Michael Sabia, de CGI, dans laquelle elle a investi 1 milliard de plus au mois de mai.
D’autre fois, elle se sent la capacité et le devoir de faire entendre sa voix pour aider à corriger, « de façon constructive », la trajectoire d’une entreprise qui pourrait mieux faire à long terme. Cela a été le cas récemment, note le patron de la Caisse, pour Rona, qui faisait l’objet d’une offre d’achat hostile du concurrent américain Lowe’s.
« Il y a des gens qui croient qu’une sorte de téléphone rouge a sonné sur mon bureau et qu’on m’a ordonné de barrer cette offre. Ça n’a aucun sens. Ça ne se passe pas comme ça », raconte Michael Sabia.
La Caisse avait fait ses devoirs depuis longtemps, dit-il. On connaissait le potentiel de la compagnie québécoise. « Il était hors de question qu’on la laisse partir, pas à ce prix-là. »
Depuis, l’entreprise s’est donné une nouvelle direction et un nouveau conseil d’administration, qui ont repris les choses en main. « Disons que, cette fois-là, la Caisse a servi de catalyseur à des changements tournés vers la performance et la création de valeur à long terme. »
La Caisse change de stratégie
Michael Sabia veut rendre la CDPQ moins sensible aux humeurs du marché
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