La base militaire de Borden: «un calvaire pour les francos»

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Canada-Québec - sortir ou rester ? <br>Il faudra bien se décider un jour...


(Photo PC)

Hugo de Grandpré - En arrivant à Borden, des militaires francophones se font dire que la base est unilingue anglophone. Des mémos rédigés en français leur sont retournés pour être réécrits en anglais. On recommande aux soldats d’apprendre l’anglais – ou de se trouver un traducteur.


Ce sont certains des témoignages de recrues de la base ontarienne, contenus dans un document d’enquête rédigé par l’ombudsman de la Défense nationale et obtenus par La Presse grâce à la Loi sur l’accès à l’information.
L’ombudsman Yves Côté a tiré la sonnette d’alarme il y a un an à propos de cette base où près de 1500 jeunes francophones recrutés par la Défense nationale convergent chaque année. Intolérance, discrimination... « Les recrues avec qui je me suis entretenu ont exprimé de sérieuses difficultés et des frustrations à l’égard de la chaîne de commandement », a écrit M. Côté au général Rick Hillier, chef d’état-major de la Défense canadienne.
L’échange de lettres qui a suivi entre les deux hommes a mené à une série de promesses pour remédier à la situation. Or, en septembre dernier, soit près d’un an plus tard, l’ombudsman a constaté que rien n’avait changé. « Nos enquêteurs se sont rendus à la base du 19 au 21 juin derniers », a-t-il écrit le 24 septembre, dans une autre lettre adressée au général Hillier.
« Après avoir organisé des assemblées ouvertes et effectué des sondages confidentiels, ils m’ont informé que la situation était en fait pire et que son ampleur était plus importante que je ne l’avais cru précédemment. »
Sombre portrait
La Presse a obtenu un extrait du rapport de ces enquêteurs. Le document a été rédigé à partir de témoignages de recrues francophones qui dressent un sombre portrait de leur vie à BCF Borden.
« On se fait dire qu’on devrait s’habituer à parler anglais, que le français n’est que pour une minorité », s’est plaint un étudiant.
« C’est fortement recommandé de prendre son trou et d’attendre l’info en français, qui n’arrive souvent jamais », a affirmé un autre.
« Lorsque j’ai fini mon cours de recrue, je me suis retrouvé à Borden (...) pendant neuf mois, a raconté l’un d’eux. Calvaire pour les francos. Puisqu’ils ne parlaient pas français, ils nous laissaient dans une salle à perdre notre temps pendant que les anglos faisaient plein d’activités. »
Plusieurs recrues disent ignorer leurs droits et recours en tant que francophones dans l’armée. « C’est la première fois en quatre ans que je rencontre quelqu’un qui me parle de mes droits en ce qui a trait à la langue française. Il va falloir m’expliquer pourquoi cette réunion va régler ce gros problème. »
Quelque 185 élèves francophones ont ainsi été consultés. « Il est apparu évident suite à nos consultations que les mesures linguistiques prises localement depuis novembre 2006 étaient insuffisantes pour renverser les tendances à elles seules », ont expliqué les enquêteurs.
Ils ont recommandé plus d’argent, plus de personnel et une meilleure valorisation du français pour corriger le problème.
« Pour nos enquêteurs, a conclu Yves Côté dans sa lettre du 24 septembre, il était clair que cela nuisait au développement professionnel de ces recrues et que leur moral s’en ressentait. »
Une visite bientôt
Le major-général Walter Semianiw, qui occupe le poste de champion des langues officielles des Forces canadiennes, a répondu à Yves Côté le 7 novembre. Il a affirmé que des mesures immédiates seraient prises pour corriger la situation. Ces mesures incluent des « réunions d’information pour assurer la sensibilisation de la direction ».
M. Semianiw a aussi promis de mettre sur pied un plan « pour répondre aux préoccupations à moyen et à long terme qui remettent en question l’éducation en français ». À la Défense nationale, on précise que ce plan pourrait s’échelonner sur trois ans et inclura l’embauche d’un plus grand nombre d’instructeurs francophones.
M. Côté a depuis démissionné de son poste. Dans une entrevue accordée au quotidien Le Droit, il a affirmé que ce départ n’avait rien à voir avec le dossier de Borden. Mais le suivi des nouvelles mesures reste à faire.
Au bureau de l’ombudsman, on indique que l’ombudsman intérimaire, Mary McFadyen, retournera à Borden dans les prochaines semaines pour voir si des changements ont réellement été apportés.
Avec la collaboration de William Leclerc.
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