Québec déplore la sortie fracassante du riche Ontario contre toute bonification de la péréquation. Dans une attaque à peine voilée, le premier ministre Jean Charest a accusé son homologue ontarien, Dalton McGuinty, d'avoir une " vision restreinte " du Canada.
" En agissant sur la péréquation, on s'aide nous-mêmes. Quand nos voisins s'enrichissent, on s'enrichit soi-même. Ça, c'est une vision de pays qu'on doit avoir, au lieu de la vision restreinte que certains pourraient proposer pour le Canada et qui se limite à son propre territoire ", a-t-il affirmé hier, lors de la conférence de presse clôturant une rencontre des premiers ministres provinciaux et territoriaux.
Pat Binns, de l'Île-du-Prince-Édouard, a renchéri: " Nous ne pouvons pas voir le grand frère de la fédération prendre l'auto et la carte de crédit, et laisser le reste de la famille derrière lui! "
Mardi, Dalton McGuinty s'est dit opposé à toute augmentation de la péréquation, un programme fédéral qui vise à répartir la richesse entre les provinces. Les Ontariens versent déjà beaucoup d'argent à Ottawa et ils en bénéficient bien peu, a-t-il plaidé. Il a fait cette déclaration en pleine conférence de presse, entouré de tous ses homologues.
Québec a été froissé par la décision de l'Ontario de publier son propre communiqué de presse et de tenir un autre point de presse pour expliquer sa position.
Jean Charest a confirmé que jamais l'Ontario n'avait prévenu les autres provinces qu'il allait faire un coup de force.
" Je trouve que c'est une sortie étonnante ", a laissé tomber le ministre québécois des Affaires intergouvernementales, Benoît Pelletier.
" La péréquation fait partie de la Constitution. Et aujourd'hui, on voudrait passer à côté? " a demandé Jean Charest.
L'Ontario ne reçoit pas un sou de péréquation. Il dispose de revenus beaucoup plus importants que la moyenne des provinces.
Dalton McGuinty était absent de la rencontre hier. Il est parti tôt en matinée en refusant de répondre aux questions des journalistes qui l'attendaient.
Mais la ministre ontarienne des Affaires intergouvernementales, Marie Bountrogianni, a pris la défense de son patron hier lors de la conférence de presse finale. " Nous n'avons tout simplement pas les moyens d'augmenter la péréquation. S'il y a une augmentation, l'Ontario va payer davantage ", a-t-elle dit.
Jean Charest a répliqué aussitôt. " On a un désaccord sur ce point ", a-t-il lancé devant des journalistes et des membres des délégations provinciales surpris de cet échange soudain. Selon lui, l'augmentation de la péréquation serait financée à même les surplus faramineux engrangés par Ottawa. Les paiements de péréquation représentaient en moyenne 1,1 % du produit intérieur brut (PIB) du Canada entre 1975 et 1995. Ils ont chuté depuis à environ 0,7 %, a-t-il rappelé.
Jean Charest croit toujours possible que les provinces puissent s'entendre entre elles. Benoît Pelletier considère d'ailleurs que l'Ontario est isolé.
Le premier ministre de l'Alberta, Ralph Klein, dont la riche province ne reçoit pas de péréquation, s'est prononcé en faveur d'une bonification de ce programme fédéral, a-t-il rappelé. " M. McGuinty part du principe que les Ontariens font déjà plus que leur part et que, fiscalement parlant, ils sont désavantagés par le système canadien par rapport à d'autres provinces. Je pense que cela reste à démontrer. "
Benoît Pelletier se dit tout de même prêt à faire quelques compromis pour rallier l'Ontario, rappelant qu'il est bien difficile de ne pas tenir compte de la position de cette province riche lorsque vient le temps de réformer la péréquation. Mais ces compromis ne menaceraient pas les intérêts du Québec, a-t-il insisté.
Un comité d'experts formé par les provinces a recommandé mardi de revoir la formule de péréquation afin de régler une partie du déséquilibre fiscal. La péréquation devrait passer selon lui de 9,4 milliards à 14,1 milliards de dollars par année. Rappelons que les provinces qui ont des revenus inférieurs à la moyenne reçoivent des paiements de péréquation.
Le comité propose également de bonifier les transferts fédéraux de 4,9 milliards par année. Cette idée plaît à l'Ontario, car les transferts sont versés aux provinces en fonction de leur population.
Faisant allusion à la position de l'Ontario, le premier ministre du Manitoba, Gary Doer, es- time qu'" on ne peut pas prendre du rapport ce qui nous intéresse et mettre de côté tout le reste ".
Jean Charest a rappelé que les membres du comité, dont certains proviennent de l'Ontario, ont été choisis à l'unanimité par les provinces.
Réforme de la péréquation
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