Une des promesses phares du Parti Libéral lors de la dernière élection fédérale est passée relativement inaperçue; elle se chiffrait à plusieurs dizaines de millions de dollars et ciblait les fermetures d’usines pour aider ces travailleurs. Oubliez les dommages collatéraux que subira le Québec avec le « renouvellement » de l’entente de libre-échange USA-Canada-Mexique ou de l’entente Canada-Europe, c’est de l’Ontario qu’il s’agit ici; le gouvernement fédéral n’en a rien à foutre des industries québécoises forestières, laitières, agro-alimentaires et de l’aluminium
En effet, l’Ontario aura connu une année 2019 désastreuse avec la fermeture de 3 importantes usines : Ford, Fiat-Chrysler et la dernière, juste avant Noël, de GM. Ce sont plusieurs milliers d’emplois très bien payés qui disparaissent dans ce qui s’annonce comme le déclin irréversible de l’industrie automobile dans cette province.
Il faut comprendre qu’historiquement l’Ontario a jadis produit jusqu’à 25% de toutes les automobiles en Amérique du Nord avec la signature du pacte de l’auto en 1964 avec les USA. Le gouvernement fédéral y avait alors mis le paquet : Mise en service de la Voie Maritime, politiques fiscales attrayantes, régimes publics d’assurance-maladie et financement de l’énergie nucléaire de l’Ontario pour alimenter ces mêmes usines automobiles (75 milliards de $ de la dette fédérale globale). Une véritable manne pour l’Ontario qui devenait une des plus riches régions du monde.
Évidemment, tout cela au détriment de Montréal et du Québec qui ont dû se contenter de fournir du minerai de fer à « une cenne la tonne » malgré la modernisation de ses institutions (d’enseignement entre autres), la construction de nouveaux barrages pour potentiellement desservir l’Ontario, la consolidation des aciéries québécoises (Sidbec), etc.
Rien n’y fit : De « Maîtres chez nous » au référendum de 1980 en passant par « Égalité ou Indépendance », la Révolution tranquille du Québec ne ferait pas le poids face au « séparatisme économique de l’Ontario ». Comble de malheur, le verrou constitutionnel de 1982 viendrait sceller et éteindre la menace géopolitique d’un Québec indépendant et assurer la richesse de l’Ontario pour les décennies à venir. Et comme le disait jadis Paul Sauvé : « Désormais… »; ce « désormais » se transformant en un « Désormais, ce sera de la péréquation » apparemment financé en grande partie par la gentille et altruiste Ontario…
Mais les temps ont changé : L’Ontario, mis à part une possible usine de voitures hybrides de Toyota, n’a aucun projet crédible d’automobiles électriques et toute son industrie automobile est constituée d’usines vieillissantes susceptibles de fermeture à brève échéance. Les données officielles de Statistiques Canada ne mentent pas : La capacité fiscale des Ontariens est en baisse et l’Ontario a commencé à jouir de la péréquation. Autre signe inquiétant : L’Ontario est devenue plus endettée que le Québec en 2019; une première depuis 1840…
D’ici 2030, l’Ontario fera face à un vaste mouvement de désindustrialisation avec la désintégration de son industrie automobile avec une Voie Maritime qui deviendra désuète et un réseau ferroviaire rendu peu utile. Plusieurs indépendantistes québécois auraient la tentation, ici, de se réjouir. En fait, ce sont plusieurs nouvelles menaces qui pointent vers le Québec; la principale étant la construction d’un corridor énergétique avec le but d’acheminer vers l’Ontario l’électricité de Terre-Neuve produite à Muskrat Falls et Churchill Falls (à partir de 2041) et « en prime » la construction de l’oléoduc Énergie-Est. La récente rebuffade servie à François Legault par l’ontarien Doug Ford pour un possible contrat d’approvisionnement d’électricité à long terme pourrait en faire foi… Un Doug Ford qui cherche à gagner du temps avec ses CANDU vieillissants le temps que tout se mette en place.
Devant l’affaiblissement de l’Ontario, Ottawa n’a pas lésiné et ne lésinera pas sur les moyens : Création de la Banque des Infrastructures à Toronto, Agence mobilière unique aussi à Toronto, Entente avec Netflix pour cannibaliser toute l’industrie des technologies de l’information (logiciels, production cinéma et vidéo, jeux, etc.) sise principalement au Québec et implantation du centre canadien de l’intelligence artificielle à London, etc.
Il est à se demander quelles sont ou seront les tribulations de l’Ontario et du gouvernement fédéral face à une possible vente de feu de Bombardier que plusieurs ont commencé à invoquer. Ce serait réaliser le rêve le plus fou : Enfin, s’accaparer des industries ferroviaires et aéronautiques du Québec qui sont les principales exportations de ce même Québec.
C’est sans compter une possible centralisation accrue des services gouvernementaux fédéraux vers l’Ontario. Le Québec pourrait être un important figurant dans un rôle « de premier plan » de la version d’Ottawa du film de Steven Spielberg « Saving Private Ryan », soit celle de « Saving Private Ontario ».
Cependant, la dynamique mondiale avec l’émergence de la Chine rend nécessaire un nouveau positionnement des USA d’où le récent pacte économique avec les USA alors que le Canada y est devenu officiellement son vassal économique; le Canada jouera dorénavant un rôle secondaire d’économie intermittente pour pallier aux fluctuations du marché intérieur américain. Ce sera à des années lumières du révolu Pacte original de l’automobile. Il suffit de constater l’entente préliminaire Chine-USA : La Chine a consenti à acheter plus de produits agricoles des USA (notamment le soya) et pourrait donc réduire de façon draconienne ses achats canadiens… America First n’est-ce-pas ?
Historiquement, il existe peu de cas de régions mono-industrielles ayant réussi très rapidement un pivot vers un renouveau économique. Une Ontario sans industrie automobile, sans pétrole, sans ressources naturelles majeures et géographiquement enclavé, mais avec un parlement fédéral et une forte croissance démographique issue de l’immigration de masse. De cette immigration, dont certains diront, qu’elle symbolise l’incapacité à créer de la richesse.
Un Canada appauvri, lourdement endetté (305 % du PIB en 2018), en recul sur le plan mondial et totalement assujetti aux USA devra réaliser un impossible tour de force : Se réinventer dans un cadre constitutionnel extrêmement rigide. Cela relèvera assurément du Saint-Esprit car ni le Père et ni le Fils ne l’avaient prévu.
Ainsi soit-il !
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