Il y a de ces moments de vérité qui n’ont pas de prix. Les propos controversés du nouveau ministre de l’Éducation sur les ondes de CHOI FM, à Québec, en sont un spécimen de premier ordre. Ce n’est pas tous les jours qu’un ministre révèle avec autant d’aise le vrai fond de sa pensée.
Se vantant d’avoir encouragé les recteurs à prendre des «sanctions» contre les étudiants, François Blais disait ceci: «Effectivement, ça peut aller jusqu’à l’expulsion. Ils peuvent le faire. S’ils le faisaient pour deux ou trois personnes par jour, ça refroidirait, je pense, les ardeurs de certains.»
Or, le lendemain, sans sourciller, face au tollé provoqué par ses propos, M. Blais niait ses propres mots: «Je n’ai pas proposé de quota. Surtout pas, non plus, d’expulsions.» L’art de prendre les citoyens pour des valises.
Avec mépris, il avait même comparé les étudiants à des «enfants» dont on doit «corriger» les comportements. Mais surtout, il en profitait pour nier l’existence même d’un droit de grève étudiant.
L’arbre qui cache la forêt
Ce qui se dessine au gouvernement va toutefois bien au-delà de la seule question de quelques cagoulés qui «bloquent les portes». Bien au-delà, aussi, du contexte immédiat d’une grève sociale contre l’austérité, de la grande manif d’hier ou même d’un report possible à l’automne de la mobilisation étudiante.
Dans les faits, nous assistons à une offensive tous azimuts contre le principe même du droit de grève et d’association des étudiants. D’une clarté cristalline, les propos du ministre le confirment.
Depuis des lustres, malgré le «flou» juridique qui l’entoure, ce principe est pourtant un acquis politique, historique et social majeur. Ici et ailleurs en Occident. C’est pourquoi cette offensive est foncièrement antidémocratique.
Paradoxalement, ce même flou sert aujourd’hui le gouvernement. Son refus de baliser le droit de grève en témoigne. S’il le balisait, il serait bien obligé de le reconnaître. Ce flou permet aussi la multiplication des injonctions émises par une magistrature qui partage le même déni d’un droit qu’on croyait acquis.
Le jupon du ministre
Ce qu’il faut comprendre est que nous ne sommes pas dans une dynamique d’argumentation logique et éclairée. À preuve, le ministre Blais implore la mythique «majorité silencieuse» des étudiants à «aller voter» contre la grève en même temps qu’il nie l’existence du droit de grève. Cherchez l’erreur.
Nous sommes plutôt dans une dynamique politique de rapport de forces. Depuis 2012, les libéraux se font les muscles contre un mouvement étudiant qui dérange. Il dérange parce qu’il prend «la rue» et risque de conscientiser une partie de la population contre leurs politiques.
Bref, on cherche à casser les reins du mouvement étudiant. Autant sur le plan politique que juridique, médiatique et social. Enclenchée sous Jean Charest, cette offensive s’accélère sous Philippe Couillard. La pensée du nouveau ministre de l’Éducation s’y inscrit en parfaite concordance.
Le jupon d’ex-doyen de François Blais dépasse largement de ses habits de ministre. On vient de comprendre pourquoi il a été choisi pour succéder à Yves Bolduc.
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