Agence France-Presse - Milan — Croulant sous une énorme dette, handicapée par des tensions politiques et une croissance atone, l'Italie est dans le viseur des marchés, mais ses points forts la mettent à l'abri d'un scénario à la grecque, selon des économistes.
Après un «vendredi noir» qui a vu les taux obligataires italiens s'envoler à des records et la Bourse de Milan chuter, l'angoisse est palpable dans la péninsule: «L'Italie retient son souffle», titre le Corriere della Sera, «Spéculation, peur sur les marchés», renchérit La Repubblica.
Une éventuelle contagion de la crise de la dette à l'Italie provoque la panique sur les marchés car elle mettrait en péril l'ensemble de la zone euro, dont elle est la troisième économie. «Cette vague de spéculations violentes prend l'Italie pour cible alors que quelques doutes émergent sur ses objectifs budgétaires», explique Marco Valli, économiste de la banque UniCredit.
Le gouvernement a adopté le 30 juin un plan de rigueur de 40 milliards d'euros afin de rassurer les marchés alors que le pays croule sous une dette atteignant 120 % de son PIB, a une croissance faible [0,1 % au premier trimestre] et est sous la menace d'une dégradation de sa notation par Moody's et Standard and Poor's. Mais des doutes subsistent quant à la mise en oeuvre de ce plan, qui doit permettre au pays d'atteindre un quasi équilibre budgétaire en 2014, le gros des mesures portant sur 2013 et 2014 et donc sur le prochain gouvernement, souligne M. Valli.
Le contexte est en outre marqué par des tensions entre Silvio Berlusconi et le ministre de l'Économie, Giulio Tremonti, un facteur «d'incertitude qui a immédiatement amené les marchés à voir l'Italie comme un pays à risque», selon Giuliano Noci, professeur d'économie au MIP, école de commerce de l'Université Politecnico de Milan.
Pour ne rien arranger, M. Tremonti est éclaboussé par l'implication dans un scandale de corruption de son ancien bras droit qui lui payait le loyer de son appartement romain et des rumeurs d'une démission du ministre ont circulé.
Le président de la République, Giorgio Napolitano, a donc solennellement appelé hier à la «cohésion nationale», un message reçu par l'opposition qui ne fera pas d'«obstructionnisme» pour que le Parlement puisse adopter le plan de rigueur avant la pause estivale, a assuré Enrico Letta, du Parti démocrate.
Et signe de l'inquiétude croissante des dirigeants européens, la chancelière allemande, Angela Merkel, a téléphoné à Silvio Berlusconi pour lui demander une adoption rapide du plan par le Parlement.
Mais même si la «situation est grave», les économistes, à l'exemple de Fabio Fois, de Barclays Capital, ne voient toutefois «pas de risques» que l'Italie ait besoin d'appeler à l'aide comme la Grèce, le Portugal ou l'Irlande. «L'endettement privé est réduit, le secteur bancaire est sain, l'Italie dispose de la troisième industrie de la zone euro alors que la Grèce vit de tourisme et de peu d'autres choses», le déficit public [4,6 % du PIB en 2010] est inférieur à celui de nombreux pays européens, estime Marco Valli.
La «hausse des taux [au-dessus de 5 % pour les titres à dix ans contre environ 16 % pour la Grèce] ne met pas en danger le financement de la dette», mais si elle se poursuit, l'Italie pourrait avoir besoin «d'adopter de nouvelles mesures» de rigueur, ce qui «assombrira les perspectives de croissance» déjà faibles, met cependant en garde Luca Mezzomo, d'Intesa Sanpaolo.
Pour Lorenzo Bini Smaghi, membre du directoire de la Banque centrale européenne, «l'Italie ne fera jamais défaut, c'est un pays riche, tout à fait en mesure de rembourser sa dette», a-t-il dit. «Ceux qui connaissent l'Italie ont confiance», a-t-il poursuivi.
S'exprimant sur la question du lien entre risque bancaire et dette souveraine, il a déclaré que «la corrélation entre la dette souveraine et les Credit Default Swap (CDS) des banques est explosive», a dit Lorenzo Bini Smaghi lors d'une conférence.
L'exposition est considérable pour les banques italiennes «en raison de la taille importante de la dette publique italienne et parce qu'elles en détiennent une grande quantité». Lorenzo Bini Smaghi estimé que le niveau de capitalisation des banques italiennes est peu élevé si on le compare à ses concurrents, ce qui constitue un élément de fragilité supplémentaire.
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Avec Reuters
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