Mardi dernier, le premier ministre Philippe Couillard a fait un blitz économique à Montréal. Conférence de presse le matin pour annoncer un financement accru pour Anges Québec, une société de capital de risque. Le midi, une conférence très courue devant les membres de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.
Bien sûr, le Québec n'est pas la Russie ou Cuba, où les médias sont obligés de couvrir avec minutie et respect toutes les activités et les déclarations de leurs leaders. Un discours de Philippe Couillard, qui n'est pas un orateur enlevant, surtout s'il ne dit rien de nouveau, n'a pas à être automatiquement rapporté par les médias.
Mais quand même, j'ai été assez surpris de la façon dont ses interventions ont été couvertes.
Si j'en parle aujourd'hui, ce n'est pas pour critiquer le travail des médias, mais pour me servir de cet exemple précis comme illustration de l'impact profond, et pas toujours heureux, des énormes pressions qui s'exercent sur le monde de l'information.
Voici comment RDI a rendu compte de ce passage à Montréal du premier ministre à son bulletin télévisé de 18h.
«Une dizaine de manifestants ont perturbé le discours du premier ministre Couillard devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Les manifestants, qui brandissaient des pancartes «Stop Couillard», ont été rapidement escortés par les policiers. Philippe Couillard a d'ailleurs refusé d'interrompre son discours. Les protestataires se revendiquent de l'organisation Coalition main rouge opposée à la tarification et à la privatisation des services publics. Ils étaient parmi les 400 manifestants réunis à l'extérieur du Palais des congrès, où le discours était prononcé.»
Un topo de 31 secondes, avec des images de la dizaine de trouble-fête et d'autres images des manifestants, avec un bandeau au bas de l'écran qui disait: «DISCOURS PERTURBÉ». Mais pas un mot sur le discours!
C'est essentiellement le même message que l'on retrouvait dans la dépêche de La Presse Canadienne, reprise par plusieurs médias. «L'allocution de Couillard perturbée.» La Presse n'a pas parlé de la conférence, mais plutôt des réactions de M. Couillard à la démission de Thierry Vandal. Pour la plupart des médias, la nouvelle, c'étaient ces 10 membres d'un groupe marginal, dont l'intervention très brève, 45 secondes, n'a eu strictement aucun impact sur le déroulement de la conférence.
Comment un événement aussi mineur a-t-il réussi à faire la nouvelle? Parce que ces militants fournissent ce dont l'information continue a besoin. Des images, quelques pancartes valent mieux qu'un politicien devant un micro. De l'action, une histoire à raconter, plus vivante qu'un discours économique.
Dans la même lancée, on a aussi parlé des 400 manifestants à l'extérieur, qui fournissaient eux aussi un potentiel visuel. Même si, à bien y penser, le fait que les pompiers, la CSN, la FTQ, la CSQ, l'ASSE et leurs alliées aient mobilisé si peu de personnes à Montréal n'est certainement pas un succès.
Cette logique de l'image a des effets. Elle ne donne pas une lecture juste des rapports de forces, elle propose une image faussée de la réalité, comme si le Québec était au bord du soulèvement collectif. C'est d'ailleurs un peu ce qu'a conclu Le Devoir: «Aux abords du Palais des congrès, où le premier ministre livrait son discours, Le Devoir a constaté que la mobilisation contre les politiques du gouvernement Couillard s'organise.» Ah oui? 400 personnes?
Il y avait pourtant quatre fois plus de gens à l'intérieur du Centre des congrès, qui avaient même payé pour entendre M. Couillard, dont on n'a évidemment pas parlé. Personne n'aurait pour autant pensé à conclure que l'appui aux réformes Couillard s'organise!
Dans la bataille de l'image, le Québec militant, avec ses pancartes, ses cloches, ses coups d'éclat, l'emporte invariablement sur les décideurs en tailleurs ou en veston-cravate.
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