La démission surprise de Thierry Vandal de son poste de président-directeur général d'Hydro-Québec a ouvert la porte, et c'est bien normal, à un bilan de sa présidence et à une réflexion sur la société d'État elle-même.
Mais il est difficile de départager, dans la performance d'Hydro-Québec, ce qui est attribuable à la direction imprimée par ses gestionnaires de ce qui est tributaire des contraintes et des commandes que lui impose son unique actionnaire, le gouvernement du Québec.
On connaît assez bien le principe d'indépendance de la Caisse de dépôt et placement du Québec et l'existence d'un mur qui la sépare du gouvernement. Cette indépendance se justifie d'abord par l'importance de ne pas divertir la Caisse de sa mission première, celle de faire fructifier les épargnes que lui confient ses différents clients.
Le modèle d'Hydro-Québec est différent. D'abord parce que c'est un monopole et ensuite parce qu'elle n'a à rendre des comptes qu'à une seule entité: le gouvernement qui en est l'actionnaire unique. De par la nature de ses fonctions, un intrant économique pour les entreprises et un service de base pour les citoyens, elle est fréquemment au coeur de débats politiques.
Dans ce contexte plus difficile, la société d'État s'est bâti une carapace pour assurer son indépendance - on parle d'État dans l'État - et elle dispose d'un statut particulier: c'est au bureau du premier ministre que se prennent les grandes décisions qui la concernent. Mais elle est en quelque sorte dans une relation symbiotique avec les gouvernements.
Cela se manifeste de multiples façons. Ses tarifs, par exemple, sont contrôlés par un organisme public, la Régie de l'énergie. Mais les grands paramètres de cette tarification sont inscrits dans une loi, qui gelait jusqu'à tout récemment le prix de l'électricité dite patrimoniale, celle des grands barrages, et qui prévoit maintenant leur progression modeste. Ce n'est ni le marché ni la logique économique qui définissent l'essentiel de sa politique tarifaire, mais un choix purement politique. En outre, comme certains définissent les hausses de tarifs d'électricité comme une taxe, les débats sur la tarification deviennent extrêmement politiques et peuvent même faire l'objet de promesses électorales.
Hydro-Québec prépare son plan de développement et planifie ses grands projets d'investissements en fonction de son mandat, celui d'assurer la sécurité d'approvisionnement. Mais dans bien des cas, cette démarche rationnelle a été colorée par les agendas politiques des gouvernements, soit pour la freiner, comme l'a fait Jacques Parizeau, soit au contraire pour l'accélérer, pour stimuler les investissements ou créer des emplois.
Certains investissements, les petites centrales ou les éoliennes, qui fournissent une énergie plus coûteuse dans une période de surplus, répondent à une volonté politique de développement régional. Ce sont aussi des décisions politiques qui mènent aux contrats tarifaires avec les alumineries, où le désir de l'État d'utiliser l'électricité comme levier de développement a des impacts sur les résultats financiers de sa société d'État. C'est sans doute ce qui arrivera avec un autre projet gouvernemental, l'électrification des transports.
L'intervention politique, on la retrouve aussi dans presque chaque budget où Québec passe des commandes à Hydro pour qu'elle augmente ses profits, ce qui permet de réduire le déficit, mettant à mal encore une fois le principe d'indépendance de la société d'État.
Il est normal que les gouvernements veuillent qu'Hydro-Québec, avec sa compétence et sa puissance, puisse servir de levier de développement économique. Mais, en termes de gouvernance, cela ne doit pas se faire au détriment de la santé présente et future de la société d'État. Et surtout, il faut éviter que le levier économique se transforme en levier politique. La ligne est parfois floue. Avec un nouveau PDG et un nouveau gouvernement, le moment serait bien choisi pour mieux définir les règles du jeu.
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