Le Dr Gaétan Barrette, quand il était président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), était ce que l'on peut décrire comme un «bully» syndical. En changeant de bord, comme ministre de la Santé et des Services sociaux, il est tout simplement devenu un «bully» patronal.
Certains pourront trouver qu'il y a là un certain équilibre. Mais la partie patronale que représente maintenant le Dr Barrette n'est pas une PME dont le patron qui a construit seul son entreprise tolère mal que les «unions» lui dictent sa conduite. La partie patronale que représente M. Barrette, c'est l'État québécois, et cela impose des contraintes dans le ton, les méthodes, les stratégies qu'il déploie.
Si les médecins spécialistes toléraient ses techniques traditionnelles parce qu'elles les servaient bien - déclarations à l'emporte-pièce, intimidation de ses adversaires - , ces mêmes techniques ne sont pas compatibles avec la fonction d'un ministre important d'un gouvernement.
Cette question dépasse largement la personnalité de M. Barrette. Elle affecte le gouvernement Couillard dans son ensemble, qui doit relever un défi ambitieux: le redressement des finances publiques. C'est une tâche difficile et ingrate. Pour y parvenir, le gouvernement doit être capable de conserver un certain appui de la population, et pour cela, s'il y a une chose à éviter, c'est l'arrogance.
Or, le Dr Barrette, c'est l'incarnation même de l'arrogance. Cela ne devrait pas être une surprise. On voyait cette arrogance quand il était président de la FMSQ. On l'a vu quand il était candidat caquiste et que ses déclarations ont mis son chef François Legault dans l'embarras. Le chef libéral Philippe Couillard savait sans doute qu'il prenait un gros risque en acceptant ce transfuge dans ses rangs pour gonfler sa liste de candidatures prestigieuses.
Sa nomination à la Santé posait donc, en partant, un certain nombre de problèmes: son style abrasif, sa croisade contre les médecins généralistes quand il défendait les intérêts des médecins spécialistes, le fait aussi que la succession de médecins à la tête de ce ministère commence à devenir malsaine.
L'incident où le Dr Barrette s'est moqué d'un sondage de la Fédération des médecins omnipraticiens, en disant qu'il avait lui aussi déjà poussé ses propres membres spécialistes à exagérer leurs réponses, était très révélateur. Sur sa façon inélégante de ridiculiser ses adversaires. Sur ses pratiques antérieures.
Mais ce qui m'a surtout frappé, c'est que le ministre recourt toujours aux mêmes tactiques. Dans le débat sur la tâche des omnipraticiens, il sort, comme quand il était un dirigeant syndical, des chiffres de son chapeau pour désarçonner ses adversaires, pour marquer des points. Résultat, voilà un dossier important où l'on ne dispose pas de données neutres, validées, comme l'État devrait en produire, qui permettraient un débat éclairé plutôt qu'une bataille de coqs. Difficile de régler un problème si on n'en mesure pas correctement l'ampleur et si on n'en analyse pas finement les causes.
Ajoutez à cela le style, celui de l'insulte, ses sorties sur Twitter relevées par Le Devoir («petit comique», «bullshit»), sa tendance à ridiculiser ses adversaires, ses menaces totalement gratuites ce week-end envers les médecins: «Je peux très bien arriver demain matin et dire que le PAP test n'est plus payable aux médecins».
Il est possible qu'à court terme, sa façon d'attaquer tout ce qui bouge - les généralistes, les pharmaciens, le réseau administratif - soit politiquement rentable, dans la mesure où on confond fermeté et brutalité. Je crains plutôt que son approche - ses solutions carrées, sa propension à l'affrontement - soit contre-productive. Et qu'elle nuise à l'ensemble du gouvernement si le premier ministre Couillard ne contrôle pas son ministre.
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