J’entends de temps en temps la chose suivante : quand le Québec aura réparé ses routes et ses écoles, quand les urgences ne déborderont plus et quand les finances publiques seront en bon ordre, alors peut-être deviendra-t-il indépendant. Mais pas avant ! D’ici là, la quête de la souveraineté serait une perte de temps. Ah bon ? Dois-je en comprendre que seules les nations sans problèmes sont dignes de l’indépendance, et que les autres devraient être mises en tutelle, avant de regagner le droit à la souveraineté. Et une nation indépendante qui a des problèmes devrait-elle renoncer à sa souveraineté, pour se punir de ne pas être parfaite?
Il faudrait bien se rappeler que l’indépendance n’est pas une récompense qu’on donne aux pays «bons élèves». Elle n’est pas accordée seulement une fois qu’une société est devenue le paradis sur terre. La souveraineté n’est pas un luxe de riches, une babiole que s’accordent les nations prospères pour fanfaronner à travers le monde et se pavaner avec leur drapeau aux olympiques. L’indépendance n’est pas la récompense des sociétés parfaites, et reporter son avènement au jour où le Québec sera délivré de tous ses problèmes, consiste à ne pas comprendre sa signification, ou à trouver une manière un peu lâche de s’y opposer.
J’ajoute qu’un Québec se gouvernant lui-même, avec ses propres ressources et ses propres moyens, aurait plus de chance de faire des choix éclairés, conforme à ses intérêts, qu’un Québec coincé dans une fédération où ses intérêts sont relativisés dans un ensemble plus vaste, d’autant qu’il n’en représente pas la partie dominante. L’indépendance ne créera pas un pays parfait, délivré des problèmes qui frappent n’importe quelle société normale. Elle créera simplement un pays libre de ses choix, et ne se dédoublant plus en deux États contradictoires. Et la question devrait se poser : notre appartenance à une fédération qui ne nous a jamais reconnu comme nation à part entière et qui a toujours refusé d’ajuster sa constitution à notre réalité spécifique n’a-t-il pas un lien avec certaines de nos carences, avec certains de nos problèmes?
J’ajoute qu’il n’y a qu’au Québec où on peut dire sérieusement qu’il n’y a aucun lien à faire entre l’état d’une nation et les pouvoirs dont elle dispose pour se gouverner. Il n’y a qu’au Québec où on peut affirmer sans rire que le régime constitutionnel d’un pays ne porte absolument pas à conséquence dans son développement et dans la capacité à bien se gouverner. Comme si la constitution était un détail insignifiant passionnant seulement les constitutionnalistes. Mais si tel est le cas, pourquoi la constitution canadienne est-elle considérée par ses admirateurs comme un texte sacré, et pourquoi est-elle protégée par une armature juridique qui la rend pratiquement irréformable? Mais je devine que ce n’est pas un «vrai problème», n’est-ce pas?
L’indépendance n’est pas une récompense
Le Paradis terrestre d’abord et l’indépendance après?
Mathieu Bock-Côté1347 articles
candidat au doctorat en sociologie, UQAM [http://www.bock-cote.net->http://www.bock-cote.net]
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé