Le commissaire à la lutte contre la corruption, Robert Lafrenière, a témoigné lundi en commission parlementaire. M. Lafrenière souhaite obtenir un nouveau mandat de cinq ans à la tête de l’UPAC.
L’Unité permanente anticorruption du commissaire Robert Lafrenière a remporté de beaux succès dans des cas impliquant la corruption politique... municipale.
Boisbriand, Mascouche, Laval, Montréal: ces villes ont fait l’objet d’enquêtes des policiers de M. Lafrenière, enquêtes qui ont débouché sur des accusations et même sur des condamnations.
Les policiers de l’UPAC n’ont pas réussi à obtenir des accusations contre des protagonistes de l’écosystème provincial. Même s’ils ont enquêté sur des libéraux de l’ère Charest, à grands coups de perquisitions (au Parti libéral, à l’Agence métropolitaine de transport, chez des entreprises liées à Marc Bibeau, ex-grand argentier du PLQ).
Ce n’est pas la faute de l’UPAC: ces dossiers d’enquête policière sèchent sur le bureau des procureurs de la Couronne du Directeur des poursuites criminelles et pénales, qui donnent le feu vert à des poursuites criminelles.
Comme je l’ai écrit il y a quelque temps, je commence à me demander pourquoi la Couronne ne parvient pas à autoriser une seule accusation contre des personnes liées au Parti libéral et à la politique provinciale. Joli hasard, quand c’est le gouvernement qui nomme les juges.
J’ai eu un sale malaise, lundi, à voir M. Lafrenière témoigner en commission parlementaire, lui qui souhaite ouvertement un nouveau mandat de cinq ans à la tête de l’UPAC. Un malaise sur le fond et dans la forme. Je m’explique.
Sur le fond, M. Lafrenière ne devrait pas avoir à convaincre qui que ce soit de la pertinence de reconduire son mandat. Cela le place dans une position de faiblesse : celle de convaincre le gouvernement qu’il est l’homme de la situation... Alors que ses policiers peuvent avoir à enquêter sur le gouvernement, ou sur des amis du gouvernement.
Aux États-Unis, le processus de nomination du directeur du FBI va comme suit: le président choisit son candidat, celui-ci est interrogé par le comité sénatorial des affaires judiciaires et le Sénat tranche par un vote à majorité simple. Il y a ici un bras de distance entre le policier en chef des États-Unis et le pouvoir politique, une indépendance symbolisée dans son mandat de 10 ans, non renouvelable. Si c’est bon pour le directeur du FBI américain, pourquoi ce ne serait pas bon pour le commissaire de l’UPAC québécoise?
Dans la forme, j ’ai eu un malaise quand Robert Lafrenière dit que sa nomi- nation ne devrait pas relever de l’Assemblée nationale mais bien du gouvernement. On voit mal comment un homme qui doit son éventuel renouvellement de mandat au gouvernement pourrait publiquement dire que ce même gouvernement devrait céder son autorité à l’Assemblée nationale, pour sa nomination.
Le manque d’indépendance, c’est exactement ça: le doute que j’ai face à l’autonomie de M. Lafrenière.
Je note en terminant que le Parti libéral au pouvoir a battu hier soir une motion déposée par le Parti québécois suggérant que le patron de l’UPAC soit nommé par les deux tiers de l’Assemblée nationale.
Le vérificateur général du Québec, chargé d’enquêter sur la façon dont l’État dépense l’argent public, est pourtant nommé aux deux tiers par l’Assemblée nationale. Son mandat est de 10 ans. Il n’est pas renouvelable. (Dix ans, non renouvelable... Il y a là comme une tendance!)
Pour mémoire, permettez que je cite le ministre péquiste Yves Duhaime, en 1985, dans la commission parlementaire qui a mené à la Loi sur le Vérificateur général du Québec, loi qui a coulé dans le béton l’indépendance du VG par un mandat de 10 ans, avalisé par un vote des deux tiers des députés : « Avec les pouvoirs que lui accorde cette loi, il n’est redevable à aucun des parlementaires, à aucun ministre, ni même au gouvernement, il est redevable a l’Assemblée nationale. C’est ce qui en fait un personnage clé dans les rouages d’un État comme celui que nous connaissons.»
Mandat de 10 ans, non renouvelable, accordé par les deux tiers des députés: si c’est bon pour le VG, c’est bon pour le policier chargé de lutter contre la corruption politique. Et pour le boss de la SQ. Et pour le boss des procureurs de la Couronne.
Qu’on n’ait plus à se poser des questions sur l’indépendance de ces officiers qui sont des personnages clés de l’État.
J’ai eu un sale malaise, lundi, à voir M. Lafrenière témoigner en commission parlementaire, lui qui souhaite ouvertement un nouveau mandat de cinq ans à la tête de l’UPAC.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé