Les producteurs de lait ne comprennent pas ce qu’Ottawa attend encore pour annoncer ses programmes d’aide financière à ceux qui feront les frais de ses nouveaux accords de libre-échange.
« On est vivement inquiet de ne toujours pas savoir ce qu’entend faire le gouvernement fédéral avec cela », a déclaré mardi au Devoir le directeur général de la Fédération des producteurs de lait du Québec, Alain Bourbeau, en marge de son témoignage devant le Comité permanent du commerce international de la Chambre des communes. « Dans le cas de l’accord avec l’Europe, on attend une décision ferme d’Ottawa depuis la signature de l’entente, il y a trois ans. Cela commence à presser parce que le traité pourrait être ratifié cette année et entrer en vigueur dès l’année prochaine. On dit que cela pourrait aller presque aussi vite pour le Partenariat transpacifique. »
Le comité parlementaire était justement de passage à Montréal dans le cadre de ses consultations publiques sur le Partenariat transpacifique (PTP). La Fédération des producteurs de lait y avait été invitée à répondre aux questions des députés aux côtés notamment d’autres représentants du secteur agricole et de la transformation alimentaire québécois, mais aussi des entreprises et de rares organisations de la société civile.
Alain Bourbeau a reconnu que le PTP conclu entre le Canada et 11 autres pays, dont les États-Unis, le Japon, la Nouvelle-Zélande et sept autres pays d’Amérique latine et d’Asie, pouvait être « dans l’intérêt de l’ensemble des Canadiens ». Il a aussi admis qu’on avait su préserver les principaux éléments du système de gestion de l’offre dans le lait, les oeufs et la volaille aussi bien dans le PTP que dans l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne. Mais les 17 000 tonnes de fromage en quotas supplémentaires accordées aux Européens et les quelques 3,25 % de quotas de lait supplémentaires cédés dans le PTP infligeront malgré tout des pertes aux producteurs québécois estimées à une moyenne de 30 000 $ par ferme par année.
Négociateur et signataire de deux ententes commerciales, le gouvernement conservateur s’était engagé à verser une aide financière aux producteurs touchés pour compenser leurs pertes et les aider à s’adapter à la nouvelle concurrence. Alain Bourbeau dit comprendre que ses successeurs libéraux aient voulu refaire une ronde de consultation pour s’approprier le dossier. « Nous avons participé à l’exercice et nous avions compris que la décision serait prise à la fin février-début mars. Mais non. »
Dans le cas de l’AECG, le gouvernement fédéral a réitéré au début du mois son intention « d’aider l’industrie à s’adapter aux concessions négociées » et a indiqué qu’il s’engageait à rencontrer à ce sujet les milieux concernés au cours des 30 prochains jours pour les consulter.
En attendant plus de détails
Les représentants agricoles ont profité de l’occasion mardi pour faire valoir aux membres du comité parlementaire que la plus grande menace qui pèse actuellement sur le système de gestion de l’offre est son application laxiste, qui permet à des producteurs étrangers de le contourner en vendant notamment au Canada des sous-produits laitiers (lait diafiltré). Mis en place au Canada pour aider le maintien d’une certaine agriculture alors que d’autres pays optaient pour des subventions directes, le système de gestion de l’offre repose sur des tarifs commerciaux suffisamment élevés pour opposer aux importations étrangères une barrière infranchissable protégeant un marché intérieur où les producteurs sont soumis à des quotas et à un contrôle des prix.
On voit mal quelle industrie montréalaise pourrait faire les frais du PTP, a déclaré au comité parlementaire le représentant de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Mais surtout, le Canada ne peut pas se permettre de ne pas faire partie d’un accord de libre-échange dont feront partie ses partenaires de l’ALENA, les États-Unis et le Mexique.
Il n’y a pas encore « d’analyse très détaillée » sur les industries qui profiteront le plus (ou le moins) de ce traité de libre-échange, a admis Yvon Bourdreau, consultant auprès de la Fédération des chambres de commerce du Québec. « Il y aura des gagnants et des perdants. Pour ceux qui peuvent en sortir gagnants, il serait important de ne pas perdre de temps et de profiter des deux ou trois prochaines années pour se préparer à tirer profit de l’entente. Pour les autres, il faut trouver la meilleure façon de parer les coups. »
LIBRE-ÉCHANGE
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