J'ai reçu d'Andrée Ferretti son recueil de nouvelles Mon chien, le soleil et moi (1) avec précisément dans la nouvelle qui s'intitule ainsi, cette belle réflexion que je mets en évidence:
Ainsi les mots ont aujourd'hui le pouvoir ultime de dévoyer de sa finalité primordiale la puissance de la parole qui est de transformer les rapports de force en relations d'intelligence; ils ont le pouvoir de détourner de sa trajectoire essentielle le mouvement de la parole vers l'humanisation de l'humain.
Et pourtant, par bonheur, le pouvoir des mots demeure encore en équilibre, en jetant dans la balance un vers, un seul, dont le poids d'authenticité est à jamais commensurable aux plus lourdes machinations, aux plus innombrables manipulations. Et, grâce à cette grâce, les vivants peuvent espérer vivre encore longtemps sous le soleil avec des corps qui, de la première pluie de novembre jusqu'à la dernière giboulée d'avril, se souviennent de l'été.
Les pluies de novembre ne pleuvent pas encore en Wallonie comme celles qui annoncent l'hiver. L'automne a été formidablement beau et souvent chaud. Il ne disparaît pas tout à fait encore. Et par ailleurs, je me souviens des mois d'avril si froids qu'on en désespère...
Les mots d'Andrée Ferretti me viennent du Québec, car le Québec est la jeunesse du monde. C'est ainsi en tout cas que je l'ai ressenti quand je suis passé de la connaissance du Canada français à celle du Québec à travers le fameux cri de juillet 1967. Je me souviens même qu'un jour, j'avais rencontré dans le train une jeune femme revenant du Québec qui en était restée marquée, et à qui je disais qu'il fallait faire le Québec en Wallonie, ce qui avait soulevé son plus fort scepticisme.
Dès lors, je fus renforcé dans le désir que j'avais justement de voir la Wallonie devenir le Québec de l'Europe, de voir notre vieux pays se donner un coup de jeunesse. Il me semble que je n'ai jamais réfléchi à la Wallonie qu'en pensant aux mots qui nous venaient de là-bas, tels ceux d'Andrée Ferretti dont elle m'a fait le cadeau si généreux.
Une affaire d'avions
En Wallonie, revenons sur terre (si je peux m'exprimer comme cela), une grave question se pose: doit-on ou non admettre qu'un avion qui part de Liège (aéroport wallon), jusqu'à Charleroi (autre aéroport wallon, distant de 80 km), fasse escale dans cette deuxième ville. Ce sont des compagnies aériennes privées qui le voudraient bien, parce que c'est rentable pour elles et que cela leur permet d'embarquer un maximum de personnes en partance pour le Maroc par exemple (d'ailleurs la compagnie en cause est une compagnie du Maroc). Cela a été si vivement condamné par les scientifiques qui y voient une source absurde de pollution que le Gouvernement wallon a dès lors interdit ces vols. Mais l'aéroport de Liège est présidé par José Happart qui dirige aussi les débats au parlement wallon et il s'est opposé publiquement aux décisions gouvernementales.
Cette histoire vous dit que la Wallonie a un territoire exigu. Ce que cette histoire révèle aussi aux Wallons, c'est qu'il y a deux aéroports très performants sur ce petit territoire, chose inimaginable il y a vingt ans. L'exiguïté de notre territoire jointe à cette querelle d'avions est aussi une mine pour les caricaturistes qui s'en donnent à coeur joie. Ils montrent des ménagères chargées de provisions achetées au marché local dans la cabine de pilotage d'un avion et demandant au pilote s'il ne peut pas s'arrêter, quelques km avant l'arrêt prévu comme on le fait dans les bus des TEC (transports en commun wallons).
Le Gouvernement wallon a aussi envoyé à Charleroi, dont le pouvoir municipal est frappé par la corruption et les irrégularités, des experts chargés d'examiner à la loupe la gestion de la ville en vue de faire place nette pour la nouvelle majorité politique composée de trois partis qui élira le maire (que nous appelons bourgmestre) et ses adjoints (que nous appelons échevins), le 4 décembre prochain.
Je lis aussi que l'on veut que la Constitution du Canada reconnaisse que le Québec est une nation. Nous, nous n'en sommes pas là, sauf que, tout de même, un projet de constitution wallonne a été déposé en mai de cette année par huit parlementaires wallons (sur 75 mais une proposition de loi ne peut être contresignée que par huit parlementaires), et qui stipule en un de ses articles que “la fête de la nation wallonne” a lieu le troisième dimanche de septembre. C'est la seule fois où le mot nation est utilisé.
L' Histoire se hâte lentement sur les deux bords de l'Atlantique.
José Fontaine
Editions Trois-Pistoles, Paroisse Notre-Dame des neiges, 2006 [avec des noms comme ceux-là, le Québec nous rend amoureux de lui!].
L'Histoire ne s'arrête pas si facilement
Chronique de José Fontaine
José Fontaine355 articles
Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur...
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Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur et Mirwart) et directeur de la revue TOUDI (fondée en 1986), revue annuelle de 1987 à 1995 (huit numéros parus), puis mensuelle de 1997 à 2004, aujourd'hui trimestrielle (en tout 71 numéros parus). A paru aussi de 1992 à 1996 le mensuel République que j'ai également dirigé et qui a finalement fusionné avec TOUDI en 1997.
Esprit et insoumission ne font qu'un, et dès lors, j'essaye de dire avec Marie dans le "Magnificat", qui veut dire " impatience de la liberté": Mon âme magnifie le Seigneur, car il dépose les Puissants de leur trône. J'essaye...
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1 commentaire
Archives de Vigile Répondre
8 novembre 2006José,
lis donc le recueil de Falardeau, "les boeufs sont lents mais la terre est patiente"
JP Gilson
PS.
et va pour une nation wallonne!