WASHINGTON | La menace de destitution de Donald Trump semblait jeudi encore plus hypothétique au lendemain du témoignage minimaliste de l’ex-procureur spécial Robert Mueller chargé de l’enquête russe, qui oblige l’opposition démocrate à se tourner résolument vers la prochaine présidentielle.
«2020 est sans aucun doute le seul moyen de lui faire quitter le pouvoir», a admis le démocrate Adam Schiff sur CNN, alors que le milliardaire républicain s’est déjà lancé avec vigueur dans la campagne pour sa réélection.
«Je serais enchanté si nous étions dans la perspective de le destituer, mais nous n’y sommes pas», a ajouté l’élu de la Chambre des représentants qui préside l’une des deux commissions ayant entendu Robert Mueller mercredi.
Lors de cette audition, l’ancien chef de la police fédérale (FBI) a été «un témoin très récalcitrant», mais le fond de son témoignage est «accablant» pour le président des États-Unis, a estimé M. Schiff.
Interrogé pendant près de sept heures, l’homme de 74 ans s’en est strictement tenu à son rapport d’enquête, rendu public en avril.
Ce rapport décrit les efforts de la Russie pour faire basculer la présidentielle de 2016 en faveur de Donald Trump, mais les enquêteurs n’ont pas trouvé la preuve d’une quelconque entente entre Moscou et l’entourage du candidat républicain.
Il détaille par ailleurs une série de pressions exercées sur son enquête par le président et, cette fois, assure ne pas pouvoir l’exonérer des soupçons d’entrave à la justice.
Citant l’impossibilité juridique de poursuivre un président en exercice, Robert Mueller ne se prononce pas sur les suites à donner à son enquête.
Depuis, les démocrates se divisent sur l’opportunité de lancer rapidement une procédure de destitution contre le président pour entrave à la justice.
Forts de leur majorité à la Chambre des représentants, dotée de puissants pouvoirs d’investigation, ils sont en mesure d’ouvrir cette procédure, mais elle est vouée à l’échec compte tenu du contrôle républicain sur le Sénat.
Image écornée
Les ténors du parti, la présidente de la Chambre Nancy Pelosi en tête, craignent que la manœuvre ne se retourne contre les démocrates pendant la course à la Maison-Blanche. Notamment en occultant leurs thèmes de campagne (environnement, accès à la santé, réforme pénale, etc.) destinés à tenter de reconquérir les électeurs ayant opté pour Trump en 2016.
Ils préfèrent laisser la Chambre terminer ses différentes enquêtes pour rallier les sénateurs avec des éléments probants.
M. Mueller «a fait son travail. Maintenant, il est temps pour le Congrès de faire le sien», a commenté Lisa Blunt, élue démocrate de la chambre basse.
L’audition de Robert Mueller «était un pas en avant important, mais ça ne m’a pas fait bouger», a déclaré sur CNN l’élue Karen Bass, qui ne soutient pas à ce stade la destitution.
L’aile gauche du parti, dont l’étoile montante Alexandria Ocasio-Cortez, et plusieurs prétendants à l’investiture démocrate pour 2020, y compris Bernie Sanders, Kamala Harris et Elizabeth Warren, ont estimé qu’il fallait agir.
Avant de se lancer, les démocrates doivent avoir une base solide que le Sénat républicain ne pourrait écarter, a estimé l’élue Katie Hill, hésitant à soutenir la procédure.
«Je ne veux pas le faire jusqu’à ce que nous soyons totalement prêts parce que je pense en mon for intérieur que nous n’aurons qu’une seule tentative», a-t-elle dit mercredi soir.
Les démocrates, qui espéraient une audition «plus décisive», «ne peuvent pas accélérer la cadence vers une destitution comme l’auraient souhaité certains d’entre eux», a commenté pour l’AFP Ben Shapiro, professeur de sciences politiques à l’université de Columbia.
«Si Mme Pelosi hésitait à pousser en faveur de la procédure, cela lui a donné un motif pour le faire à son rythme», a-t-il ajouté.
Cette journée d’audition a également écorné l’image du procureur Mueller qui a paru indécis, faisant régulièrement répéter les questions des parlementaires, au plus grand plaisir de Donald Trump.
Michael Moore, célèbre réalisateur de documentaires comme Bowling for Columbine et farouche opposant à Donald Trump, a raillé sur Twitter la prestation d’«un vieil homme frêle, incapable de se souvenir des choses, bredouillant, refusant de répondre à des questions basiques».
Message relayé par le président américain, ajoutant que «même Michael Moore est d’accord sur le fait que les démocrates et Mueller ont foiré».