L'élection d'Amir Khadir constitue un recul pour la cause de l'indépendance

Amir Khadir sera-t-il blâmé par l'Assemblée nationale?



J'écris ce texte en réponse à celui qui fut récemment publié dans vos pages par un membre du Parti québécois pour qui l'élection d'Amir Khadir dans la circonscription de Mercier représentait une bonne nouvelle pour notre parti. Je m'inscris en faux contre cette interprétation. À mon avis, l'élection d'Amir Khadir constitue même un recul pour la cause de l'indépendance nationale québécoise, et ce, pour plusieurs raisons.
Mon argument ne se résume pas à additionner les votes obtenus par Québec solidaire à ceux obtenus par le PQ dans certaines circonscriptions pour démontrer que QS divise le vote souverainiste et favorise l'élection de députés fédéralistes de l'ADQ ou du PLQ (en 2007, cette division permit l'élection de trois adéquistes et de deux libéraux, dont Jean Charest lui-même!). Cet argument tient la route, mais, à mon avis, si l'argumentaire du PQ contre QS se résume à un appel en faveur du vote stratégique, ce sera loin d'être suffisant pour reconquérir Mercier et consolider les acquis dans Gouin. Les électeurs détestent, avec raison, qu'on les prenne pour des imbéciles. Nous devons donc leur donner des raisons positives d'appuyer le PQ plutôt que QS.
La première et la plus fondamentale de ces raisons est que, contrairement au PQ, QS place l'indépendance sur un pied d'égalité avec d'autres revendications à caractère social. On peut donc en déduire logiquement que QS accorde moins d'importance à l'indépendance que le PQ.
Ce qui m'amène à mon second point: la vision souverainiste de QS est instrumentale alors que celle du PQ est fondamentale. Pour les militants de QS, les Québécois devraient faire l'indépendance parce que le cadre fédéral actuel ne permettra jamais l'éclosion d'un véritable projet de société progressiste. Ils veulent donc instrumentaliser la cause souverainiste pour faire progresser des idées sociales très à gauche. De l'autre côté, les militants du PQ estiment que les Québécois devraient faire l'indépendance parce que la place du Québec au sein du Canada a toujours constitué, constitue toujours, et constituera toujours une profonde injustice. À ce titre, j'adresse une question aux militants de QS: seriez-vous toujours souverainistes si le Canada était dirigé par un parti de gauche qui partage votre vision de la politique et de la société?
La survivance de la langue française en Amérique du Nord et la projection de notre nation dans l'avenir sont au coeur du projet souverainiste tel qu'il est défendu par le PQ. Quant à QS, il existe au sein de ce parti un profond malaise envers la défense de l'identité québécoise; nous avons d'ailleurs pu le constater par les prises de position d'Amir Khadir et de Françoise David lors de la «crise» des accommodements raisonnables en 2006-2007. C'est d'ailleurs l'essentiel de mon troisième point: QS n'est pas un parti nationaliste, il peut donc difficilement se réclamer de la mouvance souverainiste.
Le nationalisme, c'est cette attitude qui fait dire à de nombreux Québécois: «le Québec d'abord et avant tout». C'est la première étape du cheminement vers l'indépendance, même si de nombreux Québécois se réclament à la fois du fédéralisme et du nationalisme. On peut donc être nationaliste sans être souverainiste. Mais l'inverse est impossible: pourrait-on imaginer un souverainiste pour qui les intérêts de la nation québécoise ne priment pas ceux de toutes les autres? En ce qui a trait aux militants et aux dirigeants de QS, ils sont pour la plupart allergiques au nationalisme, tout particulièrement au nationalisme identitaire. En fait, la vision de la société québécoise portée par QS ressemble beaucoup plus à celle du multiculturalisme à la sauce Trudeau que celle du PQ pour qui le Québec devrait avoir UNE identité commune, UNE langue officielle et UNE culture officielle. Voilà pourquoi, et vous le constaterez rapidement si vous discutez avec des militants de QS, l'indépendance de la Palestine prend plus de place dans le discours d'Amir Khadir que l'indépendance du Québec.
Mon quatrième et dernier point concerne la suite à donner à l'indépendance du Québec. À mon avis, diviser le mouvement entre souverainistes de gauche et souverainistes de droite est une erreur magistrale, un cadeau offert sur un plateau d'argent à nos adversaires fédéralistes. D'abord, pour réunir 50 %+1 de Québécois lors d'un référendum sur la souveraineté, il faut rallier les forces de la gauche, du centre et de la droite. Nous n'arriverons jamais à ce seuil fatidique campé à gauche ou à droite. Ensuite, et nous voyons là l'ampleur du cul-de-sac qu'offre la position souverainiste de QS, qu'est-ce qui empêcherait les forces de la droite de s'organiser dans un parti politique démocratique à la suite d'une victoire référendaire? La réponse: rien du tout. Voilà pourquoi il est inutile, même dangereusement contre-productif, de lier le projet d'indépendance à un projet social, fût-il de gauche ou de droite: un pays démocratique ne peut pas avoir une constitution gauchiste ou droitiste qui lierait les mains des futures générations au regard des défis qu'elles auront à relever.
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Marc Desnoyers, Vice-président du PQ-Mercier


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