Pauline Marois nous a annoncé son Plan pour un Québec souverain une semaine à l’avance parce que les scribes de Gesca nous en avaient présenté une version édulcorée : l’autonomisme et les référendums sectoriels. Elle a essayé dimanche dernier de remettre les pendules à l’heure sans trop faire de vagues. Mais contre toute attente, c’est le discours de Jacques Parizeau prononcé la veille qui a fait les manchettes des médias cette semaine. Pas la partie la plus intéressante, mais la plus croustillante, celle qui risquait de provoquer des tempêtes. Ce qu’on appelle l’effet Parizeau.
Beaucoup de commentateurs ont cité Monsieur. Chacun en a retenu ce qu’il voulait bien rapporter. On ne peut guère reprocher à un reporter de vouloir faire la une de son journal. On ne peut pas non plus reprocher à un chroniqueur de présenter un bon titre. J’y ai pensé moi aussi lorsque j’ai vu la une de l'édition du Devoir de mercredi. «Attachez-le ! » m’est aussitôt venu à l’esprit, une expression que j’avais déjà utilisée au sujet de mon chef au début des années 1990 à l’occasion d’un échange avec Rémy Trudel alors député de la circonscription électorale que j’habitais. Quand j’ai lu le titre de la chronique de Michel David d'hier matin – « Enfermez-le! » - j’ai vu que nous étions au moins deux à avoir eu la même idée. Je n’ai toutefois éprouvé aucun regret de m’être abstenu, la dernière déclaration inopinée de Jacques Parizeau ayant manifestement eu un effet pédagogique autant auprès des troupes indépendantistes que de nos adversaires fédéralistes.
***
J’étais présent à ce fameux colloque de l’IPSO, et avant d’écouter bien attentivement ce que Jacques Parizeau avait à nous dire, j’avais entendu les messages de Louis Bernard, Robert Laplante, Pierre Graveline, Anne Légaré et Bruno Deshaies. C’est probablement de leurs propos dont s’est inspiré Jacques Parizeau lorsqu’il a fait son discours, lorsqu’il nous a dit sur le ton de la confidence qu’il préférait l'élection référendaire au référendum, mais qu’il s’était plié à la volonté démocratique des membres du Parti Québécois à ce sujet.
Mes lecteurs me diront qu’on retient bien ce qu’on veut d’un discours d’un homme aussi monumental. Mais à mon avis, l’essentiel de son message était là. Si les référendums de 1980 et 1995 n’ont pas fonctionné et que la stratégie que propose Pauline Marois risque d’être perçue comme une cage à homards aux yeux de nombreux Québécois, que nous reste-t-il ? L’élection référendaire.
Une option qui permettrait de fédérer tous les indépendantistes et de renouer avec la pédagogie de la souveraineté. Une approche qui donnerait l’occasion à nos chefs d’établir un dialogue constant avec tous les Québécois en leur parlant de choses à la fois aussi simples et essentielles que l’indépendance et la liberté et qui rétablirait la confiance entre les citoyens et leurs élus.
Il y a longtemps que les Québécois ne parlent plus avec leurs chefs, trop pressés qu’ils sont, d'élection en élection, d’entrer et de sortir de leur autobus, le temps d’enregistrer quelques mauvais clips destinés aux bulletins d’information ! Comment ne pas alors être étonné que la moitié des Québécois ne soit pas allée voter à l'occasion des dernières élections.
Ce ne sont pas les Québécois qui sont cyniques, ce sont plutôt leurs chefs et leurs organisations qui se prêtent volontiers et sans rechigner au jeu des journalistes et de leurs patrons qui ne pensent qu’en terme d’argent et de cotes d’écoute, la qualité de l’information étant le dernier de leur souci. Toutefois, on ne peut guère leur reprocher de profiter de l’effet Parizeau, ce sont toujours de grands moments de télévision qui nous changent de la mesquinerie de notre petit premier ministre !
L’effet Parizeau
on ne peut guère leur reprocher de profiter de "l’effet Parizeau", ce sont toujours de grands moments de télévision qui nous changent de la mesquinerie de notre petit premier ministre !
Chronique de Louis Lapointe
Louis Lapointe534 articles
L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fon...
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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.
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5 commentaires
François Munyabagisha Répondre
16 juin 2009Le goût du sucre se passe de commentaire. Mais chacun sait que l'abus en fait un silencieux poison.
Sans aller dans les détails, je commenterai un petit bout de phrase de Mr Louis Lapointe: «...mesquinerie de notre petit premier ministre!».
Je comprends que l'on est libre d'avoir une opinion et de l'exprimer. Il n'y a rien d'aussi précieux dans une démocratie. Cependant, je crois aussi que la force de la démocratie repose sur le respect des individus et des institutions. Manquer publiquement de respect envers une institution légale et légitime ou envers une personnalité publique est aussi dangereux que la déification de dictateurs ou seigneurs guerriers. Chaque fois qu'on faillit à la sagesse, on dilue voire pollue le contenu de sa pensée et on affaiblit sa cause.
Archives de Vigile Répondre
15 juin 200915 juin 2009 Bruno Deshaies
Parce que monsieur Louis Lapointe m'a fait le plaisir de citer ma participation au colloque et signaler son effet sur les participants, je voudrais présenter ici un résumé un peu plus étoffé de mon intervention.
REMARQUE PRÉLIMINAIRE
Nous résumons de mémoire le point de vue que nous avons exprimé à l’occasion d’une intervention comme participant au Colloque des IPSO (les intellectuels pour la souveraineté) tenu à Montréal, samedi, le 6 juin 2009, sous le thème : « Pour que la prochaine fois soit la bonne ! »
– Point de vue exprimé par Bruno Deshaies
La question de l’indépendance politique relève de la Realpolitik. Il s’agit d’un rapport de force entre deux collectivités nationales. Et ce qui va se passer se déroulera inévitablement dans le TEMPS. Par conséquent, il faut reconnaître notre passé, agir dans le présent et anticipé l’avenir.
Quant à notre passé, il faut bien admettre que la société québécoise existe. Cette société vit, agit et s’affirme. Cependant, il lui manque une logique fondée sur un cadre conceptuel de l’indépendance du Québec. Et, stratégiquement, nous sautons toujours cette étape importante.
C’est un énième abrégé de notre pensée politique que j’ai entendu ce matin et que nous lisons régulièrement sur le site Internet de VIGILE. Nous possédons là une bibliothèque virtuelle monumentale de ce que nous sommes en tant que souverainistes. On ne saurait dire à quel point ce site peut être instructif pour tous et toutes les indépendantistes. On y voit que la société québécoise a ses forces et ses faiblesses ; elle est divisée ; elle est mêlée ; pourtant, elle excelle dans certains domaines de la culture et de l’économie. Elle n’en demeure pas moins fragile. Il y a toutes nos forces et nos faiblesses comme société : les souverainistes lucides contre les « purs et durs » ; les fédéralistes autonomistes contre les fédéralistes souverainistes, tout comme les confédéralistes qui sont pour et contre, les souverainistes partisans qui ne discutent que de stratégies, etc. Malgré nos bonnes intentions, il faudrait reconnaître que le combat pour l’indépendance ne sera pas une sinécure.
J’ai bien aimé les exposés de Robert Laplante et de Louis Bernard. Dans les deux cas, l’affirmation nationale est sans équivoque. Notre problème tient principalement au fait qu’on se refuse de créer un centre de l’indépendance du Québec qui aurait pignon sur rue quelque part et qui serait doté d’un minimum de moyens d’action. Il faut fédérer les énergies indépendantistes et cessez de se compartimenter entre nous. Cette étape précède les stratégies ouvertes ou de la tribune pour lesquelles nous abusons trop joyeusement.
Si l’indépendance est une fin, il ne faudrait pas se surprendre de la réaction de l’Autre, c’est-à-dire du Canada-Anglais, même s’il est dirigé par un Canadien français ou un Québécois.
Nous avons un travail de persuasion à réaliser. Malheureusement, force est de constater que nous sommes en état de destruction. Il importe de faire l’union des forces des Québécois-Français comme majorité au Québec. Il faut réunir les énergies par-delà les partis politiques.
Le combat ne sera pas facile. Il supposera un affrontement. L’Autre aura son mot à dire. Il semble que les souverainistes n’ont pas encore compris que les Canadians peuvent réagir et que, de toute façon, ils agissent de façon permanente sur le dossier du Québec. Et peu importe,ils interviennent à leur gré et selon les standards établis depuis longtemps sur la base de l'« unité canadienne » from coast to coast.
P.-S. Il serait intéressant de prendre le temps de réfléchir sur le thème qui suit : « La crise : une gigantesque improvisation ».
Source :
Gaston Boivin Répondre
13 juin 2009L'élection référendaire, dites-vous, monsieur Lapointe, celle que monsieur Bariteau qualifie de décisionnelle, une option, rajoutez-vous, qui permettrait de fédérer tous les indépendantistes et de renouer avec la pédagogie de la souveraineté, une élection, précisez-vous au surplus, suite à un questionnement de monsieur Montmarquette, qui serait non seulement à double majorité de députés et de votes, mais au surplus à 50%+1 des votes, voilà me semble-t-il la solution pour aplanir les différents entre tous les partisans de la souveraineté et de l'indépendance du Québec et qui permettrait d'éviter le piège du référendum portant strictement sur l'indépendance du Québec, lequel, à chaque défaite, nous enlève tout véritable pouvoir de négociation et conforte encore plus les Canadiens à reforcer les chaînes qui nous maintiennent sous leur dépendance, et, qui de surcroît, pour ce motif, décourage nos leaders de vouloir l'utiliser et les font nous servir des arguments insipides de stagnation et de régression du genre "Nous le ferons quand les conditions gagnantes seront là", "....ou quand la population nous fera savoir qu'elle le veut et qu'elle est prête à faire l'indépendance", et lequel est toujour plus impopulaire auprès des Québécois parce qu'il laisse prise à la manipulation de l'électorat par les médias contrôlés majoritairement par les fédéralistes. Voilà ce que n'a pas compris le nouveau parti Indépendantiste lorqu'il a décidé seulement d'une élection décisonnelle en faveur de l'indépendance à la double majorité des députés et des votes, mais sans exiger 50%+1 des votes, ce qui a défitivement empêché qu'il devienne populaire et adhésif ou, encore mieux, qu'il justifie un repositionnement en ce sens du P.Q. et le regoupement de tous les partis souverainistes et/ou indépendantistes.
Mais il faudrait, dans le cas d'une telle élection reférendaire décisionnelle, qui, se répéterait, dans le meilleur des mondes,jusqu'à ce que nous la gagnerions, à toutes les élections générales( lorsque nous serons au pouvoir, puisque c'est nous qui l'enclencherons), éviter un nouveau piège qui est celui qui résulterait de cette affirmation tirée du texte du 12 juin de monsieur Bariteau, lorsqu'il affirme:" Dans cette perspective, sans une majorité de votes en faveur de candidats indépendantistes, l'idéal serait de refuser le pouvoir exécutif...". Et pourquoi donc refuserions-nous ce pouvoir puisque nous le recherchions par le volet majorité de députés de cette élection décisionnelle référendaire à double volets: Le pouvoir et le mandat de faire et de déclarer l'Indépendance! Pourquoi abandonnerions-nous ce pouvoir aux perdants, aux fédéralistes, pour qu'ils nous y enfoncent toujours plus dans ce fédéralisme merdier pour le Québec, comme le fait le sieur Charest, ce leader canadien du non, depuis qu'il est au pouvoir comme premier ministre du Québec. Pourquoi donc, si nous perdions le volet indépendance à 50%+1 des votes mais gagnerions celui du pouvoir à la majorité des députés, n'exercerions-nous pas ce pouvoir , à l'inverse de ce qu'a fait monsieur Charest, qui a cherché à nous rendre, nous Québécois et le Québec, plus dépendants du fédéralisme, ne l'exercerions-nous pas en cherchant à le rendre de moins en moins dépendant du fédéral et en préservant en ce sens la prérogative du Québec non seulement de décider un jour de son indépendance mais encore en agissant de telle sorte pour qu'elle puisse effectivement être réalisable quand ce jour viendra.
Louis Lapointe Répondre
13 juin 2009Bonjour M. Montmarquette,
Je laisse Claude Bariteau répondre à votre question. Dans un article publié ce matin dans Vigile, L’impasse référendaire toujours d’actualité. il décrit ce qu'est une élection décisionnelle.
« (...) une volonté de faire pays exprimée de façon majoritaire lors d’une élection ou d’un référendum (...). Elle peut l’être par un seul parti ou par plusieurs partis indépendantistes. Dans ce dernier cas, il suffit d’un accord entre eux, par pacte ou autrement, pour transformer l’expression du peuple en double majorité (votes et députés) lors d’une élection dont l’enjeu est l’indépendance. »
On parle donc d’un vote de 50% + 1.
Amicalement
L.L.
Christian Montmarquette Répondre
12 juin 2009Point d'éclaircissement Monsieur le président.
J'imagine que lorsque vous dites «élection référendaire» vous pensez plutôt à «élection décisionnelle».
Ce qui permettrait au Québec l'accession au statut de pays, par un simple vote majoritaire des députées de l'Assemblée nationale, et ce, même si le gouvernement était élu avec 45% du suffrage universel.
Car l'élection référendaire elle, présuppose l'élection d'un gouvernement à 50% + 1 vote du suffrage universel.
Merci de préciser.
Christian Montmarquette
Référence :
[A PROPOS DE L’ÉLECTION DÉCISIONNELLE
Reproche amical à Jacques Parizeau->http://www.vigile.net/Reproche-amical-a-Jacques-Parizeau]
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