François Legault soutient avoir trouvé une astuce pour abolir les commissions scolaires sans se faire accuser de piétiner les droits constitutionnels de la minorité anglophone : créer une « commission scolaire » par école.
Le premier ministre a indiqué jeudi disposer d’avis juridiques sur son projet d’abolition des commissions scolaires. Favorables ou défavorables à la réforme qu’il a en tête ? Il s’est abstenu de le préciser. « Au pire, on pourrait avoir une “commission scolaire” par école anglophone. Ça répondrait à la loi », a-t-il lancé lors de l’étude des crédits budgétaires alloués au Secrétariat aux relations avec les Québécois d’expression anglaise, jeudi. « Est-ce qu’on est obligés d’aller jusque-là ? » a-t-il demandé aux membres de la Commission des institutions de l’Assemblée nationale.
En tout cas, le Quebec Community Groups Network (QCGN) l’en dissuade. « [M. Legault fait fi de] l’opinion des juristes qui, partout au Canada, ont regardé ces choses », a rétorqué le président du QCGN, Geoffrey Chambers, dans un entretien téléphonique avec Le Devoir. Selon lui, le gouvernement caquiste s’est entouré d’avocats pour le moins « créatifs ». « Des commissions scolaires qui règlent le fonctionnement des systèmes scolaires : c’est ce que nous voulons, c’est ce que nous avons le droit d’avoir. Pas les écoles », a-t-il insisté au téléphone.
Après avoir promis « de protéger les droits de la minorité anglophone et de bâtir les ponts avec ces membres importants [de la population québécoise] », François Legault a réitéré jeudi sa volonté de faire table rase des commissions scolaires dispersées sur le territoire québécois, y compris les neuf commissions scolaires anglophones. « Ce qu’on veut, c’est graduellement donner un budget à chaque école, et que ce soit l’équipe-école — la direction d’école, les enseignants, les spécialistes — qui décide de l’utilisation de ce budget », a-t-il soutenu, avant de jeter le doute sur la compétence des acteurs du réseau de l’éducation. Des commissaires scolaires « moins compétents » que d’autres occupent actuellement des postes décisionnels, a-t-il fait remarquer.
Plan numéro un
Le plan privilégié par le gouvernement caquiste prévoit que les commissions scolaires soient « remplacées » par autant de « centres de services ». Ceux-ci seraient principalement chargés du transport scolaire. « Leur conseil d’administration serait choisi dans la communauté d’expression anglaise. Le débat se ferait en anglais. Donc, il n’y aurait pas un gros changement », s’est contenté de dire M. Legault en commission parlementaire. « Ça va être avantageux pour la communauté anglophone. »
Le chef du gouvernement a aussi montré du doigt le désintéressement de la population de la politique scolaire, dont le faible taux de participation aux élections scolaires n’est qu’un indicateur, selon lui. « Ceux qui vont voter, je les mettrais au défi de savoir c’est quoi la différence de programme entre une équipe et une autre équipe », a-t-il mentionné.
L’élu libéral Gregory Kelley a rappelé que la promesse de la Coalition avenir Québec d’abolir les commissions scolaires « cause une grande inquiétude » au sein de la population d’expression anglaise. « Le contrôle et la gestion des institutions scolaires par la communauté sont expressément garantis par l’article 23 [sur l’instruction dans la langue de la minorité] de la Charte canadienne des droits et libertés », a-t-il fait valoir dans un échange avec M. Legault. « “Le contrôle et la gestion”, ça sous-tend que la communauté décide qui sont les gens des établissements scolaires, comme c’est le cas actuellement avec les élections scolaires. Ce précepte doit être maintenu. »