J’ai lu avec plaisir votre lettre à Pierre Boivin, je vous ai trouvé intelligent, pertinent, cohérent et... pugnace comme vous dites.
J’ai bien compris dans quelle intention vous avez écrit votre introduction ; Foglia vous envoie promener parce que d’un, la lettre ne lui est pas adressée et de deux, elle le dérange.
Je réfléchis comme vous au « cas » Foglia, il a manifestement une belle plume, mais il n’est que cela, une belle plume. Il peut nous parler de confiture, de vélo, de fromage et de ravins, mais s’il parle de culture ou de politique, ce n’est accessoirement.
Il milite pour le bien commun parce qu’une tour de forage, une éolienne ou une porcherie le dérangerait dans son coin de pays. Son bien commun est assimilable au plus petit dénominateur commun que l’on puisse trouver : sa recherche de confort individualiste.
L’homme a une vision, un sens du rythme, de la narration, avouons-le, il a de l’âme. Mais qu’en fait-il ? La vérité est qu’il la met au service même d’un outil qui dégrade l’âme collective québécoise, j’ai nommé La Presse.
Et je ne parlerai pas ici du caractère fédéraliste de La Presse, je veux parler de ce que l’on trouve dans ce journal : on s’éparpille dans ce qui est tendance, on étale de la fausse avant-garde, on fait branché, mais au fond on se moque des lecteurs. La clientèle de La Presse, ce sont ses annonceurs, ainsi on invite Jean Lemire à signer une chronique environnementale, mais le lundi est consacré à l’auto, avec un cahier pour le moins putride, si on le compare aux nécessités que nous communique pourtant François Cardinal en matière de développement durable. La Presse nage dans la confusion et la contradiction en diffusant, sans prendre position, des propos aussi opposés. C’est clairement manquer de courage, c’est chercher le profit avant la défense de l’intérêt public.
Conclusion? La Presse participe à la marchandisation de la vie, elle donne corps à la médiocrité culturelle, ce journal fait en définitive la promotion de tout ce que Foglia exècre. Et pourtant, il a fait le choix de moisir là. Au Devoir, il aurait dû travailler plus, pour un salaire sans doute inférieur, on ne se serait pas contenté de trois chroniques. Pour un salaire inférieur, on aurait exigé qu’il fasse un peu de journalisme. Au Devoir, Foglia ne serait pas si grand : s’il affiche une humilité, un côté ordinaire, c’est du haut du piédestal que lui offrent ses collègues de La Presse en étant eux-mêmes si peu cultivés et lettrés.
La preuve, dans tout ce qui est politique ou économique, Foglia se met automatiquement en marge, il aime Françoise David, mais il se vante de ne pas voter. Si encore il n’y allait pas, mais qu’il participait à un quelconque groupe, comme L’Institut du Nouveau Monde, il serait cohérent, mais il prend au contraire une posture où il se désolidarise.
Foglia se place délibérément en haut de la mêlée, il nous regarde de haut, depuis la selle de son vélo, sans se mouiller, sans prendre position.
C’est trop facile.
Qu’aura été la contribution de Foglia à la société ? Il l’aura enrichie par son style, par le partage de son amour de la culture, mais il aurait pu être tellement plus. Là où vous Monsieur Barberis-Gervais, vous passez votre après-midi à écrire, à vous informer, à militer, Foglia le passe à faire du vélo et à lire un livre danois ou bulgare. Puis il s’assoit sur son petit cul (avec le vélo qu’il fait, il ne doit pas être trop gros...), s’installe sur sa galerie et il mange une tartine. Pendant que la cause nationale vous rend malade, il rote son inconfort en le digérant avec sa tartine. L’indignation nécessaire pour être un journaliste engagé, Foglia la défait à coup de moulinets, de loisir ou de paysages. Il ne semble pas s’empêcher de dormir pour une cause ou parce que sa confiance le travaillerait. C’est plus facile de rejeter la faute sur nous et de dire que nous ne sommes pas assez bons. Il fait l'éloge du sport, mais il lance la serviette au premier obstacle.
Foglia aurait pu être un phare pour la société et il se contente d’être une lanterne pour que nous sachions trouver quelques livres dans une bibliothèque. Foglia a gaspillé son talent et il le sait. Il nourrit quelques remords et c’est ce qu’il vous crie quand il écrit « fuck off ». Ne s’est-il pas donné la peine de répondre ? Ne le faites-vous pas « chier » ?
Bien sûr que vous le faites chier. Votre propos lui rappelle qu’il est un exemple vibrant de ce que Sartre appelle la mauvaise foi ("les salauds" - ndlr). La clique de journalistes de La Presse se tient serrée, dans un esprit de fraternité, pour se boucher le nez. En insérant dans votre propos le nom d’un confrère, vous lui avez momentanément débouché le nez et il vous en veut.
Bref, Foglia est cheap, mais ça ne veut pas dire qu’il ne soit pas agréable à lire, mais nous ne devons pas hésiter à faire savoir à quel point son journal est mauvais et à lui rappeler qu'il est effectivement le vieux con qu'il se vante d'être.
Merci Monsieur Barberis-Gervais pour votre lettre à Monsieur Boivin, ne vous formalisez pas de la bêtise de Foglia à votre égard, votre énergie ne doit pas être perdue pour de mauvaises causes.
L’engagé
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
3 commentaires
L'engagé Répondre
19 septembre 2010Bonjour Monsieur Barberis-Gervais,
Vous aurez remarqué que la référence au «Salaud» vient de Vigile, je me contente de dire qu'il est de mauvaise foi.
Vous aurez également déduit que je suis moi aussi un de ses admirateurs, mais précisément en raison de son intelligence et de son sens moral, je ne le trouve pas cohérent : il nous fait la morale pour des broutilles, mais il n'ose pas regarder les structures, les causes qui expliquent nos dérives et condamner par là les acteurs qui participent à notre égarement.
Il critique l'hommerie, lorsque l'État le fait chier avec des règlements, il se pose en libertaire exaspéré, mais il suffit qu'il regarde la laideur d'un Walt-Mart pour qu'il s'affiche socialiste. En dernière analyse cependant, il se retranche dans son domaine de Saint-Armand, c'est cynique. J'aime bien son amour pour son défunt Picotte, mais j'aimerais aussi qu'il se fourre le nez dans notre merdier social, pas juste qu'il le commente de la périphérie. C'est en cela que sa morale est rebutante que je dis qu'il nous la livre en rotant sa tartine : il se sert de la littérature pour se rendre le monde supportable plutôt que de s'armer de la plume pour changer ce dernier.
Alors quand il dit «fuck off», c'est à cette manie du désengagement que je me réfère. S'il s'implique, c'est pour les causes individuelles et non les causes sociales qui lui sont plus abstraites.
Comprenez bien, je prends plaisir à manger de la confiture grâce à lui, mais je crois que l'on doit faire nôtre la devise du Devoir et «chasser les coquins».
Foglia est un esprit moderne, mais ses écrits, ses principes éditoriaux sont effectivement postmodernes : on ne peut défendre ce qu'il y a de plus sacré dans la vie et le faire sur une page d'un journal qui participe au pourrissement de la société. Il est facile de rester dans la condamnation des moeurs, Foglia ne tente pas de naviguer dans les philosophies ou les principes, parcours pourtant obligatoire si l'on veut véritablement être efficace quand on tient une tribune comme la sienne, il nage dans la condamnation des moeurs, si vous me permettez ce clin d'oeil à Balzac.
Foglia est le miel qui rend La Presse moins amère, j'aurais préféré qu'il soit un vitriol contre le virus de la bêtise. Il a lancé la serviette, voilà pourquoi son «fuck off» me fâche.
Archives de Vigile Répondre
19 septembre 2010Foglia manie avec un grand art la douche écossaise. C'est sa spécialité depuis des années.
Archives de Vigile Répondre
19 septembre 2010L'engagé, salut.
J'aimerais bien en savoir plus sur vous. Votre âge: autour de 25 ans? Hier, j'ai envoyé à mon fils Philippe (37 ans) votre texte sur le moderne et le post-moderne.
Foglia, c'est du post-moderne. Est-ce que je me trompe?
Quand il dit qu'il n'a pas lu mon texte sur Pierre Boivin, le français et le Canadien, il ne faut pas le croire. Il voulait me blesser. Quoi de plus efficace que de dire: votre premier paragraphe est tellement cucul que j'ai arrêté là ma lecture. Fuck off! (pas fuck you)
Le pire c'est que quand Foglia dit cela, je veux dire cucul, je suis d'accord avec lui. Il faut que je me débarrasse de cette mentalité du Français qui, interpelé par la police qui lui demande: Vos papiers s'il vous plaît, essaye de prouver qu'il est en règle. Il est vrai que de parler de doctorat et de 26 ans de scolarité peut vraiment faire chier un typographe qui n'a pas fini son cégep et qui est un self made man par ses lectures surtout et à force d'écrire. Comme VLB. Et bien c'est l'ex-typographe qui a raison mais ça ne s'adressait pas à lui (je ne sais pas ce qui m'a pris de lui envoyer mon texte sans réfléchir: par courriel, ça prend vingt secondes): ce premier paragraphe s'adressait à Pierre Boivin qui doit être du genre à se laisser impressionner par les diplômes et les années de scolarité. Le contraire de Foglia, quoi. Pour toute votre oeuvre, Foglia, même si vous n'en avez rien à foutre, je vous donne un doctorat honorifique.
Voir un article du Devoir (dont l'Engagé fait l'éloge): De la civilité comme fondement de la démocratie, Un certain Mark Kingwell dans sa conférence "Fuck you and other salutations: the unstable politics of civility" explique que l'incivilité a en effet des conséquences plus graves que l'impolitesse. Je rappelle que fuck off, ce n'est pas la même chose que fuck you.
Une biographie filmée sur Paul Newman. Une scène du film "Cool hand luke" sur la résilience. Une brute de gardien frappe violemment Paul Newman qui tombe dans le fossé. La brute lui crie:
"What we have here is failure to communicate".
Merci de votre appui l'engagé.
Quand je dis qu'André Pratte est malhonnête je pense surtout à son refus de voir qu'il y a un grave problème d'anglicisation à Montréal. On appelle ça de l'aveuglement volontaire...pour des raisons politiques, C'est ce qui me fatigue chez les fédéralistes: ils sont malhonnêtes. C'est ce qui corrompt la démocratie et encourage le cynisme.
Foglia me lit parfois. La preuve. Sur sa façon de réagir aux exploits sexuels de Tiger Woods, j'ai écrit que devant la sexualité, Foglia avait une attitude européenne. Il l'a noté en passant en écrivant: paraît-il que...
L'engagé, votre analyse est intéressante et originale.
Mais, avec amitié, je vous dis que je ne partage pas tout ce que vous avez écrit sur La Presse et sur Foglia.
Foglia, un salaud au sens que Sartre donnait à ce mot? Non, pas d'accord. Je l'aime trop pour accepter qu'on dise cela de lui. Quand il parle du capitalisme, de l'économie et de grands problèmes sociaux, quand il essaie de jouer au penseur et au sociologue, il est lui aussi cucul et pompier et il le sait. A la première occasion, je vais lui envoyer un Fuck off bien senti mais en lui disant que j'ai quand même lu son article au complet comme le bon élève que j'ai toujours été. Moi, je n'ai pas l'intention de blesser.
Foglia est un anarchiste marginal (un anarchiste marginal, ça ne va pas voter) mais surtout un bon vivant libre et libérateur. Quand il parle de tout ce qui entoure sa vie quotidienne, j'adore, ça me repose de mon engagement et ça me repompe. Voyez qu'il est quand même utile.
Vous ai-je dit que d'abord et avant tout c'est un écrivain, je ne dis pas un grand écrivain, c'est pas nécessaire. Un écrivain qui carbure à l'authentique et qui dit Fuck off quand il est devant du faux. Je suis en train de relire "le manuscrit La gibelotte" après ce coup de pied au cul salutaire. Merci Foglia. Avant de l'envoyer de nouveau à Lise Courteau éditrice qui prépare le lancement de 6 livres pour cet automne et qui ensuite lira ma prose libérée du cucul et du pompier... enfin je l'espère et j'y travaille très fort. Comme dirait Montaigne, ça commence è sentir l'huile.
Si on faisait appel à mes services pour faire une anthologie de ses chroniques, je sais lesquelles je choisirais. Ça ferait un magnifique portrait. Je mettrais de côté ses textes cuculs et pompiers qui sont un peu faux. Je préférerais les textes où il parle du regard du coyote dont il a dit: si vous voulez savoir ce qu'est le mépris. Il y a ce coyote en Pierre Foglia. Ou celui inoubliable sur Claude Charron. Et ses trois textes sur le gaz de schiste incluant "la sainte paix".
Dans le Vieux-Longueuil, il y a des ratons-laveurs, des mouffettes et des chevreuils. Pas de coyote.
Le mot-clef comme dirait le professeur, vous l'avez vu?
Vous ne l'avez pas remarqué? Voyons forcez-vous.
Le mot clef, c'est libérateur. N'est-ce pas ce que nous voulons par notre engagement politique!
Pour moi, Pierre Foglia est un frère. Surtout quand il me dit: Fuck off. Je n'ai pas besoin qu'on me flatte. Comme disait Jacques Ferron à Jean Marcel: je ne bois pas de ce petit lait.
Tel est le fond de ma pensée.
Robert Barberis-Gervais, 19 septembre 2010