Toujours, toujours plus d’anglais. Après l’introduction de l’enseignement de l’anglais en première année du primaire, après l’adoption de la loi permettant aux enfants des écoles passerelles de poursuivre leurs études en anglais, on aurait peut-être pu croire que l’ogre libéral put être rassasié. Ce pouvoir qui n’a jamais adopté depuis 1972 aucune mesure visant à renforcer le français au Québec vient de nous proposer comme projet le très fameux programme d’immersion en anglais à la sixième année du primaire.
Le gouvernement de Jean Charest qui a dénoncé l’idée d’obligation parce que le Parti Québécois propose d’étendre les dispositions de la loi 101 au cégep, ne semble pas voir de contradiction de principe dans l’aspect obligatoire qu’il vient d’imposer à l’ensemble de la société québécoise. Auparavant, ces classes d’immersion étaient des expériences marginales tolérées par le ministère de l’éducation en dérogation du programme officiel du ministère. Ces dérogations devaient surtout permettre à des parents angoissés de calmer leurs craintes que leurs enfants ne soient pas de parfaits bilingues de niveau universitaire à la sortie du secondaire.
Devant tout ce charcutage dans le programme équilibré du ministère, personne ne semble avoir remarqué qu’il présuppose une croyance manifeste que l’enseignement de l’anglais au Québec est particulièrement déficient. Or, dans ce délire, cette folie de la course à l’anglais, c’est ce déni des réussites académiques qui est renversant. Le système actuel fonctionne si bien qu’il y a à proprement parler 30% de Québécois absolument bilingues sur notre territoire. Chez les jeunes Montréalais, c’est autour de 70% et en Outaouais, on frise les 80%. On peut donc dire que le système québécois est déjà l’un des meilleurs au monde pour ce qui est de l’enseignement de l’anglais.
Il n’y a donc pas d’innovation plus inutile que ce programme d’immersion à l’anglais au primaire. Alors, à quoi donc répond cette politique qu’on dit très populaire? Justement à une nécessité politique. Par cette mesure, l’anglais devient la matière scolaire la plus importante au sein du système scolaire québécois, devant le français, les mathématiques, l’histoire et toutes les sciences et les arts en général. Personne n’imaginerait que ce ne soit folie de suspendre l’enseignement de toutes les matières de base pour aucune autre matière que l’anglais. L’aspect obligatoire vient renforcer ce nouveau statut de l’anglais. Pour le Parti Libéral, il faut inculquer aux Québécois ce schème colonialiste qui fait, non pas que l’anglais est important ou même nécessaire mais que l’anglais est la langue à imposer coûte que coûte car garante de l’idéologie et du pouvoir néo-libéral et néo-colonial.
La preuve de cela, c’est le moment dans la vie de l’élève où on impose cette mesure. Si on réfléchit en termes de pédagogie, normalement, on devrait s’attendre à ce que cette mesure soit appliquée à la fin du cheminement scolaire en secondaire V. À supposer que cette idée soit valable, ce bain linguistique devrait apparaître à la fin du processus d’acquisition des connaissances de façon à synthétiser et installer dans une pratique l’ensemble des notions déjà apprises. C’est le meilleur moment aussi pour réviser les notions de base car bientôt, on atteint le cycle des études supérieures nécessitant souvent la fréquentation d’ouvrages techniques en langue anglaise. C’est aussi le moment où un jeune peut rêver d’entreprendre des voyages ou poursuivre des études à l’étranger. Mais à 11 ans? Bilinguisé à 11 ans? Que s’offre-t-il à notre jeune cobaye soudain gonflé aux stéroïdes du bilinguisme politique? Un accès au patrimoine littéraire anglo-américain? Où ira-t-il balbutier sa pseudo connaissance d’une des grandes langues du monde?
À 11 ans et ensuite son adolescence, sa seule possibilité de pratique linguistique sera dans la consommation effrénée de l’envahissante culture de masse américaine. Le pré-adolescent est en effet livré en pâture au monde du star system américain. Son anglais d’immersion lui servira surtout à consommer du Britney Spears et du Justin Bieber. Plus besoin de jeux vidéos en français ni de doublage de films. Et la culture québécoise dans tout ça? Elle ne fait pas le poids devant la machine médiatique américaine.
En choisissant cet âge pour l’immersion, on est donc plus certain de produire ce québécois acculturé ignorant de ses racines et de la valeur de sa civilisation. Ignorant est le mot. Car cette entreprise d’anglicisation de nos enfants est le plus sûr garant de l’avenir du pouvoir anglo-saxon que servent les affidés du Parti Libéral. Ce n’est pas de l’éducation, c’est une vente aux enchères. Celle de l’âme québécoise. Et le pire, dans tout ça, ce sera la terrible mutilation de l’être que vivront tous les jeunes qui refuseront cette plongée vers la fausse réussite. On leur fera voir s’ils ne cultivent pas ce bilinguisme de ravalement qu’ils seront des infirmes, des handicapés sociaux, bref des inférieurs à qui il manquera la marque de la modernité, le chic du ralliement à l’ordre libéral. Tant pis pour le français, la poésie et les sciences, il faut maintenant parler business comme autrefois on disait : « Speak White ».
On ne pourra pas vraiment contrer tout à fait cet appel au suicide de notre culture. Mais l’obligation par contre, j’espère qu’elle au moins sera dénoncée. Il me semble que nos enfants doivent cesser de faire l’objet de cette course vers la marchandisation de l’éducation québécoise. Malheureusement la DPJ n’a pas juridiction dans le cerveau tordu de Jean Charest.
René Boulanger
L’anglais obligatoire
On ne pourra pas vraiment contrer tout à fait cet appel au suicide de notre culture. Mais l’obligation par contre, j’espère qu’elle au moins sera dénoncée.
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1 commentaire
Archives de Vigile Répondre
6 mars 2011La démonstration du fait que l'apprentissage de l'anglais en bas âge avant même que l'identité chez un enfant soit bien établie est néfaste pour le développement de la langue francaise, est faite par JJCharest lui-même qui a opté pour l'anglais et néglige complètement le développement de la langue francaise qui est pourtant "la" langue officielle du peuple québécois.