Jean Charest a dû grimper sur une chaise à plusieurs reprises, hier, à Saint-Hyacinthe, pour mieux répondre au débordement d’affection que lui ont manifesté les militants libéraux (à droite, l’épouse du premier ministre, Michèle Dionne).
Photo : Jacques Nadeau - Le Devoir
***
Le dernier chef de parti à avoir reçu une ovation aussi ridiculement longue était Mario Dumont au conseil général de l'ADQ en octobre 2008 à Drummondville. La semaine précédente, deux de ses députés étaient passés chez les libéraux, et personne ne doutait que les élections à venir seraient catastrophiques pour son parti.
Hier, après la répétition de vendredi soir, les délégués au conseil général du PLQ ont ovationné le premier ministre Charest durant près de dix minutes, le forçant à grimper sur une chaise à de multiples reprises pour mieux répondre à ce débordement d'affection.
Comme on dit: trop, c'est comme pas assez. Je veux bien que M. Charest vive une relation «fusionnelle» avec son parti et qu'un homme victime d'une si cruelle injustice, comme il le clame, mérite d'être consolé.
Il était cependant par trop évident que les militants tentaient au moins autant de se rassurer eux-mêmes sur sa capacité de leur faire traverser la tempête sans trop de dommages que de lui faire sentir qu'ils étaient derrière lui dans ces heures difficiles.
Cette espèce de culte de la personnalité que l'on pratique de plus en plus au PLQ devient quelque peu loufoque. À l'ouverture du conseil, le détournement de la soirée d'hommage à Robert Bourassa au profit du premier ministre était presque indécent.
C'en est rendu qu'aucun membre du gouvernement ne peut prononcer deux ou trois phrases sans les ponctuer d'une tirade louangeuse. S'il y a une chose que l'on n'aurait jamais pu imaginer sous le règne de M. Bourassa, c'est bien cette incessante flagornerie. Il aurait d'ailleurs été le premier à en rire.
***
Ce conseil général avait quelque chose de surréaliste. Alors que tout le Québec est en proie à une sourde colère, qui se traduit par un taux d'insatisfaction record dans les sondages, il était tout à fait remarquable de voir des centaines de personnes, suffisamment intéressées par la politique pour y consacrer leur fin de semaine, éviter aussi systématiquement le sujet de l'heure.
Il est vrai que M. Charest avait lui-même ouvert cette parade d'autruches vendredi soir. Dans son discours, l'affaire Bellemare a été expédiée en trois petites phrases. Tout le reste a été consacré exclusivement à la défense du budget «courageux» de Raymond Bachand. Entre deux maux, il a tout de suite trouvé le moindre.
Officiellement, le dossier est maintenant clos. Hier, en conférence de presse, le premier ministre a refusé de répondre à toutes les questions sur le sujet. «La commission Bastarache va faire son travail», a-t-il répété chaque fois.
Vendredi, il avait pourtant convoqué les journalistes en catastrophe afin d'expliquer qu'il était tout à fait normal qu'il soit consulté sur la nomination des juges, alors que ses prédécesseurs refusaient au contraire de s'en mêler.
Si c'était si normal, pourquoi ne pas l'avoir dit dès le départ, au lieu de soutenir que la ministre de la Justice ne faisait circuler aucun nom autre que celui du candidat qu'elle recommandait? Les prédécesseurs de Kathleen Weil, Yvon Marcoux et Jacques Dupuis, le consultaient-ils eux aussi? Mystère.
***
Durant toute la fin de semaine, la ministre de la Justice a brillé par son absence. Elle avait «d'autres engagements», a expliqué M. Charest, sans préciser lesquels. Bien entendu, personne n'a été dupe. Quand elle réapparaîtra à l'Assemblée nationale demain, elle aura certainement appris sa leçon. Après tout, ce n'est pas si compliqué: «M. le président, la commission Bastarache va faire son travail.»
C'est pourtant M. Charest qui aurait dû mieux faire ses devoirs. En nommant à un ministère aussi délicat une femme indéniablement brillante, mais sans la moindre expérience politique, il a commis la même erreur que Lucien Bouchard après les élections de 1998, quand il avait confié la Justice à Linda Goupil.
Pendant deux ans, la nervosité devenait manifeste sur les banquettes péquistes chaque fois qu'un député libéral lui adressait une question. Sa mutation à la Famille et à l'Enfance l'avait littéralement transformée. Quand le PQ a perdu le pouvoir en 2003, Mme Goupil faisait partie des vedettes montantes.
Dans l'intérêt de Mme Weil elle-même, il aurait été préférable que M. Charest lui permette de faire son apprentissage dans un poste moins exigeant. D'un point de vue politique, elle a sans doute commis une erreur, mais il est quand même rassurant de savoir que quelqu'un dans ce gouvernement peut encore dire la vérité. Cela semble devenir si rare.
***
mdavid@ledevoir.com
L'amour du chef
Cette espèce de culte de la personnalité que l'on pratique de plus en plus au PLQ devient quelque peu loufoque. À l'ouverture du conseil, le détournement de la soirée d'hommage à Robert Bourassa au profit du premier ministre était presque indécent.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé