François Legault et Charles Sirois: «Par notre prise de parole, nous souhaitons convaincre les Québécois de l’urgence d’agir et contribuer à la définition des solutions à mettre en œuvre.»
Photo : Yan Doublet - Le Devoir
Site web de la Coalition pour l'avenir du Québec
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François Legault et Charles Sirois - Cofondateurs de la Coalition pour l'avenir du Québec - Nous voyons un Québec hésitant qui fait du sur-place et s'embourbe de plus en plus, incapable de relever les défis de ce début de millénaire. Certes, des entrepreneurs, des artistes et des scientifiques québécois triomphent partout sur la planète. Mais c'est ici, chez nous, collectivement, que nous devons renouer avec le goût d'avancer. Notre nation ne peut se permettre de laisser perdurer la situation présente qui ne peut qu'accentuer ce déclin tranquille du Québec déjà amorcé.
Nos problèmes actuels ont été largement documentés et ont fait l'objet de vastes débats: décrochage scolaire trop élevé, tout particulièrement chez les garçons, richesse collective moindre que dans le reste de l'Amérique du Nord, services publics à bout de souffle, difficultés croissantes d'insertion pour les immigrants, et d'autres encore. On ne compte plus les rapports suggérant des solutions, mais la volonté et le courage de les mettre en oeuvre semblent toujours faire défaut.
Cette situation a contribué à répandre la morosité et un certain défaitisme dans notre société, accompagnés d'un désintérêt marqué envers la chose publique. Puis la méfiance et le cynisme envers nos institutions se sont installés, alimentés par une tenace impression que le système ne fonctionne pas dans l'intérêt général. Rien de solide ne peut être construit sur de telles bases. [...]
Par notre prise de parole, nous souhaitons convaincre les Québécois de l'urgence d'agir et contribuer à la définition des solutions à mettre en oeuvre. [...]
Solidifier les assises
Malgré les remarquables succès individuels d'un grand nombre de ses citoyens, la société québécoise a perdu ses repères et la confiance en elle-même. Comment en sommes-nous arrivés à la situation actuelle? Parmi les diverses raisons, notre incapacité à trouver une solution rassembleuse à la question nationale a joué un rôle central. Malgré les années qui passent, notre société demeure toujours marquée par cette fracture qui nous affaiblit collectivement. Pourtant, un fait demeure: avant d'être divisés entre souverainistes et fédéralistes, les Québécois sont très majoritairement nationalistes. Ils sont profondément attachés au destin singulier de ce Québec enraciné ici depuis quatre siècles et qui a surmonté tant d'épreuves. C'est sur cette base que nous croyons qu'il est possible de rassembler les Québécois.
Il faut sortir du déni et prendre acte de l'état des lieux au plan constitutionnel. À moins d'événements que rien ne laisse présager, ni un renouvellement constitutionnel qui satisferait une majorité de Québécois ni la souveraineté n'adviendront dans un avenir prévisible. Cela dit, même si le statut constitutionnel d'un État est important, ce n'est pas le seul déterminant de son avenir. Le cul-de-sac de la question nationale ne doit donc pas nous empêcher d'offrir à ceux qui nous suivront un Québec dynamique et prospère, toujours maître de son destin. [...]
La présence depuis plus de 400 ans d'une majorité francophone sur notre territoire fait du Québec une nation singulière en Amérique. On ne saurait nier le caractère fondamental de la langue française dans la définition de notre société. C'est elle qui nous rassemble et nous distingue. Elle doit être la pierre d'assise sur laquelle se bâtit notre identité commune et un élément central de notre vie collective. Sans nier la richesse inestimable que procure la connaissance d'autres langues, l'usage de la langue française par tous doit être valorisé et encouragé; c'est à elle que doivent s'identifier les nouveaux arrivants. [...]
Plan d'action rassembleur
La difficulté de mener à terme au Québec de grands projets ou des réformes importantes a maintes fois été soulignée. Lorsqu'une idée audacieuse est mise en avant, on n'entend le plus souvent que le doute, la méfiance ou des réactions hostiles. Il est vrai que ce qui est proposé aux Québécois ne s'inscrit que rarement dans un plan global et cohérent de gouvernance. En l'absence d'une vision et d'une ambition communes, il est difficile de convaincre les citoyens d'accepter des objectifs exigeants. [...]
Rehausser la qualité de l'éducation en ne craignant pas de procéder à un vigoureux virage et aux changements majeurs nécessaires doit être LA priorité des années à venir. Une éducation de qualité est non seulement un puissant outil d'épanouissement individuel, mais c'est également un gage et une condition de succès collectif dans le monde d'aujourd'hui. [...]
Le système d'éducation que nous voulons pour le Québec doit avoir comme double objectif le développement d'une culture générale solide pour tous les citoyens et la formation d'une main-d'oeuvre outillée pour réussir dans le nouveau contexte mondial. Des mesures s'imposent pour revenir aux sources de l'acte d'enseignement en redonnant clairement la priorité à l'acquisition de connaissances par les jeunes Québécois. Il faut mettre l'accent sur ces choses dont ils auront besoin toute leur vie et que l'on a beaucoup trop oubliées — lire, écrire, compter, etc. — et ne plus craindre d'insister sur l'effort, la persévérance et le respect sans lesquels aucun véritable apprentissage n'est possible.
Nous croyons qu'une des clés du succès à cet égard réside dans la revalorisation de la profession d'enseignant. [...] Il faut reconnaître que les salaires offerts aux enseignants ne sont pas à la hauteur de l'importance de leurs responsabilités, ce qui ne peut que nuire à leur motivation et au recrutement des meilleurs candidats. Un rajustement salarial est donc nécessaire, particulièrement dans les milieux difficiles où la tâche de recruter et de garder les meilleurs enseignants est encore plus ardue qu'ailleurs. Facteur important de motivation, nous devons à nouveau faire de l'enseignement une profession respectée, enviée et attirante pour les meilleurs de nos étudiants. [...]
Vitalité de notre culture
C'est le français qui est la pierre d'assise de cette culture exceptionnellement créatrice. Pour atteindre notre objectif de faire du français le trait d'union entre tous les Québécois, le soutien à la langue française ne doit exclure a priori aucune avenue législative ou juridique. La précarité de l'utilisation de la langue française du fait de sa minuscule présence en Amérique du Nord, nous oblige à consacrer davantage d'énergie au respect de la Charte de la langue française.
Le Québec accueille des immigrants depuis 400 ans, mais la politique canadienne de multiculturalisme nuit depuis quelques décennies à la capacité du Québec de faire prévaloir sa langue et ses valeurs auprès des nouveaux arrivants. Il faut mettre un terme aux signaux contradictoires qui sèment le doute dans trop d'esprits et affirmer clairement auprès de ceux-ci les attentes de la société qui les accueille. Il nous faut aussi être actifs: une société de sept millions de francophones immergée dans un continent peuplé de centaines de millions d'anglophones ne peut espérer intégrer ses immigrants à la communauté francophone sans mesures incitatives et sans appui pédagogique. Davantage de ressources et d'efforts doivent donc être affectés à la francisation des nouveaux Québécois. [...]
Santé
Dans le réseau de la santé, les médecins de famille doivent s'organiser en groupes de médecine familiale afin que tous les Québécois aient accès à un médecin de famille. Les autorités centrales doivent aussi se désengager de la production des soins et de la microgestion. Elles doivent se concentrer sur la fixation des objectifs et sur l'élaboration d'indicateurs de performance. Les décisions doivent être décentralisées en échange d'une plus grande imputabilité des acteurs locaux. Les dirigeants d'établissement doivent avoir plus d'autonomie et le pouvoir de conclure des ententes individuelles avec les médecins. De façon générale, les revenus des établissements doivent être assurés sur la base des services fournis et non de budgets préétablis. Plusieurs de ces changements ne sont possibles qu'avec un nouveau pacte avec les médecins. [...]
Il est nécessaire et urgent de faire la lumière sur la situation en ce qui a trait à la corruption dans le secteur de la construction, car la confiance du public en dépend. La procédure d'octroi des contrats gouvernementaux pour les grands projets de construction et d'infrastructures doit également être beaucoup plus transparente. [...]
Le Québec en mouvement
Notre appel s'adresse à tous les citoyens québécois — aux fédéralistes comme aux souverainistes, de même qu'à tous ceux pour qui ces étiquettes ne sont pas les plus déterminantes —, ainsi qu'à tous les leaders dans leurs milieux respectifs. Nous leur disons qu'il est temps de faire des choix, de remettre le Québec en mouvement. Voilà pourquoi, nous soumettons notre point de vue à la discussion.
Nous avons décidé de miser sur ce qui peut nous unir plutôt que de rester campés sur ce qui nous a opposés dans le passé. Nous avons l'intime conviction qu'il est nécessaire et urgent de rassembler le plus de gens possible autour des objectifs que nous venons d'esquisser.
Ce premier geste public lance une démarche qui en comptera d'autres. À tous ces gens qui, comme nous, souhaitent du plus profond de leur coeur que le Québec retrouve le goût de l'avenir, nous tendons la main dans l'espoir qu'ils feront le même pari que nous.
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Ont cosigné ce texte: Bruno-Marie Béchard Marinier, Lionel Carmant, Jean Lamarre, Sylvie Lemaire, Michel Lemay, Chantal Longpré, Marie-Eve Proulx, Stéphanie Raymond-Bougie, Anie Samson et Jean-François Simard.
Les signataires du texte le font à titre personnel et non au nom de l'organisation où ils travaillent.
Coalition pour l'avenir du Québec
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