L'accommodement déraisonnable de Mario Dumont

Chronique de Patrice Boileau


En reprenant à son compte le débat sur les accommodements raisonnables, le chef de l’Action démocratique s’est rallié une large proportion de Québécois de souche qui habitent surtout dans les régions dont celle qui englobe la Capitale nationale.
Sereinement, sans exprimer de sentiments belliqueux, Mario Dumont a affirmé haut et fort qu’il est normal que le groupe majoritaire qui compose la société québécoise cherche à préserver sa langue et sa culture. Pour lui, la seule façon d’atteindre cet objectif est évidemment d’agir de manière à ce que prédominent dans la société civile les caractères fondamentaux de la nation québécoise. Il a ajouté que l’égalité entre les hommes et les femmes, la laïcité des institutions nationales ainsi que de l’espace public constituent également des valeurs québécoises qui ne sont pas négociables. En aucun cas ces consensus expriment un rejet des communautés ethnoculturelles qui ont choisi le Québec comme terre d’adoption.
Il n’en fallait pas plus pour que cette position du chef adéquiste enthousiasme ceux qui en ont marre d’entendre la langue de bois et qui se font imposer le code de vie qui encadre les résidants de Montréal. Les rapports ultra-aseptisés entre ces derniers projettent l’image de francophones qui perdent progressivement l’emprise sur la métropole québécoise. Pas étonnant que leurs compatriotes des régions refusent de connaître le même sort. Idem pour ceux qui habitent la capitale québécoise, eux qui s’enorgueillissent d’une urbanité qui leur est propre.
Le concept de « citoyenneté civique » imaginé par certains membres de l’intelligentsia du Parti québécois, il y a quelques années, n’est donc pas une formule appropriée pour établir un climat propice à l’intégration des nouveaux arrivants au Québec. Très mauvais est ce concept qui semble complètement évacuer le facteur historique. Comment en effet convaincre les immigrants de choisir de vivre en français, si personne ne les renseigne que cette langue, et la culture qui s’est épanouie autour d’elle, existe encore parce que des générations luttent pour sa survie depuis la conquête britannique de 1760?
On ne peut donc pas banaliser la présence des Québécois de souche et chercher à la diluer parmi les minorités culturelles. C’est exactement ce qu’ont entériné, peut-être maladroitement, des conseillers municipaux de Hérouxville en Mauricie. Et c’est Mario Dumont qui s’est empressé de saluer l’initiative de ces élus, tout en dénonçant avec raison que Québec est responsable de cette situation : l’administration libérale a lâchement fermé les yeux sur l’adoption de mesures saugrenues à Montréal qui ouvrent la porte à de possibles dérapages encore plus graves.
On peut accuser Mario Dumont d’opportunisme pour avoir sauté à pieds joints sur cet enjeu. Le député de Rivière-du-Loup va probablement réussir à faire élire plus de députés qu’en 2003 grâce à cette stratégie électoraliste. Nul doute que le Parti québécois représente la formation politique qui va le plus souffrir des gains adéquistes le 26 mars prochain.
Le chef de l’ADQ doit toutefois expliquer comment il parviendra à sauvegarder les valeurs québécoises, alors qu’il sait que les siens, minoritaires au Canada, perdent constamment du terrain comme le prouvent les derniers événements qu’il réprouve lui-même! Monsieur Dumont n’a pas le courage d’admettre que seule la souveraineté peut éliminer cet handicap démographique et mettre un terme à l’assimilation tranquille de la nation québécoise.
Qu’attend André Boisclair pour demander au dirigeant de l’Action démocratique ce que pense Stephen Harper de son projet de constitution et de citoyenneté québécoise? Comment se fait-il qu’aucun élu péquiste l’ait interpellé à ce sujet, au sortir de sa rencontre avec le premier ministre du Canada à Ottawa, il y a quelques jours? Mario Dumont ne peut faire campagne en proclamant être le protecteur de l’identité nationale des Québécois sans répondre à cette question. Le chef adéquiste doit avoir l’honnêteté de révéler que son projet nationaliste ne jouit pas de l’appui du gouvernement fédéral.
Pourquoi ne pas profiter de l’occasion pour lui demander comment va son concept « autonomiste », alors que le cadre fédéral canadien vient de tuer dans l’œuf une pièce maîtresse de sa plate-forme politique, avant même que ne débute la campagne électorale? L’allocation de 5200$ par enfant, chaque année, que Mario Dumont promet de donner aux familles qui n’utilisent pas les services de garde subventionnés, les pénalisera au chapitre de la fiscalité fédérale. En effet, Ottawa s’enrichira alors de 200 millions de dollars annuellement. Toujours intéressé à gouverner une province, monsieur Dumont?
Manifestement, l’autonomie provinciale que cherche le chef de l’ADQ ressemble inéluctablement à une situation qu’il condamne depuis quelques jours: il ne peut en effet y avoir d’accommodement raisonnable pour le Québec à l’intérieur du Canada.
Patrice Boileau


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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    21 février 2007

    Le concept de « citoyenneté civique » imaginé par certains membres de l’intelligentsia du Parti québécois?
    Il ne faut pas se gêner pour le dire; c'est Gérard Bouchard qui a développé ce concept. Et si Jean Charest l'a nommé à la tête de la commission sur les accommodements raisonnables avec Charles Taylor, c'est que ce concept, depuis son application par le PQ, sert merveilleusement bien la cause fédéraliste du PLQ et du PLC. Comment en serait'il autrement d'un concept national qui a comme fondement de répudier 360 ans d'histoire du peuple auquel il s'applique?
    La construction (nation-building) de la nation civique-francophone-pluraliste de Gérard Bouchard se veut un mythe pour en remplacer un autre. Pour Bouchard, l'histoire du Canadien français est un mythe. Un mythe à effacer de la conscience du peuple parce-qu'il représente l'échec, la capitulation, le déshonneur, la faiblesse, qui sont des sentiments néfastes à la mobilisation vers le désir d'émancipation. Il fallait donc restaurer la confiance et le respect de soi du peuple en lui créant un nouveau mythe. Un mythe de vainqueur. Il fallait alors trouver un point dans le temps qui pouvait représenter symboliquement une victoire du peuple qui servirait de nouvelle fondation pour son nouvel identitaire. Ce point de victoire fut la Révolution Tranquille, et l'ennemi battu fut l'Église catholique. Nous pouvions alors enterrer le vieux mythe canadien français catholique et débutter la nouvelle histoire du Québécois vainqueur de l'ancien monde et maître du nouveau (L'intelligentsia en a même créée un Institut du Nouveau Monde, dont Bouchard est co-directeur).
    Donc, un nouveau mythe fondateur qui n'a plus rien à voir avec la réalité ni avec l'histoire. Un nouveau mythe qui répudie non seulement son histoire mais sa culture. La littérature, la philosophie, l'art, la tradition, par ce nouveau mythe débuttent vers 1968. Une nation non-pas de 400 ans, mais un jeune peuple naissant, sans passé, n'ayant que l'avenir devant lui.
    L'orsque Bouchard et le PQ nous imposèrent cette "expérimentation sociale" à grande échelle, vers les années 80, ils n'avaient pas prévu le boum de l'immigration à Montréal et les effets du multiculturalisme imposé deux ans plus tard par Trudeau. En effet, qu'est-ce qu'a à offrir un jeune peuple d'une culture d'à peine 30 ans, à des communautés immigrantes, pour les convaincre de le suivre dans son mouvement d'indépendance en abandonnant une loi multiculturelle constitutionelle fédérale qui assure la pérénité de leurs cultures millénaires? Quel avenir ce peuple qui a répudié son histoire peut-il leur assurer?
    Pendant ce temps, le concept de Gérard Bouchard, qui a une influence et notoriété importantes dans le milieu universitaire, a fini par s'imposer comme véritable doctrine idéologique qui s'incruste dans les curriculums (on ne forme plus d'historiens), les politiques des ministères, et les organismes sociaux. Bouchard n'est plus seul, des grappes de sociologues-philosophes s'assemblent en clubs d'intellectuels à repenser la nouvelle nation.
    Ils en arriveront finalement à raisonner que ce quoi ce jeune peuple a à offrir est l'espace culturel laissé par sa répudiation. Cet espace offerte pour la culture des autres. Et donc le concept d'interculturalisme est né.
    Nous sommes autour des années 95 ici. On comprendra, dans l'esprit de cette idéologie, les réactions et condamnations contre les propos de Parizeau et Michaud, qui osaient suggérer d'un chuchottement, une frêle allusion, au peuple "de souche". Anathèmes soit-ils!
    Donc, ce sera l'interculturalisme. Décidément, le concept fait l'affaire de tout le monde. À Montréal surtout. Aux communautés culturelles biensûr. En effet, il n'est pas besoin de deviner longtemps dans quelle direction le courant interculturel versera entre un peuple vide de culture et d'autres déjà emplis jusqu'aux rebords.
    Ce qui plait aux immigrants plait au PQ, au PLQ, et tous les autres qui désirent accéder au trône de l'Imperial Montreal. Même le BQ à Ottawa. Le PLQ qui dépend des ces communautés pour se faire élire est ravi! Non seulement peut'il assurer à celles-ci qu'elles peuvent profiter de la loi multiculturelle d'Ottawa (choix de non-intégration) mais que le nouveau peuple franco-québécois est un peuple ouvert, moderne, mondialiste, et impatient à intégrer leurs cultures autant que possible. Pourquoi faire l'indépendance dans un monde aussi parfait? De l'autre côté, le PQ est aussi content de montrer à ces communautés - qu'il aimerait bien attirer au projet d'indépendance - à quel point ce nouveau peuple aimable et aimant, autant que généreux, intègre si bien leurs cultures et leurs valeurs au point où on ne peut même plus faire la différence entre nous tous! Plus de "nous" et "eux"! Surtout à Montréal! Les régions n'étant qu'une question de temps qu'elles embarquent, par le pouvoir des médias montréalais, et que de toute façon c'est Montréal qui les contrôle. Nous sommes TOUS Québécois! Pourquoi risquer que le fédéral brise une si belle union entre nous? Faisons l'indépendance!
    Ce nouveau mythe artificiel, le peuple québécois, le vrai, celui qui a encore son histoire, celui qui est en régions, ne peut plus le supporter. Ce peuple n'en peut plus de se faire dire que ses seules valeurs sont réduites à: la laïcité, l'égalité entre les femmes et les hommes, et la francophonie. Ce mythe tient peut-être encore à Montréal où tant de gens en vivent et l'exploitent pour se maintenir au pouvoir ou à des postes à privilèges, mais en régions il craque de partout et tombe en morceaux.
    Ce que Gérard Bouchard a conçu, c'est un suicide collectif, une auto-crucifixion dans l'espoir d'une résurrection en un peuple divin à l'image du peuple juif.
    C'est une allégorie démentielle et insupportable qui nous a ammené à un niveau de folie collective qui s'est propagée j'usque dans nos institutions d'éducation. Nous y baignons nos enfants, la génération future. La commission de Charest est un échappatoir qui va nous garder enfermés dans cette démence et le nouveau programe d'Éthique et Religion, qui sera transmi par les mêmes idéologues, n'est qu'un prolongement encore plus profond dans l'endoctrinement de ce collectif suicidaire du peuple québécois.
    Il faut mettre un terme à cet accommodement à la déraison.