Cinq ans se sont écoulés depuis qu’un train fou s’est embrasé dans la nuit déjà chaude de Lac-Mégantic, emportant 47 personnes dans la mort, détruisant son centre-ville et polluant son environnement.
Cet événement, appartenant à une actualité de plus en plus lointaine, les Méganticois y pensent tous les jours. Quand ils regardent là où se trouvaient les bâtiments qui ne reviendront pas. Quand ils pensent aux proches qu’ils ne retrouveront pas. Quand un autre train a l’impudence de troubler leurs nuits d’un coup de sifflet.
Certes, il a fallu du temps et il en faudra encore, mais Lac-Mégantic aura sa voie de contournement. Il y a une décence que les politiciens ont encore et ils s’en sont souvenus en annonçant le financement des travaux par Québec et Ottawa.
Absurde et irresponsable
Des villages traversés par une voie ferrée avec un petit bar sur le bord de la track, il y en a toutefois des centaines d’autres, au Québec. Pour ceux-là, les politiciens ne font rien, à commencer par appliquer les cinq recommandations du Bureau de la sécurité des transports, émises en août 2014 à la suite de la tragédie.
Seulement deux d’entre elles ont été adoptées, et elles concernent des mesures à prendre par l’industrie pour atténuer les conséquences d’un accident après qu’il s’est produit. Pour prévenir, on n’a rien fait.
Les normes pour les wagons autorisés à effectuer le transport de matières dangereuses n’auront pas été mises à jour avant 2025 et les nouveaux équipements de sécurité proposés n’ont pas été installés. Toute cette quincaillerie d’un autre siècle continuera de rouler sur des voies vétustes et mal entretenues.
Surtout, on n’a pas rompu avec ce principe absurde de l’autorégulation de l’industrie, comme si une telle chose pouvait vraiment exister, et on ne lui a pas serré la vis pour que des pratiques irresponsables comme les équipages d’un seul homme soient abandonnées.
Résultat : 299 incidents impliquant des mouvements de train non contrôlés sont survenus depuis 2013, soit 57 occurrences de plus que dans les cinq années précédentes. Bref, ça ne s’améliore pas depuis la tragédie, ça empire.
Gouvernement parallèle
Ce pays n’existe pas tant parce qu’on y a choisi de se doter d’une identité ou d’une constitution commune, mais bien parce qu’il est traversé par un chemin de fer. Dans ce contexte, les compagnies ferroviaires forment un véritable gouvernement parallèle que le gouvernement légitime est trop pleutre pour mettre au pas. Que ce soit les conservateurs ou les libéraux au pouvoir, c’est la même chose.
S’ensuit même une légitimation des pipelines qui seraient, dit-on, tellement plus sécuritaires que les trains pour assurer notre approvisionnement en pétrole. Ça ne vient à l’esprit de personne qu’avec une industrie correctement réglementée, ce ne serait pas le cas.
En attendant, rien ne change. Les Méganticois continuent à avoir peur et leur sentiment sera de plus en plus partagé par des millions de Québécois. Surtout quand le prochain drame sera survenu.
Il est temps que l’on rende justice aux Méganticois et à leurs morts en tirant les conclusions appropriées de cette tragédie indicible. Ils méritent ça, comme nous le méritons tous.