Dans cette histoire de crédits d’impôt retirés aux Productions J, qui ne seraient pas une entreprise indépendante du diffuseur TVA, il est impératif de situer le débat dans son contexte qui est politique.
Julie Snyder est présente depuis plus de trente ans dans les médias. C’est une productrice aussi talentueuse qu’efficace. Les émissions populaires qu’elle produit recueillent des cotes d’écoute qui font caracoler l’audimat. Des millions de téléspectateurs ont été fidèles à la Voix, à Star Académie, au Point J. Le Banquier est une exception puisqu’il a été produit pour TVA, qui n’a pas eu accès aux crédits d’impôt.
La question à laquelle l’on doit répondre est claire. Compagne et bientôt épouse de Pierre Karl Péladeau, Julie Snyder peut-elle poursuivre sa carrière? Pierre- Elliott Trudeau qui aimait créer la polémique avait déclaré un jour que le Québec était une tribu, un clan. Et il est vrai que le Québec est une petite société. En télévision, par exemple, la marge de manœuvre est mince. Les «vedettes» doivent choisir leur camp : entre TVA, la chaîne V et Radio-Canada.
La compétition entre TVA et Radio-Canada demeure une réalité bien tangible. À preuve, l’automne dernier, dès que fut rendue publique la séparation du couple Snyder-Péladeau, Julie Snyder fut contactée par la télévision de Radio-Canada, intéressé par ses productions si populaires. Il est donc clair que Julie Snyder, productrice indépendante, ne peut intéresser les chaînes compétitrices qu’à la condition de quitter ses productions à TVA, fleuron médiatique de l’empire Québécor.
Dans le passé, le genre d’émissions produites par les Productions J était boudé, voire perçu avec dédain par la télévision de Radio-Canada. Mais les temps ont bien changé, de même que la culture du service public qui n’hésite pas à verser dans le populisme, ce que regrettent les défenseurs d’une vision plus rigoureuse du service public.
Julie Snyder produit pour Sony, pour Oprah Winfrey, pour France 2. Le documentaire sur le droit de vote des femmes, présenté hier à Télé-Québec, fut d’abord refusé par TVA.
Il faut comprendre que la compagne de PKP est devenue elle-même un personnage politique. Ce qui est gênant dans cette loi qui la prive de crédits d’impôt est qu’elle ne vise qu’une maison de production, la sienne. Et l’on peut penser que ni Radio-Canada, ni Canal V, ni Astral, qui appartient à Bell, concurrent de Vidéotron, n’accepteraient des productions de Productions J. Dans le marché américain ou français, les possibilités de réussir à produire pour une chaîne seraient décuplées vu le nombre de propriétaires de groupes médiatiques.
Le paradoxe est que le gouvernement fédéral accorde des crédits d’impôt aux Productions J. Mais au Québec, la loi fut changée il y a quelques années. Pendant le gouvernement Marois, ladite loi fut abrogée et aujourd’hui le gouvernement Couillard la réactive. C’est ainsi qu’une des plus remarquables productrices du Québec risque d’avoir à se départir de son entreprise, incapable de produire sans ces crédits d’impôt des émissions coûteuses qui font le bonheur des téléspectateurs québécois.
Julie Snyder a-t-elle un avenir professionnel dans ce contexte? Est-elle victime de l’engagement politique de PKP? Les conjoints des politiciens sont-ils condamnés à sacrifier leur propre carrière à cause d’une législation sur laquelle seuls les tribunaux peuvent trancher? Une loi qui ne concerne qu’un citoyen n’est-elle pas douteuse? Qui donc a conçu cette loi, différente, répétons-le, de celle d’Ottawa, sur les crédits d’impôt? Sommes-nous dans l’hypocrisie ou dans la pureté d’intention?
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