Louise Harel à la mairie

Joignons-nous à son panache blanc!

quoi qu'en dise Gilbert Rozon

Montréal - élection 2009

Bien avant le rapport dévastateur du vérificateur général sur le contrat des compteurs d’eau, on sentait bien que la réélection de Gérald Tremblay allait être difficile. Personne n’était non plus naïf au point de penser que la question nationale serait totalement absente de la campagne électorale montréalaise. On se doutait donc déjà que, loin des micros et des caméras, sentant la soupe chaude, certains adversaires de Louise Harel se sentiraient dans l’obligation de marteler en substance : « Never forget she’s a separatist ». Mais il suffit parfois qu'une personnalité publique dénuée de tout filtre politicien accorde une entrevue pour en apprendre davantage sur les pires contradictions de notre psyché nationale que de tous les discours officiels réunis.
Dans le Journal de Montréal du 12 septembre dernier, l'homme d'affaires Gilbert Rozon n’a rien trouvé de mieux pour étayer la substance de son appui à Gérald Tremblay qu’une critique en règle de sa principale adversaire. Ainsi, selon le fondateur du Festival Juste pour rire/Just for laugh, Louise Harel « est une souverainiste convaincue, (...) est-ce opportun pour un maire de Montréal, qui doit rassembler tout le monde, les anglophones comme les francophones? Saura-t-elle mettre ses convictions de côté alors que la souveraineté est son projet de vie? J'en doute. » Par ces mots, Gilbert Rozon adhère d’abord à l’équation binaire « souverainistes francophones versus anglophones fédéralistes ». Puis il décrète qu’un candidat fédéraliste à la mairie de Montréal est nécessairement rassembleur tandis qu’un souverainiste ne saurait l’être.
Or, le plus récent sondage Le Devoir-Léger Marketing (3 septembre 2009) indique que 48% des Québécois francophones auraient voté en faveur de la souveraineté. Mais puisque, comme tous les sondeurs vous le diront, les francophones sont plus souverainistes à Montréal qu'ailleurs au Québec, Montréal compte donc probablement un peu plus de francophones souverainistes que de francophones fédéralistes en ce moment. Par conséquent, en vertu de la logique Rozon, les Montréalais anglophones – donc fédéralistes – seront forcément très réticents à accorder leur appui à une candidature à la mairie souverainiste. Par contre, nous dit Gilbert Rozon, il va de soi que les francophones – majoritairement souverainistes – sauront mettre de côté leurs allégeances constitutionnelles au moment de considérer la candidature d’un fédéraliste au poste de premier magistrat de Montréal. Ainsi, alors que pour les Montréalais d’expression anglaise, l’élection municipale du 1er novembre sera rien de moins qu’un référendum sur la souveraineté sans le nom, leurs concitoyens de langue française causeront béatement nids de poule et collecte des ordures. Par extension, on peut supposer que bien des fédéralistes déçus de Tremblay mais incapables de voter Harel se rabattront en masse sur Bergeron et O’Sullivan. Voilà qui rappelle l’élection du 15 novembre 1976 lors de laquelle de nombreux anglophones, mécontents de Robert Bourassa et rebutés par René Lévesque, élirent des députés de l’Union nationale, favorisant ainsi la victoire du Parti Québécois.

Et les allophones ? Gilbert Rozon les a-t-il oubliés ? Bien sûr que non. Selon lui, Montréal devrait être une métropole « ouverte sur le monde, biculturelle, accueillant les immigrants et leur donnant aussi la possibilité d'apprendre l'anglais, comme il faut que ce soit le cas pour nos enfants. (...) ne pas donner aux immigrants et à nos enfants la possibilité d'apprendre l'anglais est une hérésie! C'est se refermer sur nous-mêmes... Arrêtons de nous mettre la tête dans le sable, nous allons finir dans un ghetto. L'anglais est essentiel, c'est la langue des affaires, de la science et de la culture. Louise Harel ne représente pas cela. Je trouve bien qu'elle apprenne l'anglais à 60 ans, mais, pour moi, elle est loin de cette idéologie du biculturalisme ». Conformément à la thèse Rozon, il faudrait donc souhaiter que le cosmopolitisme de Montréal se mue en biculturalisme. Pis encore, un allophone francophile ne saurait être considéré comme « ouvert sur le monde ». Seul l’anglais permet d’accéder à cette vertu. Bien heureux les maires unilingues d’Ottawa et Toronto, car le Royaume des cieux est à eux!
Devant pareils raisonnements, on peut se demander si Montréal est encore au Québec. Heureusement, il existe d’autres approches. Louise Harel ne maîtrise pas assez l’anglais pour participer à un débat dans cette langue ? Qu’à cela ne tienne. Les Montréalais anglophones n’auront qu’à écouter les débats en français, tout comme les francophones de la Capitale fédérale et de la Ville-Reine le font en anglais sans que M. Rozon ne s’en émeuve. Ils y entendront Louise Harel faire étalage de son audace, de sa compétence et de sa verve. Elle le fera dans la langue officielle du Québec, qui fut aussi celle du roi Henri IV. Juste avant la bataille d’Ivry, en 1590, cet ancien souverain de France lança une célèbre tirade de ralliement dont les Montréalais auraient intérêt à s’inspirer car elle va à ravir à madame Harel : « Joignez-vous à mon panache blanc ! »
Christian Gagnon

Montréal

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CHRISTIAN GAGNON, ing.
_ L’auteur a été président régional du Parti Québécois de Montréal-Centre d’octobre 2002 à décembre 2005





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4 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    30 septembre 2009

    Malgré l'odeur nauséabonde de scandale qui embaume l'entourage du maire, les Montréalais iront-ils aux urnes voter pour du changement? Voilà le défi. En cette décennie d'électeurs mous et indifférents, combien de scandales et de décisions inacceptables faut-il pour déplacer un électeur vers l'urne?

  • Archives de Vigile Répondre

    26 septembre 2009

    Enfin de l'air frais et surtout de la vérité !
    Chu tanné du menteur à Tremblay qui nous prends pour des poires !

  • Archives de Vigile Répondre

    25 septembre 2009

    « L’anglais est essentiel, c’est la langue des affaires, de la science et de la culture ».
    Rozon n’est qu’un clown triste qui entretient la médiocrité québécoise en généralisant la « Société du spectacle ». Ici, au Québec, dès qu’on parle d’histoire, les refoulés comme Rozon s’empressent, de leurs gros rires gras et puant la suffisance (et l’inculture), de niveler par le bas (c’est ce que font les gens qui n’ont aucune finesse ni ouverture. Nier sa propre langue, c’est vouloir désespérément retourner contre soi-même la domination dont on a fait l’« objet », en bref, un geste sadique si l’on s’arrête à écouter l’humour québécois truffé de grossièretés et de dénis) tout débat et toute critique.
    Continuons de rire à gorge déployée et à nier notre histoire au profit du capitalisme bestial que promulgue Rozon. On est bien partis pour un autre siècle de lèche-culs sans intelligence! Le vingtième siècle a eu Trudeau, le fasciste iconoclaste. Le vingt-et-unième siècle se contentera d’un gros colon sans délicatesse, signe de progrès. Comme l’écrivait le Frère Untel, « on peut peinturer une clôture, mais on ne peut que “peindre” la Joconde »…
    André Meloche
    Sainte-Sophie
    P.S. À les écouter, ces « tenants » du multiculturalisme, on s’aperçoit bien vite qu’ils ne parleront toujours que deux langues secondes…

  • Jean-Paul Gilson Répondre

    25 septembre 2009

    Mais enfin Christian, tu sais bien que ce n'était qu'un commentaire "just for laughs" de la part de quelqu'un qui a appris l'anglais dans les chambres de bonnes.....