C'est un lieu commun de dire que la Révolution tranquille ne fut d'aucune façon spontanée. Celle-ci a plutôt longuement mûri dans le Québec de l'après-guerre, où de jeunes Québécois réfléchissaient et œuvraient au Québec de demain. On constate à quel point leur contribution fut déterminante lorsque l'on retrace le parcours de certains d'entre eux.
Jean-Marc Léger, décédé dimanche à l'âge de 84 ans, fut l'un de ces jeunes rêveurs impatients de transformer le monde au lendemain d'une guerre meurtrière. À la sortie de l'université, il avait de l'avenir de la société québécoise une vision bien arrêtée et autant de détermination à lui donner forme.
Son rêve, qui se confondit rapidement avec sa propre vie, se résume dans le seul mot «francophonie». Ce terme ne faisait pas partie du vocabulaire des années 1950, mais c'était à cela qu'il pensait en 1951 à son retour de Paris où il avait étudié à Science po. Dès ce moment, il imaginait la mise sur pied d'une organisation internationale des peuples de langue française.
À 25 ans, on croit que tout est possible. Aussi Jean-Marc Léger s'attache à mettre sur pied en 1953 l'Union culturelle française. Il n'a qu'une vague idée de ce qu'elle sera. Ne manquant pas d'audace, il frappe à la porte du gouvernement français qui, tout sympathique qu'il soit à sa cause, préfère ne pas s'engager. Les gouvernements ont à cette époque d'autres soucis. Qu'importe, il en fera une association volontaire de citoyens, une ONG, dont on dirait aujourd'hui qu'elle était une avant-première de la «francophonie des peuples».
Son activisme n'allait pas s'arrêter là. Avec le concours de son ami André Bachand, de l'Université de Montréal, il entreprend en 1957 de mobiliser les milieux universitaires autour d'un regroupement des universités entièrement ou partiellement de langue française. L'AUPELF naîtra officiellement en 1961. Ce sera le premier noyau dur de la francophonie internationale. Trente universités participent à sa création. Aujourd'hui, devenue l'Agence universitaire de la Francophonie, elle compte plus de 300 membres.
Le secrétariat de l'AUPELF qu'assure Jean-Marc Léger le conduira à poursuivre son action en faveur de la francophonie à travers les pays francophones d'Afrique. Unanimement, tous se tournent vers lui en 1969 pour assurer le secrétariat de l'Agence de coopération culturelle et technique, première incarnation d'une francophonie institutionnelle, qu'il dirigera jusqu'en 1974.
L'ambition première de Jean-Marc Léger à travers son militantisme pour la francophonie était de consolider la situation du français comme langue nationale et internationale. Journaliste chargé des affaires internationales à La Presse puis au Devoir, il n'a jamais participé à cette idée reçue voulant que le Québec ait besoin de s'ouvrir au monde. De tout temps, les Québécois ont été ouverts au reste du monde. Ce qui leur manquait, c'est une présence au monde. Dont acte. Le Québec a une grande dette envers cet homme.
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