Je me souviens…mais après?

Tribune libre

En 1883, Eugène-Étienne Taché, architecte et commissaire adjoint des terres de la Couronne, fait graver dans la pierre la devise Je me souviens juste en dessous des armoiries du Québec, qui se trouvent au-dessus de la porte principale de l'Hôtel du Parlement à Québec. Taché ne semble pas avoir laissé de document mentionnant de façon explicite le sens de la devise.
La première interprétation du sens de la devise que l'on puisse citer est celle de l'historien Thomas Chapais qui, dans un discours donné à l'occasion du dévoilement d'une statue en bronze à la mémoire du duc de Lévis, le 24 juin 1895, dit : « [...] la province de Québec a une devise dont elle est fière et qu'elle aime à graver au fronton de ses monuments et de ses palais. Cette devise n'a que trois mots : « Je me souviens » ; mais ces trois mots, dans leur simple laconisme, valent le plus éloquent discours. Oui, nous nous souvenons. Nous nous souvenons du passé et de ses leçons, du passé et de ses malheurs, du passé et de ses gloires ».
« Nous nous souvenons du passé et de ses leçons »…du passé, certes, mais qu’en est-il des leçons du passé ? Quelles leçons en avons-nous retirées ? Après 150 ans de frustrations à répétition concernant notre identité socio-culturelle et linguistique, nous en sommes pourtant encore là à supporter docilement le joug d’un gouvernement fédéral centralisateur et dominateur.
« Je me souviens », oui, mais après ? Qu’attendons-nous pour tirer les leçons du passé et enfin nous affirmer en tant que nation autonome qui lèguera à ses descendants le souvenir d’un passé qui l’a conduit sur le chemin de l’indépendance du Québec…Alors seulement, il sera bon de clamer notre devise « Je me souviens ! »

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Henri Marineau2095 articles

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Né dans le quartier Limoilou de Québec en 1947, Henri Marineau fait ses études classiques à l’Externat Classique Saint-Jean-Eudes entre 1959 et 1968. Il s’inscrit par la suite en linguistique à l’Université Laval où il obtient son baccalauréat et son diplôme de l’École Normale Supérieure en 1972. Cette année-là, il entre au Collège des Jésuites de Québec à titre de professeur de français et participe activement à la mise sur pied du Collège Saint-Charles-Garnier en 1984. Depuis lors, en plus de ses charges d’enseignement, M. Marineau occupe divers postes de responsabilités au sein de l’équipe du Collège Saint-Charles-Garnier entre autres, ceux de responsables des élèves, de directeur des services pédagogiques et de directeur général. Après une carrière de trente-et-un ans dans le monde de l’éducation, M. Marineau prend sa retraite en juin 2003. À partir de ce moment-là, il arpente la route des écritures qui le conduira sur des chemins aussi variés que la biographie, le roman, la satire, le théâtre, le conte, la poésie et la chronique. Pour en connaître davantage sur ses écrits, vous pouvez consulter son site personnel au www.henrimarineau.com





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2 commentaires

  • Serge Jean Répondre

    26 novembre 2013


    J'ai oublié de me souvenir.
    Je m'en souviendrai monsieur Marineau; merci pour ce rappel précieux.
    Serge Jean

  • Luc Bertrand Répondre

    26 novembre 2013

    Vous l'avez très bien dit, monsieur Marineau. Malheureusement, depuis que les fédéralistes ont pris le contrôle quasi absolu des médias de masse (surtout depuis l'acquisition de La Presse par Power Corporation en 1968) et la répression du FLQ orchestrée par le gouvernement Trudeau en octobre 1970), la nation québécoise a pris son trou et n'ose plus s'exprimer en tant que telle. De plus, le sabotage de notre économie par les décisions d'Ottawa et du cartel financier de Bay Street et la complaisance - sinon le révisionnisme - du PLQ au niveau de l'enseignement de l'histoire ont fait en sorte que très peu d'entre nous disposent de la capacité critique nécessaire à établir les liens entre l'actualité politique et économique avec les événements passés de notre histoire nationale.
    Et ce n'est pas la perte de la majorité de nos emplois les mieux rémunérés et notre culture de la réussite matérielle individuelle qui va améliorer la situation! Si, avant la Révolution tranquille, on percevait facilement notre exploitation économique par la bourgeoisie anglophone, très peu de nos jeunes réalisent que cette exploitation se poursuit, cette fois avec le "Québec Inc." qui s'est allié aux fédéralistes pour profiter de la manne du néolibéralisme en Amérique du Nord et, maintenant, à l'échelle planétaire. Aujourd'hui, très peu sont capables de comprendre que notre aliénation, comme peuple, n'est plus autant linguistique que systémique. Comme vous le savez déjà, la source de notre impuissance collective est notre statut de province inféodée à un autre État sur lequel nous n'avons plus aucune prise.
    Le Parti québécois n'a pas aidé la cause non plus en cherchant sans cesse à établir une séparation entre son action politique et la cause à l'origine de sa fondation. Depuis que l'indépendance du Québec a été remplacée par un concept d'États associés, que sa réalisation a été rendue optionnelle par le moyen du référendum et, depuis 1996, que l'obsession du pouvoir provincial - pour lequel la preuve de la futilité et de l'effet démobilisant a amplement été démontrée - l'a emporté clairement sur la promotion de l'indépendance, l'ensemble de la population ne perçoit plus l'urgence de la faire et se croit même déjà souveraine. Et le PQ contribue à entretenir cette illusion en présentant ses désirs pour la réalité en désignant nos institutions comme telles: Assemblée nationale, capitale nationale, fête nationale, etc. Pire encore: on accrédite l'actuel cadre constitutionnel - imposé par Ottawa et les autres provinces sans notre consentement - en l'occultant systématiquement du discours officiel. Quand ses propres représentants politiques collaborent avec un régime illégitime comme s'il ne l'était pas, comment peut-on blâmer le peuple d'être aussi veule et passif?