Les instituts de sondage ne s’étaient pas trompés en prédisant non seulement la victoire de la Ligue aux élections européennes en Italie, mais aussi le score que ce parti quasiment moribond en 2013 allait réaliser ce dimanche 26 mai. En remportant 34% de voix (après dépouillement de plus de 99% des bulletins), la Ligue est devenu le premier parti italien et le premier parti souverainiste en Europe. « C’est une victoire, nous sommes le premier parti d’Italie », s'est réjoui Matteo Salvini, immortalisé chez lui avec, en arrière-plan, ses icônes préférées trônant sur sa bibliothèque : un Christ orthodoxe, une photographie de Vladimir Poutine et le béret de Donald Trump durant sa campagne électorale « Make America great again ». Du côté du Mouvement 5 étoiles (M5S), en revanche, les drapeaux étaient en berne, le mouvement étant tombé à la moitié de son allié au gouvernement : 17%. « La majorité gouvernementale est stable et elle le restera », a néanmoins martelé son chef politique, Luigi Di Maio.
Et maintenant, que vont-ils faire ? Le parti démocrate, qui a le vent en poupe (23%), va certainement multiplier les embuscades. Tout comme Silvio Berlusoni (dont le parti, Forza Italia, n'a remporté que 7,5% des voix), qui demande déjà à Matteo Salvini de renoncer à son alliance avec le M5S au profit d’un nouvel accord avec le centre-droit afin de donner naissance à un nouveau gouvernement. Mais le grand manitou de la Ligue est suffisamment fin pour ne pas provoquer - du moins dans l’immédiat - une nouvelle crise institutionnelle en entamant une procédure de divorce avec son partenaire gouvernemental. Il va en revanche mettre le pied sur l’accélérateur et réclamer une mise au point, notamment sur les dossiers chauds comme la ligne à grande vitesse (LGV) Lyon-Turin, que le M5S a tenté de verrouiller pour répondre aux vœux de son électorat écologiste et aussi, la flat tax, l’une des grandes revendications des supporteurs de la Ligue, basés notamment dans le nord du pays.
Matteo Salvini va sans doute aussi tenter de gagner du poids au sein du gouvernement en réclamant un petit remaniement ministériel, histoire de caser quelques fidèles à des postes clefs qui lui avaient échappé en juin 2018 lors de la formation du gouvernement, puisqu'à l'époque, son parti avait remporté seulement 17% de consensus alors que le M5S avait effectué un score de 32%. Reste aussi la question du président du Conseil, l’avocat Giuseppe Conte. Un homme proche du M5S mais très éloigné de la Ligue et surtout, de Matteo Salvini qui ne l’apprécie guère. Dans le nouveau contexte politique, la position du numéro un du gouvernement italien devient extrêmement inconfortable, pour ne pas dire à risque. Mais changer de Premier ministre voudrait dire aller au clash avec le M5S, ce que Matteo Salvini ne veut pas. Du moins, pas encore, préférant attendre de voir ce qu’il va se passer du côté du centre-droit de l’échiquier avant de prendre une décision.
Sur le plan européen en revanche, Matteo Salvini n’aura pas une grande marge de manœuvre compte tenu des résultats insuffisants encaissés globalement par ses alliés. Il va donc devoir composer. Mais pour cet homme du nord qui ne s’est jamais véritablement projeté dans une dimension européenne durant toute sa campagne électorale, cela fait partie des faux problèmes. Pour le tout puissant patron de la Ligue, la campagne des élections européennes était un prétexte qui lui permettait de tâter le pouls de l’électorat italien. Cette tournée était en réalité un référendum sur sa personne, sur ses idées, ses propositions, et il a gagné. Les Italiens qui ont voté pour lui savaient qu’ils ne devaient pas se prononcer sur l’Europe mais sur leur ministre de l’Intérieur. Et ils l’ont fait.