Les sept députés démissionnaires du Bloc québécois ont non seulement coupé les ponts avec Martine Ouellet, ils claquent aussi maintenant la porte pour de bon à leur ancien parti pour en fonder un nouveau.
La mission de cette nouvelle formation sera celle de défendre les intérêts du Québec avant tout. Les élus ne s’entendent toutefois pas sur la question de savoir si elle sera indépendantiste ou si elle accueillera aussi dans ses rangs des fédéralistes soucieux du Québec.
Louis Plamondon avait le visage long, lundi, en annonçant son départ définitif du parti qu’il a aidé à fonder il y a près de 30 ans. « C’est sûr que j’ai un peu de nostalgie. Parce que le Bloc, je le disais souvent, c’était tatoué sur mon coeur », a-t-il illustré, accompagné de ses six collègues qui ont quitté comme lui le caucus bloquiste fin février.
« Dans l’état actuel des choses, le Bloc est désincarné », a-t-il toutefois estimé. « Je pense qu’il n’existe plus, ni dans la tête des citoyens, ni dans la tête des membres. »
Rhéal Fortin était tout aussi catastrophiste. « Le Bloc québécois que vous avez connu et auquel nous avons adhéré et consacré tant d’énergie n’existe plus. »
Indépendantiste ou pas ?
Les démissionnaires sillonneront donc le Québec pour faire une consultation sur la création d’un nouveau parti politique.
S’ils étaient tous d’avis que leur nouvelle formation reprendrait le flambeau qu’ils jugent que le Bloc québécois a délaissé — la défense des intérêts du Québec à Ottawa —, les anciens bloquistes n’étaient en revanche pas au diapason quant à l’identité indépendantiste de leur futur parti.
« On est ouverts. On invite tout le monde : les bloquistes comme les membres du NPD, du Parti libéral, du Parti conservateur. Peu importe », a indiqué M. Fortin.
Son parti exigerait-il une profession de foi souverainiste de ses recrues ?
« Nous sommes sept indépendantistes. S’il y a des collègues qui ne sont pas indépendantistes mais qui disent : “On vous appuie et on veut travailler avec vous”, soyez assurés qu’on va s’asseoir avec eux, qu’on va se parler et qu’on va trouver une façon de fonctionner. »
Son collègue Michel Boudrias n’était cependant pas du tout du même avis. Invité à préciser à son tour si leur parti accepterait des fédéralistes dans ses rangs, il a été tranchant. « Non. Et c’est un non catégorique. »
Les intérêts du Québec
Les ex-bloquistes ont indiqué que le Bloc québécois ne défendait plus adéquatement le Québec à Ottawa, trop occupé à parler de promotion de la souveraineté sur toutes les tribunes sous la gouverne de Martine Ouellet. Ils ont notamment déploré que la proposition de plateforme électorale de la chef présente la constitution théorique d’un Québec souverain.
« C’est rendu un parti qui siège au Parlement, qui s’immisce dans des débats de l’Assemblée nationale », a dit Gabriel Ste-Marie.
Marilène Gill — l’une des deux élus restés fidèles à Martine Ouellet — a plutôt répliqué que « le Bloc n’a pas changé » et que tout député devait avoir « l’humilité » de se rallier aux orientations souhaitées par les membres.
L’élection de 2019
Le futur parti des démissionnaires n’a pas encore de nom ni de chef. Mais les élus assurent qu’ils seront prêts pour l’élection de 2019. Peut-être même pour l’élection partielle que doit déclencher Justin Trudeau à Chicoutimi-Le Fjord prochainement.
En 2014, le bloquiste Jean-François Fortin avait quitté le parti sous la chefferie de Mario Beaulieu pour en créer un nouveau, Forces et Démocratie.
La formation avait recueilli 8274 votes en 2015 (dont la moitié récoltés par M. Fortin lui-même). M. Fortin avait vu ses appuis dans Haute-Gaspésie–La Mitis–Matane–Matapédia s’effondrer en 2015, à 11,6 % par rapport à 36,1 % lorsqu’il avait été élu sous la bannière du Bloc en 2011.
D’autres quittent Martine Ouellet
Les départs se sont par ailleurs poursuivis dans l’équipe bloquiste. La permanence du parti a perdu son directeur général, Paul Labonne, et son responsable des finances, Sylvain Gauthier.
Ces démissions s’ajoutent à celle de la vice-présidente de l’exécutif du Bloc, Kédina Fleury-Samson, qui confirmait son départ au Devoir lundi.
Selon nos informations, M. Labonne s’opposait, comme Mme Fleury-Samson, à ce que les instances du parti participent au référendum de Mme Ouellet sur le mandat du Bloc et sa chefferie — ce qu’a appuyé le conseil général dimanche. Le président du parti et député, Mario Beaulieu, réfléchit toujours de son côté à son avenir au sein du Bloc.
L’ancien premier ministre Bernard Landry a en outre lui aussi retiré sa confiance à Martine Ouellet lundi. Les désaveux de Gilles Duceppe et de Mario Beaulieu à l’endroit de la chef l’ont convaincu.