Le contrat des compteurs d'eau à Montréal est le parfait exemple du détournement de vocation d'un service public au profit d'un groupe privé, le consortium GÉNIeau, formé par la firme d'ingénierie Dessau-Soprin et l'entreprise Simard-Beaudry, propriété de l'homme d'affaires au bras long Tony Accurso.
L'idée de confier la distribution de l'eau potable à l'entreprise privée ne date pas d'hier. Déjà, en 1996, le maire Pierre Bourque, chef du parti Vision Montréal que dirige aujourd'hui le tandem Harel-Labonté, avait envisagé de confier cette responsabilité au privé. À cette époque, plusieurs groupes, dont Le Devoir, avaient mis le maire en garde contre les dangers d'abandonner un service aussi essentiel à des intérêts privés: risque financier pour les contribuables, risque de perte d'expertise pour la Ville et même risque de corruption comme c'était le cas en Europe.
À l'arrivée de l'équipe Tremblay-Zampino, rien n'avait été fait pour régler les problèmes de vétusté du réseau d'aqueduc. C'est pourquoi l'ambitieux programme de modernisation du réseau d'aqueduc financé à même une taxe spécifique a été assez bien accueilli.
Initialement, le projet des compteurs d'eau devait coûter une cinquantaine de millions. Mais voilà qu'en cours de préparation, l'opération a déraillé. Au volet initial, la firme d'experts PBR embauchée par la Ville pour la conseiller lui a proposé d'ajouter un second volet très sophistiqué de contrôle en temps réel au coût de centaines de millions supplémentaires. Les autorités ont été informées du changement, mais aucune évaluation d'un tel système n'a été effectuée. Or compte tenu des coûts, l'argent aurait dû servir en priorité au remplacement de la tuyauterie qui fuyait de partout, souligne le vérificateur.
Sur le plan légal, jamais le contentieux de la Ville n'a eu son mot à dire sur le contenu du contrat, dont la rédaction avait aussi été confiée à un cabinet externe, Dunton Rainville, dont on a appris plus tard qu'il partageait une loge du Centre Bell avec Dessau.
Subrepticement, l'administration Tremblay-Zampino venait d'abandonner le contrôle de la distribution de l'eau à l'entreprise privée, qui s'est servie à deux mains.
Sur le plan financier, le vérificateur dénonce le fait que la Ville exigeait des candidats qu'ils financent eux-mêmes le projet lors de l'appel de qualification initial, éliminant du coup des joueurs de plus petite taille. Pourtant, au moment de signer le contrat, la Ville a accepté de prendre le financement à sa charge, ce qui aurait dû conduire à un nouvel appel de qualification.
Quant à la présence de Frank Zampino sur le bateau de Tony Accurso en janvier 2007, le vérificateur n'en parle pas, mais il précise avoir informé la Sûreté du Québec de rencontres pour le moins inopportunes qui auraient pu avoir lieu pendant le processus d'appel d'offres.
Le dernier rapport du vérificateur général est si accablant qu'il est impossible pour un esprit libre de croire que tout cela ait pu se produire sans la complicité d'individus en haut lieu. C'est pourquoi l'entrée en scène de la Sûreté du Québec est importante. Malheureusement, les enquêtes de la SQ ne changeront rien à l'état lamentable dans lequel se retrouve aujourd'hui l'administration montréalaise.
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j-rsansfacon@ledevoir.com
Incompétence ou fraude ?
Le dernier rapport du vérificateur général est si accablant qu'il est impossible pour un esprit libre de croire que tout cela ait pu se produire sans la complicité d'individus en haut lieu. C'est pourquoi l'entrée en scène de la Sûreté du Québec est importante.
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