Il s'en est décortiqué du tuyau, hier, à l'hôtel de ville! Du cinq huitièmes de pouce, des grosses conduites, des petits tuyaux, des compteurs, des chambres quatre pouces, des vannes de régulation, des débitmètres. Grosse journée plomberie. Du détail en masse.
Le volet gouvernance? Expédié en quatre minutes. Fini le décorticage et le fignolage: c'est un bon projet, merci, bonsoir. Il a fallu l'acharnement du chef de l'opposition, Benoit Labonté, pour que les délicates questions de conflits d'intérêts soient abordées de front.
Pour tenter de dissiper les rumeurs de scandale qui le hantent depuis quelques semaines, le maire de Montréal, Gérald Tremblay, a convoqué, hier, une séance extraordinaire du conseil municipal qui a débuté à 9h et qui s'est étirée jusqu'à 16h. La journée s'est terminée par un point de presse du maire. À la fin, il a quitté la salle les joues rouges, le menton tremblant, les nerfs à vif.
Le contrat des compteurs d'eau, le plus gros de l'histoire de la Ville, donne des maux de tête au maire. L'entêtante odeur de scandale lui colle à la peau. Il le sait.
Que retenir de cette journée où l'opposition a bombardé de questions quatre hauts fonctionnaires et deux patrons de BPR, la firme d'ingénieurs qui épaule la Ville dans ce contrat de 356 millions? De la confusion, beaucoup de confusion. Des chiffres, trop de chiffres. Des questions sans réponse, beaucoup de questions sans réponse. Trop.
Commençons par l'apparence de conflits d'intérêts. Les médias ont longuement parlé de Frank Zampino, ex-président du comité exécutif de la Ville, qui s'est baladé sur le yacht de Tony Accurso, propriétaire d'une des firmes du consortium GÉNIeau qui a raflé le contrat des compteurs d'eau. Frank Zampino qui a été embauché par la deuxième firme qui forme GÉNIeau six mois après son départ de la vie politique.
Tricoté serré.
On a moins écrit sur Yves Provost, directeur général adjoint responsable de l'eau à la Ville. Aujourd'hui, il travaille pour BPR. Le 21 novembre 2007, le comité exécutif a accordé le contrat au consortium GÉNIeau. Deux jours plus tard, M. Provost avertissait ses patrons qu'il prenait sa retraite et discutait avec... BPR.
M. Provost a fait partie du comité de sélection qui a choisi GÉNIeau. Et BPR a brassé des affaires avec Dessau... une des firmes qui forment GÉNIeau.
Tricoté serré.
Et que dire de Robert Abdallah, ex-directeur général de la Ville? Depuis novembre 2008, il dirige une filiale de Simard-Beaudry... qui fait partie du consortium GÉNIeau. Le propriétaire? Tony Accurso, l'homme au yacht.
Tricoté serré, serré.
L'opposition a posé des questions. Les réponses ont été laconiques. Apparence de conflit d'intérêts, a prévenu Gérald Tremblay qui jure que tout a été fait selon les règles de l'art.
Parlons de coûts maintenant: 356 millions. Sauf que ce chiffre exclut des «dépenses incidentes en accompagnement du projet» payées par la Ville. Coût: 67 millions.
Nouveau total: 423 millions.
À ce chiffre, il faut ajouter les subventions que la Ville va verser aux commerces, institutions et industries pour les aider à installer les compteurs. Facture: 90 millions.
Re-nouveau total: 513 millions.
Et l'inflation, car le projet s'étale sur 25 ans: 85 millions.
Re-re-nouveau total: 598 millions.
- Puis-je avoir le document qui parle des coûts reliés à l'inflation? a demandé Benoit Labonté.
- Je vais vous le fournir si je le trouve, a répondu un haut fonctionnaire, Louis Provencher.
Le dossier au grand complet va atterrir sur le bureau du vérificateur de la Ville qui aura sept semaines pour démêler tout ça. Il est déjà très occupé avec la SHDM, un autre scandale qui a éclaboussé le maire cet automne et sur lequel il planche depuis cinq mois. Et c'est drôlement moins complexe que les compteurs.
Il devra aussi s'occuper de la fameuse ligne téléphonique de dénonciation annoncée en grande pompe par le maire. Comme le disait ironiquement Benoit Labonté: le bureau du vérificateur est plus occupé que celui du maire.
Le vérificateur, Michel Doyon, prend sa retraite le 2 juin. Son successeur va donc hériter des compteurs d'eau. Il aura deux semaines pour boucler l'enquête et apposer sa signature sur un rapport qui pourrait ébranler la crédibilité de l'administration Tremblay.
Pourquoi le 18 juin? Pourquoi sept minuscules semaines pour une enquête aussi complexe? Pourquoi cette urgence? Pourquoi pas en septembre? Parce qu'il ne restera que deux mois avant les élections?
Peut-être. Ça fait beaucoup de questions sans réponse. Trop.
Pour joindre notre chroniqueuse: michele.ouimet@lapresse.ca
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