COUILLARD ET L’IMMIGRATION

Imprudence dogmatique

La sortie de Philippe Couillard de dimanche sur la nécessité de hausser tout de suite les seuils d’immigration était prématurée et dogmatique. Il devrait la corriger.

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Quelle euphémisme pour parler d'une aberration économique

La sortie de Philippe Couillard de dimanche sur la nécessité de hausser tout de suite les seuils d’immigration était prématurée et dogmatique. Il devrait la corriger.
« Nous n’avons pas à faire le choix de l’immigration. C’est une évidence, une obligation », a martelé Philippe Couillard devant ses militants réunis en congrès, en fin de semaine. La formule a quelque chose de dogmatique, voire d’antidémocratique. Espérons que les mots ont dépassé la pensée du premier ministre en ce début d’été favorable à son gouvernement. Car une démocratie, selon la belle formule du philosophe français Cornélius Castoriadis, est une « société qui préserve et accueille l’indétermination ». Foin d’évidence dans celle-ci. Tous les choix doivent pouvoir être mis et remis en question.

Du reste, la formule du premier ministre n’est sans doute pas innocente. « Un dialogue avec la société m’apparaît requis avant de prendre des décisions qui pourraient fragiliser encore davantage le français au Québec », écrivait légitimement Pierre Karl Péladeau sur sa page Facebook, lundi. Or, sur la question de l’immigration, M. Couillard nous fait comprendre qu’il n’y a pas de dialogue possible. Toutes les personnes qui oseront poser des questions, formuler des objections, proposer des choix autres que ses prétendues « évidences » seront dépeintes comme des êtres étroits d’esprit, voire tentés par le racisme. Ruse rhétorique perverse doublée d’un sentiment de supériorité (« Je connais le monde moi, Monsieur, j’ai travaillé à l’étranger ! »).

Il y a pourtant mille et une manières de « faire le choix de l’immigration », au Québec : elles ont pour nom Jacques Couture, Gérald Godin, Monique Gagnon-Tremblay, etc. Or, M. Couillard a voulu nous faire comprendre dimanche qu’il n’y en a qu’une et une seule : hausser les seuils, accueillir toujours plus de nouveaux arrivants, tout de suite. Avant même la publication d’une nouvelle politique d’immigration ; avant même le plan d’action promis par sa ministre ; avant même la nouvelle loi sur l’immigration ; avant même la consultation annuelle sur les seuils d’immigration.

Or, déjà, le Québec, proportionnellement, accueille plus d’immigrants que des pays comme les États-Unis et la France. Et dans cette situation ultra-exigeante et pour les immigrants et pour la société d’accueil, quelle fut la manière du gouvernement Couillard dans les faits — non pas dans le discours ? Des compressions ! Beaucoup de compressions. Dans les ressources pour l’accueil aux immigrants, dans les classes de francisation. Le budget du ministère a été réduit. Québec a reçu 340 568 000 $ du fédéral pour l’intégration des nouveaux arrivants. Où sont-ils ? « Disparus dans le fonds consolidé », selon ce que déplore depuis des années Stephan Reichhold, de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes. « Dans ce contexte-là, c’est effectivement un peu risqué d’augmenter de beaucoup les niveaux d’intégration », a-t-il confié en entrevue au Devoir lundi. C’est sans compter, comme le notait la Coalition avenir Québec lundi, que le taux de chômage des nouveaux arrivants s’établit à 17 % chez les immigrants arrivés dans les cinq dernières années.

La conclusion de M. Couillard semble aussi découler d’un simple préjugé économico-démographique. Des chercheurs, Benoît Dubreuil et Guillaume Marois, ont, dans un livre étoffé, Le remède imaginaire (Boréal), critiqué la thèse selon laquelle le Québec, aux prises avec un vieillissement et une pénurie de main-d’oeuvre, n’aurait « pas le choix » d’augmenter les seuils d’immigration. N’y a-t-il pas là une raison de douter ou, au moins, de dialoguer ?


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