Le premier ministre François Legault proteste contre le refus d’Ottawa de permettre au Québec de fixer ses propres critères de sélection des résidents permanents.
« Si M. Trudeau nous empêche d’arriver à cet objectif [de mieux répondre aux besoins de main-d’oeuvre et de créer des tests de connaissance du français et des valeurs québécoises], il va payer un prix politique », a averti M. Legault à quelque huit mois des prochaines élections fédérales.
Par médias interposés, il a pris soin de rappeler à son homologue fédéral, Justin Trudeau, le « mandat fort » de revoir le système d’immigration que lui a confié la population québécoise le 1er octobre dernier. « On a l’appui des Québécois », a-t-il insisté en marge d’une annonce à Beauceville vendredi. « [M. Trudeau] ne devrait pas être surpris de la demande qui a été faite hier. […] C’était dans notre programme électoral et on a eu une belle victoire, solide », a-t-il ajouté.
Le projet de loi no 9 accorde de nouveaux pouvoirs au ministre québécois de l’Immigration, notamment celui de déterminer les « conditions qui affectent la résidence permanente », qui est octroyée par Ottawa aux ressortissants étrangers établis au Québec, et ce, pour assurer « la satisfaction des besoins régionaux ou sectoriels de main-d’oeuvre » ou encore « l’intégration linguistique, sociale ou économique » du nouvel arrivant.
À Ottawa, le ministre des Affaires intergouvernementales, Dominic Leblanc, a balayé du revers de la main la demande du gouvernement québécois de fixer ses propres conditions à la délivrance, au maintien ou au retrait du statut de résident permanent canadien de tout nouvel arrivant sur le territoire québécois. « Plus d’analyses sur le projet de loi no 9 sont nécessaires, mais de prime abord, nous ne sommes pas favorables à la réintroduction de la résidence permanente conditionnelle », a-t-il indiqué moins de 24 heures après le dépôt du projet de loi no 9 à l’Assemblée nationale. « Ce n’est pas un non. Ici, c’est une invitation à discuter, puis à travailler ensemble », a dit de son côté le ministre fédéral de la Famille, Jean-Yves Duclos.
Le chef parlementaire du Parti québécois, Pascal Bérubé, se désole de cette deuxième rebuffade infligée par Ottawa au Québec en une semaine : non à une déclaration de revenus unique traitée par le Québec, non à davantage de pouvoir en matière d’immigration. « On propose au gouvernement de la CAQ un projet emballant qui mettra fin à ces refus : l’indépendance du Québec », a lancé la députée de Joliette, Véronique Hivon.
L’élection d’un gouvernement « nationaliste », « autonomiste », se traduira nécessairement par des « gains » pour le Québec face à Ottawa, a réitéré M. Legault vendredi. Quels sont les gains réalisés depuis la prise de pouvoir de la CAQ ? lui a-t-on demandé. « Je viens d’arriver », a rétorqué le premier ministre, avant d’ajouter : « Je pense qu’on a obtenu de l’argent sur un certain nombre de dossiers du gouvernement fédéral… »
M. Legault a demandé vendredi à tous les partis politiques de serrer les rangs afin de « protéger l’autonomie du Québec ». À ses yeux, la demande faite à Ottawa de « ravoir le pouvoir de fixer des conditions dans le choix des nouveaux arrivants, ce qui avait été obtenu par Robert Bourassa en 1993, [mais] laissé par [Philippe] Couillard et Kathleen Weil il y a quelques années », devrait faire l’objet d’« un consensus » à l’Assemblée nationale.
Même s’il n’appuie pas la réforme du système d’immigration proposée par le gouvernement caquiste, l’élu de Québec solidaire Andrés Fontecilla revendique « tous les pouvoirs au Québec en immigration comme dans tous les domaines ». « Le projet de loi de la CAQ semble traiter les humains comme de la marchandise et jette à la poubelle 18 000 dossiers, qui représentent 60 000 personnes, 60 000 projets de vie ruinés, dont un certain nombre vivant déjà au Québec depuis quelques années », a-t-il déploré.
Contestation judiciaire ?
M. Legault a soutenu vendredi que l’annulation des 18 000 demandes en attente au ministère de l’Immigration, qui est prévue dans le projet de loi no 9, est légale. L’auteur du projet de loi, « Simon Jolin-Barrette, est lui-même un avocat », a-t-il fait remarquer. « Je n’ai pas d’inquiétudes. »
De leur côté, des avocats spécialisés en immigration « évalu[ent] les recours » juridiques des quelque 50 000 personnes dont la demande d’immigration serait annulée au lendemain d’une éventuelle adoption du projet de loi no 9.