Depuis son dévoilement le projet de charte des valeurs québécoises occupe une grande partie des discussions quelque soit le lieu où l’on se trouve et je ne sais pas si c’est par précipitation fondée sur des appréciations dépassées ou par fausse candeur, mais il y a des experts du verbe qui se comptent parmi d’éminents sociologues, philosophes, politologues et autres spécialistes de la société qui refusent d’admettre des faits tangibles qui n’échappent point au citoyen lambda et cela n’aide en rien ni à la sérénité des débats ni à l’apaisement des esprits.
Ça pourrait passer comme un couteau dans le beurre quant il s’agit de politiciens, de militants, d’activistes, etc. mais quant c’est le fait d’intellectuels il y a des questions d'éthique qui se posent d'elles-mêmes. Je tiens à souligner que le propos qui suit n’est pas pour les inventorier mais d’ajouter à la polémique discussion un chemin critique entre les deux problématiques qui se font face.
Nous savons que deux visions, deux conceptions se font face. Celle du ''contre'' et celle du ''pour''. Du côté du groupe des ‘’contres’’ les concepts qui reviennent le plus souvent sont : racisme, xénophobie, exclusion, islamophobie, stigmatisation, congédiement, chômage, départ, etc. Du côté des ‘’pours’’ : adaptation, intégration, tolérance, inclusion, vivre ensemble, respect, solidarité, partage, etc.
Comme observateur et sur la base de mon expérience aussi bien en Algérie qu’en Europe, je trouve que les enjeux des uns et des autres configurent une confrontation entre la régression et le progrès. Bien entendu, des voix diront : Nous ne sommes ni en Algérie, ni en Europe. Je maintiens qu’il s’agit d’enjeux porteurs de la suprématie d’une idéologie qui use de la religion à des fins politiques, même dans le plus petit espace possible, contre ceux qui veulent poursuivre l'édification d'un État moderne tout en parachevant un projet de société inclusive, juste et équitable.
Je vois le microcosme communautariste porté par une minorité qui privilégie la suprématie de l'homme sur la femme contre celui de l'égalité entre les hommes et les femmes. Je vois le projet de société d'un petit groupe d'extrémistes qui décline la confusion sociale contre celui de la cohésion sociale. Je vois un projet reflétant des enjeux qui légaliseraient des exceptions et menaceraient l’édifice législatif par l’enchâssement de fondements arbitraires et leurs iniquités.
Selon certains – politiquement correctes - encore dans la zone de l'indécision - il faut mettre de l’avant la sécurité avant tout autre considération. Je suis en accord, en partie, avec cette affirmation. Mais je me demande, de quelle sécurité s’agit-il ? Celle des biens meubles et immeubles ? Les assurances sont faites pour compenser en tant que de besoin. Celles des frontières ? Les États-Uniens s’en occupent convenablement. Celle de l’intégrité physique et de l’intégrité morale des individus ? La justice et la police font le nécessaire pour que nous circulions, nous dormions et nous vaquions à nos occupations en paix. Toutes ? Nous n’en sommes pas là soutiennent les partisans du ‘'contre’’.
Quant à celles et à ceux, y compris, parmi les politiciens les plus avisés, qui crient au ‘’lèse majesté’’ en ce qui à trait à l'employabilité de quelques centaines de femmes qui portent le hijab et à qui on imposerait de l'enlever à leur poste de travail dans les institutions publiques, je suggère de prendre exemple sur ce qui s'est fait dans les pays où l'Islamisme a sévi ? L'Algérie, par exemple, j'ai été un des témoins privilégiés de la gestion du maintien en emploi ou du reclassement, entre autres, par la compagnie aérienne - Air Algérie - de ses hôtesses de l'air et d'accueil.
Elles provenaient presque toutes des quartiers périphériques de l'aéroport sous influence islamiste. Une grande partie, d'entre elles, avaient refusé d'abandonner leur emploi. Elles ont bravé avec un courage extraordinaire la menace du FIS* et des GIA**. Elles quittaient leurs domiciles avec le hijab sur leurs têtes et une fois rendues sur leurs lieux de travail elles l'enlevaient ; au retour elles le portaient de nouveau jusqu’à leurs domiciles. Bien d'autres travailleuses en firent de même. La quasi-totalité continue à le faire sans pour autant que cela ne nuise à leur foi. Serions-nous, au Québec, plus enclins à accepter ce qui est banni dans un pays musulman ?
Qu'est ce qui est tangible ?
1) Revenons à cette caractéristique dite ''sécuritaire'' bien que je lui préfère celle de la ‘’sureté’. Les partisans de la laïcité ouverte et un grand nombre de politiciens, de faiseurs d'opinions et de citoyens ne ménagent aucun répit pour orienter le débat sur cet aspect et ainsi occulter le fond du débat c'est-à-dire ‘’La laïcité’’. Or, par manque de clairvoyance ils pensent ainsi gagner quelques centaines de voix, celles des femmes en hijab et des partisans du multiculturalisme ghettoïsant. Ils sont convaincus de faire mal aux souverainistes.
2) L’autre partie, la plus essentielle de cette problématique, est bel et bien idéologique, y compris, dans son spectre ‘’sécuritaire’’ et ne veut l'ignorer que celui qui se met des œillères. Tout le monde sait que cette charte ne cible pas en particulier le voile, le hijab ou les musulmans mais tous les signes ostentatoires à caractère religieux qui influent sur les perceptions des uns, les sensations des autres ou encore les impressions trompeuses de quelques-uns avec des conséquences qui pourraient être fâcheuses sur l’ensemble de la société.
''Les contres'', toutes obédiences confondues, ont choisi de mettre le focus sur le hijab et la communauté musulmane, expliquant qu'une minorité serait stigmatisée … À partir de cet énoncé commence le manque de discernement de certains intellectuels victimes eux aussi de ce que je qualifie d’ostracisme de la pensée.
Depuis 2007, c'est au prétexte d'un symbole idéologique plus que religieux que la société Québécoise croit être divisée ... mais au fond il n'y a point de divergence sur le contenu de cette charte mais bel et bien un vrai consensus.
Et, s'il y a divergence, elle concerne dans le meilleur des cas, quelques centaines d'individus qui n'ont pas trouvé leur place dans leur société de provenance. Ils ne la trouvent pas dans celles qui les ont reçues. Ils ont refusé les lois de leurs pays d’origine. Ils refusent aussi celles de leur pays d’accueil.
*FIS : Front Islamique du Salut
*GIA : Groupes Islamiques Armés
Charte des valeurs québécoises
ils refusent les lois du pays ...
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Ferid Chikhi67 articles
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Algéro-Canadien, Ferid Chikhi vit au Québec depuis 2001. Conférencier et formateur, il est membre de plusieurs groupes et collectifs d’études. Contributeur de presse il est auteur d'articles, de réflexions et d'analyses tant politiques qu’économiques. Il a publié divers textes sur les problématiques d’accueil et d’intégration des immigrants au Québec. Ferid est membre du Conseil d'administration des IPSOs ; membre fondateur de l'Association des Nord-Africains pour la Laicité (AQNAL) ; membre du Groupe d'Études et de Réflexions Méditerranée Amérique du Nord (GERMAN) et l'animateur du site www.convergencesplurielles.com
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9 commentaires
Archives de Vigile Répondre
15 octobre 2013« Et, s’il y a divergence, elle concerne dans le meilleur des cas, quelques centaines d’individus qui n’ont pas trouvé leur place dans leur société de provenance. Ils ne la trouvent pas dans celles qui les ont reçues. Ils ont refusé les lois de leurs pays d’origine. Ils refusent aussi celles de leur pays d’accueil. » FC
Une centaine d'individus, c'est peu dire.
Voici la réalité montréalaise. Qui a été transmise au ministre du guide, qu'il appelle charte, Bernard Drainville.
Il y a deux semaines, un étudiant me racontait qu'il se dirigeait vers la bibliothèque d'Ahuntsic à Montréal, un lundi 14:30 hrs, dans le bus 180 de la STM.
À l'intersection de l'Acadie et Salaberry, il a compté 9 femmes à bord, dont 6 portaient le hijab islamiste. Ça, c'est 66 pourcent. Pas le 2 pourcent que l'on rapporte dans les journaux.
Son questionnement...
Pourquoi le ministère de l'immigration du Québec accorde-t-il la résidence à des musulmans d'origine arabe qui rejettent l'intégration aux valeurs culturelles et laïques de la société québécoise ?...
Au lieu, procéder comme les pays scandinaves. Qui, après avoir constaté le rejet de l'intégration, fixent un délai pour leur retour dans leur pays d'origine.
Le problème... Le Canada est un pays de l'occident petit, qui accorde aux immigrants les mêmes droits de liberté et de la personne, que les Canadiens et Québécois de naissance.
Contrairement à tous ses partenaires membres de l'ONU, tel que les pays scandinaves, la Russie, le Japon, la Chine et l'Inde, qui exigent une preuve d'intégration avant d'accorder ces droits et la résidence.
Que faire, maintenant ?...
SP
Jean-François-le-Québécois Répondre
10 octobre 2013@ Ferid Chikhi:
"Serions-nous, au Québec, plus enclins à accepter ce qui est banni dans un pays musulman ?"
Je serais porté à croire que oui, car comme la manière (ou les manières, car on parle de différents pays) dont les gens vivent dans les sociétés musulmanes sont ici assez mal connues, trop d'intellectuels auto-proclamés croient TOUT ce que disent les intégristes. Et sont prêts à percevoir TOUTES leurs demandes comme légitimes, sans se demander ce qu'il en serait dans les pays d'origine de certains nouveaux arrivants.
Comme si partout dans le monde musulman, les employés d'une entreprise arrêtaient cinq fois par jour leur travail pour prier!
Garcin Francine Répondre
9 octobre 2013Oui ! Moi aussi j'espère que M. Parizeau lira cette réflexion ça lui permettra de revenir sur terre.
Votre apport est celui d'un homme d'expérience qui sait de quoi il parle.
Vos propos sont limpides et nous avisent de la tournure que peuvent prendre les choses si nous ne faisons pas ce qu'il faut en temps voulu.
Je rejoins Mme Richard lorsqu'elle dit que vous êtes de ceux qui doivent être entendus lors de colloques et de conférences sur la charte qui réveille ceux et celles qui la veulent ouverte pour quelques votes.
Merci !
Francine Garcin
Andréa Richard
Archives de Vigile Répondre
8 octobre 2013Excellent texte!
Merci !
Andréa Richard Répondre
7 octobre 2013MERCI M.CHIKHI.
Votre réflexion, venant d'un homme qui a connu le régime de l'Islamiste, qui sait de quoi il parle, et l'exprime avec intelligence, est fort appréciée. Je souhaite que vous soyez entendu, publié, et invité dans les colloques.
Andréa Richard
Lise Reid Répondre
7 octobre 2013J'espère que Jacques Parizeau lira ce texte,il a bien besoin
qu'on éclaire sa lanterne,lui et d'autres de même acabit.
Archives de Vigile Répondre
6 octobre 2013RDI. La mobilisation contre la charte des valeurs québécoises continue devant l'Assemblée nationale, les manifestants étaient plus de cinq cents.
Cinquante ne serait pas exagéré.
La charte des valeurs, entre division et inclusion
Manifestation contre la Charte des valeurs à Québec
http://www.radio-canada.ca/regions/quebec/2013/10/06/003-charte-valeurs-quebecoises-manifestation-assemblee-nationale-dimanche.shtml
Archives de Vigile Répondre
6 octobre 2013Excellent article.
Merci, Monsieur.
Archives de Vigile Répondre
6 octobre 2013Excellent texte.
Il est désolant que nos grands penseurs ignorent dans leur analyse de la situation les témoignages de personnes, comme vous, qui ont vécu sous l'emprise de l'Islam politique.
Ce faisant, ils expriment sans doute leur conviction que l'Islam politique n'est pas à l'oeuvre au Québec, et ne présente aucune chance de se développer ici.
Quand une organisation vise à gérer dans le menu détail la vie de chaque citoyen, cela commence à ressembler à un mouvement politique. En ce sens, l'islam n'est pas qu'une religion. C'est également un mouvement politique.
Comme il est interdit aux employés de l'état d'afficher leur conviction politique, le voile n'y a donc pas sa place.