Le sondage Léger Marketing de mardi dernier, dans le Journal de Montréal, a lancé une petite bombe dans le paysage politique québécois. Pour la première fois depuis deux ans, le Parti libéral de Jean Charest prendrait les devants dans les intentions de vote et devancerait le Parti québécois de quatre points, 37 % contre 33 %. Toutefois, un sondage de CROP, le lendemain dans La Presse, désamorçait l'engin explosif et affirmait qu'avec 35 % des appuis, c'étaient plutôt les péquistes qui étaient en avance de trois points sur les libéraux.
Au-delà des écarts entre ces résultats, qui peuvent s'expliquer par la période où ont été réalisés ces sondages, par leur méthodologie et par l'imprécision propre au monde statistique, les tendances observées par les deux enquêtes sont les mêmes. Les libéraux reprennent du poil de la bête, les péquistes sont très fragiles tandis que l'ADQ, à 16-17 %, n'est tout simplement pas dans le coup.
Et la conclusion que l'on peut en tirer est la même. À court terme, Jean Charest et son équipe peuvent partir en vacances l'âme en paix. À plus long terme, ce sont certainement les libéraux qui sont les mieux placés pour remporter les prochaines élections. Même si le PLQ, selon CROP, est toujours derrière le PQ, que le gouvernement souffre toujours d'impopularité chronique, avec un taux d'insatisfaction de 64 %, et qu'il semble condamné à gouverner dans la controverse et l'adversité.
Tout d'abord, parce que la remontée des libéraux, observable dans les deux sondages, n'est pas une anomalie statistique. Elle repose plutôt sur une réalité objective. Les sondages sont meilleurs pour les libéraux parce que les libéraux vont mieux et que, pour une fois, ils récoltent ce qu'ils ont semé.
Cette première moitié de l'année 2006 a été excellente pour les libéraux. Le gouvernement Charest profite certainement des espoirs que suscite la victoire conservatrice à Ottawa. Mais il peut également profiter de ses réalisations: un budget, avec le Fonds des générations, fort bien reçu, une politique énergétique audacieuse et équilibrée, le règlement sans crise des conventions collectives des employés de l'État, l'équité salariale, une politique sur les changements climatiques. Il ne s'agit pas là que de bons coups médiatiques. Ces politiques montrent que le gouvernement Charest a trouvé un rythme de croisière, qu'il a une direction et qu'il est en maîtrise de ses dossiers.
Méfions-nous aussi de l'espèce de bulle d'impopularité qui entoure le gouvernement Charest. Elle s'explique beaucoup par le bruit médiatique, la grande visibilité des opposants et la place énorme réservée aux dossiers impopulaires, comme Orford. Cela donne l'impression que les libéraux font face à un mouvement d'opposition massif et généralisé. Dans les faits, la dernière grande manifestation d'opposition au projet du mont Orford, à Québec, n'a attiré que 200 personnes, et encore en ramassant les amis du Zoo de Québec et les opposants au projet de port méthanier Rabaska.
Ensuite, parce que la fragilité du Parti québécois tient à des causes profondes. André Boisclair a rapidement perdu tout le capital de sympathie dont il disposait au moment de sa victoire et il est incapable de profiter de l'impopularité du gouvernement. On explique souvent cela par le style et la personnalité du chef péquiste. Mais les problèmes du PQ sont systémiques, et beaucoup plus difficiles à résoudre.
M. Boisclair a hérité d'un parti très mal en point, qui ne s'est pas encore remis de sa défaite cuisante de 2003, qui n'en a pas tiré les leçons. Le PQ a mis tous ses oeufs dans un projet de souveraineté qui semblait à portée de la main. Il est maintenant prisonnier d'un engagement à tenir rapidement, un référendum qui le condamne à l'échec. Pour le reste, le parti n'a pas de projet, sinon un programme dogmatique, tant et si bien qu'on n'a aucune espèce d'idée de quoi pourrait avoir l'air un gouvernement péquiste. La côte à remonter est donc longue.
Enfin, la popularité d'un parti et de son chef est un indicateur utile, mais parfois trompeur. Jean Charest n'a pas la cote, avec une performance qui ne satisfait que 35 % des répondants, selon Léger Marketing, derrière André Boisclair, qui recueille 43 %, et derrière Mario Dumont, et ses 46 %. Mais justement. On voit bien que les Québécois sont très satisfaits de Mario Dumont sans avoir la moindre intention de voter pour lui.
De la même façon, des électeurs peuvent ne pas avoir d'atomes crochus avec Jean Charest et vouloir qu'il reste au pouvoir, parce qu'ils le préfèrent à ses adversaires. Robert Bourassa est un bel exemple d'un politicien mal aimé, moins populaire que son parti. Car en politique, il n'y a pas que l'amour.
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