Pauvre Jean Charest. Comme si ses affaires n'allaient pas assez mal, voilà qu'un des seuls éléments positifs de ses trois premières années au pouvoir vient de prendre une volée de plombs dans l'aile.
Enlisé dans ses controverses à Québec, M. Charest était bien heureux cette semaine de recevoir à Montréal ses 12 homologues pour une réunion du Conseil de la fédération, une structure dont il est l'instigateur et qui l'a plutôt bien servi politiquement depuis deux ans. C'était avant la sortie fumante du premier ministre ontarien, Dalton McGuinty.
Jean Charest s'est toujours méfié de son homologue. Avec raison. Sous le gouvernement de Paul Martin, M. Charest et ses collègues des autres provinces n'appréciaient pas le " jovialisme constitutionnel " de M. McGuinty. Maintenant, sous le régime conservateur de Stephen Harper, ils l'accusent à mots à peine diplomatiques de ne penser qu'à sa province.
Avec des élections générales prévisibles dans les 12 à 18 prochains mois, Jean Charest a bien besoin de projeter l'image d'un leader et il aimerait bien mener le front commun des provinces pour arracher un nouveau " deal " à Ottawa. Seulement voilà, Dalton McGuinty fêtera bientôt lui aussi ses trois ans au pouvoir. Sa réélection est loin d'être assurée et, manifestement, il juge plus rentable électoralement de défendre sa province que d'aider les autres.
Encore une fois, les choses tournent au vinaigre pour Jean Charest. C'est l'histoire de ce gouvernement, qui est entré hier dans la quatrième (et normalement dernière) année de son mandat.
En cet anniversaire, les raisons de s'inquiéter sont plus nombreuses que celles de célébrer pour les libéraux. Mais qu'a donc fait ce gouvernement pour être si impopulaire? La réponse évidente se trouve dans les gaffes, les controverses, les psychodrames et autres cafouillages dont l'énumération prendrait trop d'espace dans cette chronique.
Tous ces accidents de parcours ont laissé des ecchymoses sur le gouvernement Charest, même si celui-ci a fini par reculer le plus souvent, comme ce fut le cas pour les écoles juives ou les compressions dans le régime d'aide aux étudiants. On en veut plus à ce gouvernement pour ses maladresses que pour ses actions.
On a parlé beaucoup de l'article 45, mais répondez franchement: qu'est-ce que l'article 45? Et qu'est-ce que son abrogation a changé dans votre vie? On est loin, en tout cas, du chaos annoncé par les syndicats.
Les PPP? Encore là, plus de bruit que de mal. Chose certaine, il faut faire preuve de beaucoup d'imagination pour y voir le démantèlement du bien commun ou la vente aux enchères de l'État.
M. Charest et son entourage, de plus en plus, laissent entendre qu'il est impossible de faire de vraies réformes parce que le Québec est trop corporatiste, trop syndiqué, trop frileux. Explication commode, mais les ennuis de M. Charest ne viendraient-ils pas tout simplement du fait qu'il a mal choisi ses batailles et ses priorités?
Les gouvernements qui réussissent sont ceux qui foncent, selon le bon vieux principe que vous devez savoir où vous allez si vous voulez que les gens vous suivent. On ne sait pas où va Jean Charest. Et rien n'indique qu'il le sache lui-même.
Trois ans après son élection, les gros morceaux de son programme électoral, à commencer par les baisses d'impôt d'un milliard par année pendant cinq ans, se font toujours attendre.
Par contre, le gouvernement est constamment paralysé par des controverses, des erreurs, des affrontements stériles et des débats contre-productifs. Sauf dans le domaine de la santé, il faut le souligner, où les libéraux ont pris les bonnes décisions, aussi bien pour la gestion quotidienne que pour la sauvegarde du régime.
Mais pour le reste, Jean Charest a un problème de diagnostic, d'approche et, surtout, de mise en marché. Il est entré au pouvoir comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, en disant qu'il allait moderniser le Québec et tourner la page sur la Révolution tranquille. Il a s'est heurté à un mur.
L'éléphant s'est transformé en souris et cette souris a accouché d'une montagne. Une montagne de problèmes, dont le principal symbole est, justement, une montagne: Orford.
L'avenir du mont Orford, le développement économique régional, la protection de l'environnement sont des débats important, certes, mais dans le grand ordre des choses, il ne s'agit que d'un dossier parmi des centaines au Québec. Que le gouvernement Charest soit embourbé dans cette affaire depuis près de deux mois en dit long sur son incapacité à gouverner. Que cette affaire soit en train de se transformer en crise majeure au Parti libéral en dit long sur les problèmes de leadership du premier ministre.
Jean Charest avait sans doute rêvé d'un tout autre contexte pour amorcer la quatrième et vraisemblablement dernière année de son premier mandat.
Vincent.marissal@lapresse.ca
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