Il faut franciser en amont du monde du travail

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Quand on en est rendu à devoir rappeler des évidences

M. Termote, votre sortie publique dans Le Devoir du 10 février dernier à titre d'ex-président du Comité de suivi sur la situation linguistique de l'Office québécois de la langue française est pour le moins étonnante. Au nom de l'urgence d'agir, vous invitez les organisations qui travaillent à ce que le français «devienne la langue commune de l'espace public», à serrer les rangs derrière Jean-François Lisée.

Ce qui se dégage clairement de votre lettre, c'est la crainte de voir le Parti Québécois perdre les prochaines élections aux mains des Libéraux, ceux-ci n'étant évidemment pas reconnus pour leur dynamisme en matière linguistique. Faudrait-il pour autant se transformer en vendeurs de tartes aux pommes. Pire, à l'extérieur du PQ, faudrait-il taire certaines critiques ou propositions de peur que cela nuise au parti ?

Pour ce qui est de votre opinion sur les propositions de Jean-François Lisée et du PQ en matière linguistique, il est désolant de voir que votre partisanerie semble avoir pris le dessus sur votre esprit scientifique.

Parlons de l'application de la loi 101 au collégial. Vous affirmez que le nombre de personnes passant du secondaire français au collégial anglais n'est pas significatif, ajoutant que les choses iraient présentement en s'améliorant puisque seuls 1900 allophones auraient effectué cette transition en 2014. Pourtant, en 2010, ils étaient 1600 à faire le saut. Où est l'amélioration?

Dans votre équation, vous omettez également d'indiquer qu'en 2014, 2100 élèves francophones ont ainsi déserté le réseau français. Rien que pour cette année-là, on parle en tout de plus de 4000 individus qui se sont inscrits au cégep anglais. En 2007, ce nombre s'élevait à 3500. Encore une fois, où est l'amélioration?

La problématique

En 2011, l'ex-député de Borduas, Pierre Curzi, rendait publique une étude exhaustive expliquant pourquoi le refus d'étendre l'application de la loi 101 au collégial favorisait l'anglicisation du monde du travail. L'étude de Curzi se basait sur celle de l'Institut de recherche sur le français en Amérique (où vous siégiez) et sur les données de l'enquête sur les ménages de Statistique Canada. En somme, parmi les jeunes ayant déjà fait le saut du secondaire français au cégep anglais, ceux qui souhaitent poursuivre leurs études choisiront presque systématiquement l'université anglaise. Aussi, dans la plupart des cas, leur langue de travail sera l'anglais.

Plus précisément, 50% des francophones ayant fait leurs études postsecondaires en anglais travailleront en anglais. En comparaison, 95% de ceux ayant étudié en français gagneront leur vie par la suite dans la langue de Boucar Diouf.


N'est-ce pas là une preuve hors de tout doute de l'efficacité du cégep français comme lieu par excellence de l'intégration à la langue française et à la culture québécoise?

Chez les allophones, 75% de ceux ayant fait leurs études postsecondaires en anglais travailleront dans cette langue une fois adulte. Or, c'est l'exact opposé dans le cas des finissants allophones d'un cégep francophone, la vaste majorité optant pour un emploi en français, sans compter leurs habitudes de consommation qui tendront à favoriser davantage la culture francophone. N'est-ce pas là une preuve hors de tout doute de l'efficacité du cégep français comme lieu par excellence de l'intégration à la langue française et à la culture québécoise?

Angliciser en amont

M. Termote, vous affirmez que les 4000 étudiants par année qui échappent au réseau collégial francophone n'auraient pas une incidence significative sur la vitalité de notre langue commune. Mais, le cumul révèle que, ne serait-ce que sur la durée d'une carrière, soit environ 35 ans, c'est plus de 140 000 personnes sur le marché du travail qui auront une forte propension à privilégier l'anglais dans leur vie quotidienne et professionnelle.



L'État met tout son poids du côté de l'anglais


M. Termote, vous passez entièrement sous silence l'effet de la non-application de la loi 101 à l'égard du sous-financement de nos universités de langue française et des pertes d'effectifs essuyées par le réseau collégial francophone. 4000 étudiants par année, ce n'est pas rien. Cela représente une cohorte (deux ans et demi) de 10 000 étudiants qui viennent grossir les effectifs des cégeps de langue anglaise au détriment des cégeps francophones. Au Québec, alors que la communauté anglophone forme seulement 8% de la population, 23% des cégépiens qui suivent la formation préuniversitaire choisissent de le faire en anglais. Par ailleurs, les universités de langue anglaise attirent plus de 21% de tous les étudiants formés au primaire et au secondaire. Puisque le financement se révèle directement lié au nombre d'étudiants, les universités de langue française s'en trouvent donc grandement désavantagées.


Imaginez tous les emplois directs et indirects qui s'exerceraient en langue française si tous ces étudiants, plutôt que de migrer vers le réseau anglophone, fréquentaient nos institutions postsecondaires francophones.

Il faut sortir de ce cul-de-sac institutionnel et linguistique. La mesure phare, c'est la loi 101 au cégep. Cela fait des décennies qu'on en parle, mais qu'on refuse d'agir. Imaginez tous les emplois directs et indirects qui s'exerceraient en langue française si tous ces étudiants, plutôt que de migrer vers le réseau anglophone, fréquentaient nos institutions postsecondaires francophones. Tout en respectant scrupuleusement les droits de la minorité historique anglophone, nous participerions à faire de Montréal une ville véritablement de langue commune française, à l'instar de Toronto, ville anglaise où, tout naturellement, on forme les étudiants en anglais pour qu'ils travaillent ensuite... en anglais.

Déjà adoptée par les péquistes lors de leur dernier congrès en 2011, la proposition d'appliquer la loi 101 au collégial - de même que les organisations qui la promeuvent ne seront pas responsables de l'échec du PQ aux prochaines élections. C'est nous donner trop d'importance.

M. Termote, par votre missive, vous vouliez sans doute aider votre formation politique, mais vous avez plutôt envoyé le message à tous les Québécois que celle-ci serait incapable de gagner une élection. Au lieu de l'aider, vous lui nuisez. Allez, courage M.Termote! Le PQ a déjà été plus fort et assumé que ça, notamment sur la question du français!


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