Il faudra du doigté

Climat politique au Québec

La fête du Canada avait une connotation quelque peu particulière cette année. La fête nationale des Québécois aussi. En effet, ces célébrations étaient marquées du sceau de la reconnaissance officielle, survenue il y a à peine quelques mois à la Chambre des communes, de ce que les Québécois forment une nation à l’intérieur du Canada.


Certains s’interrogent sur le sens précis de cette reconnaissance. Porte-t-elle sur une conception ethnique ou civique de la nation québécoise ? Ce questionnement découle notamment de la version anglaise de la motion adoptée par la Chambre des communes, laquelle affirme que « the Québécois form a nation within a united Canada ». Dans ce contexte particulier, l’expression « Québécois » renvoie-t-elle seulement à ceux qui le sont « de souche » ? Inclut-elle les nouveaux arrivants de même que ceux, fussent-ils nés ici ou immigrés depuis longtemps, dont le français n’est pas la langue maternelle ?
Je persiste à soutenir que la nation québécoise inclut tous ceux et celles qui, quelles que soient leur origine ethnique ou leur langue, habitent le Québec, l’aiment ou ont son avenir à cœur. La nation québécoise doit chercher à se définir de façon plurielle, inclusive, accueillante et ouverte sur le monde.
Le sens que l’on donne au concept de « nation québécoise » n’est pas sans importance. D’ailleurs, il rejoint en droite ligne tout le débat sur les accommodements raisonnables. En effet, Mario Dumont aime bien prétendre que ceux-ci heurtent de plein fouet les valeurs communes aux Québécois et, partant, l’identité du Québec. Ce faisant, il se trouve à appuyer une conception ethnique plutôt que civique de la nation québécoise, ce qui est regrettable.
Mario Dumont commet une erreur fondamentale. Il oublie que les valeurs et l’identité québécoises doivent reposer, en 2007, sur la tolérance et l’acceptation de l’Autre. On ne peut pas, de façon logique et sincère, promouvoir d’un côté la reconnaissance de la spécificité du Québec à l’intérieur du Canada et chercher, de l’autre, à annihiler la diversité et le pluralisme à l’intérieur du Québec. Dans les deux cas, il en va du droit à la différence et du respect des particularismes.
Dans une lettre ouverte datant du 16 janvier 2007, Mario Dumont invitait les Québécois à « avoir le menton bien droit». Cette métaphore mérite à notre avis d’être nuancée. En effet, si l’on s’entend tous pour dire que, nous, Québécois, devons être fiers de nous-mêmes et de la société que nous avons bâtie collectivement, il n’en reste pas moins que notre défi à l’avenir sera d’apprendre à lever le menton tout en ne levant pas le nez… sur les autres.
Cela, admettons-le d’emblée, demandera un doigté dont Mario Dumont s’est révélé incapable jusqu’à présent.
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Benoît Pelletier
L’auteur est ministre québécois responsable des Affaires intergouver-nementales.


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