Hydro-Québec par-delà le scandale

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Envolée, la mission originelle d'Hydro-Québec !





Nous avons appris la semaine dernière qu’Hydro-Québec aurait perçu 1,4 milliard de dollars en trop auprès des consommateurs, de 2008 à 2016, Hydro-Québec aurait perçu 1,4 milliard de dollars en trop auprès des consommateurs. Les trois quarts de ce montant ont été prélevés par le gouvernement. Hydro-Québec a annoncé mercredi dernier qu’une partie des sommes allait être retournée aux consommateurs sous forme de baisses de tarifs. Cette anecdote a causé un scandale, faisant presque oublier momentanément l’Affaire Bombardier. 


Au-delà de l'anecdote, il faut savoir que l’utilisation d’Hydro-Québec comme vache à lait pour le gouvernement n'a pas toujours été en vigueur. Nous nous livrerons ici à un petit rappel historique des différentes conceptions politiques de la société d’État.


Avant ce qu'on a appelé la Révolution tranquille, donc avant 1960, les trusts privés anglophones contrôlaient les ressources hydroélectriques du Québec. Il ne s’agissait pas comme tel d’un monopole mais d’un ensemble de trusts qui faisaient main basse sur les régions (il y avait, par exemple, la Montreal Light and Power Company, la Shawinigan Power Company, etc.). En 1944, le gouvernement d'Adélard Godbout a créé Hydro-Québec. Son importance était cependant très limitée, ne couvrant que la région de Montréal.


En 1960, ce qu’on a appelé la « Révolution tranquille » a débuté sous le gouvernement de Jean Lesage. Après deux ans de pouvoir, le ministre des Richesses naturelles, un certain René Lévesque, tente de convaincre ses collègues du gouvernement de nationaliser l'ensemble des ressources hydroélectriques du Québec et les faire passer sous le seul chapeau d’Hydro-Québec. Un gros débat a déchiré les libéraux, qui se réunissent dans un chalet au Lac-à-l'épaule. Ils s'entendent alors pour le faire, mais à condition d'avoir eu un mandat démocratique dûment confié par la population. C'est pourquoi une élection référendaire est déclenchée en 1962, remportée à nouveau par les libéraux de Jean Lesage sur l'Union nationale, alors dirigée par Daniel Johnson. C'est à ce moment-là qu'Hydro-Québec couvrira l'ensemble du Québec.


Le slogan de la campagne était Maîtres chez nous. Hydro-Québec aura au départ deux fonctions : être un outil de reconquête nationale des richesses naturelles alors que les Québécois commençaient à vaincre leur infériorité économique, et offrir un service d’électricité au coût le plus faible possible, tant pour les citoyens-consommateurs que pour les entreprises. HQ attirera d'ailleurs beaucoup d'entreprises étrangères au Québec en faisant miroiter les faibles coûts de son électricité.


En 1981, HQ deviendra un instrument fiscal. Le gouvernement du Québec venait de perdre son référendum sur la souveraineté un an plus tôt. Le Québec était alors était en pleine tourmente économique, en plus d'avoir un rapport de force très faible face au Canada. La Loi modifiant la loi sur Hydro-Québec permettait au gouvernement de toucher des dividendes pouvant aller jusqu'à 50 pourcent des profits de la société d'État. La loi de 1981 ne mentionnait plus explicitement la nécessité de maintenir les tarifs les plus faibles possibles. Aujourd'hui, en 2017, le gouvernement ne perçoit plus des dividendes de 50 pourcent mais bien de 75 pourcent.


En 1996, le rapport Pour un Québec efficace a été l’aboutissement de consultations organisées par le gouvernement de Jacques Parizeau. Le document, paru après la seconde défaite référendaire, formulait 200 recommandations. L’octroi d’énergie aux citoyens y était défini comme un « service essentiel ». Le développement des énergies renouvelables (dont l’éolien et le solaire) était également central, tout comme le développement régional (on prônait notamment l’établissement d’une redevance versée aux régions, basée sur la production d’énergie et destinée à être utilisé pour les initiatives créatrices d’emplois). Ce rapport resterait lettre morte.


Le Québec a emprunté un chemin complètement opposé, celui de la déréglementation de l'énergie.


En l’an 2000, Hydro-Québec se verra confier une mission commerciale, devant être courtier en énergie sur le marché nord-américain. Le gouvernement de Lucien Bouchard a séparé la production, le transport et la distribution en trois divisions, le tout afin de répondre aux exigences de la Federal energy regulatory commission du gouvernement américain, qui souhaitait que les Américains puissent vendre et commercer au Québec. La Loi modifiant la Loi sur la Régie de l’énergie et d’autres dispositions législatives fut alors adoptée, séparant Hydro-Québec en plusieurs entités.


Dans le nouveau système, Hydro-Québec Production (HQP) doit vendre une partie de sa production à Hydro-Québec Distribution (HQD) à un prix au kWh fixé par une loi. C’est ce qu’on appelle le « bloc patrimonial », dont le chiffre comblait les besoins des Québécois l’année de sa création. Le bloc patrimonial est donc une quantité annuellement fixée en kWh, tandis que le « tarif patrimonial » est le prix, fixé par la loi, auquel le bloc patrimonial est vendu. Pour combler ses besoins en consommation au-delà du bloc patrimonial HQD, va en appel d’offres. Les entreprises privées, y compris étrangères, peuvent alors soumissionner.


Pourquoi, d’ailleurs, la Régie de l’énergie, créée en 1996, a-t-elle pour mission de scruter les coûts de distribution et de transport mais pas d’observer les activités de la production ? Pour favoriser la nouvelle mission de vache à lait d’Hydro-Québec, en laissant HQP vendre son énergie au prix qu’elle l’entend, au prix du « marché » dans un marché où elle est pratiquement seule.


Et la mission fondamentale d’Hydro-Québec dans tout ça ? Envolée. 



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Simon-Pierre Savard-Tremblay179 articles

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Simon-Pierre Savard-Tremblay est sociologue de formation et enseigne dans cette discipline à l'Université Laval. Blogueur au Journal de Montréal et chroniqueur au journal La Vie agricole, à Radio VM et à CIBL, il est aussi président de Génération nationale, un organisme de réflexion sur l'État-nation. Il est l'auteur de Le souverainisme de province (Boréal, 2014) et de L'État succursale. La démission politique du Québec (VLB Éditeur, 2016).





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