La montée de l'ADQ, une condition favorable à la croissance du Parti conservateur au Québec? À court terme, peut-être, mais à long terme... Le verdict du Canada anglais est loin d'être catégorique. Nombre de journaux relèvent combien les milliards du dernier budget, la résolution sur la nation et la présence à l'UNESCO n'ont pas sauvé le chef libéral Jean Charest, ce qui les amène à douter de la stratégie de Harper à l'égard du Québec. On craint d'autant plus cette dernière qu'on se méfie du projet autonomiste de Mario Dumont. Sa déclaration selon laquelle il n'est pas un fédéraliste a fait le tour du pays.
[Jeffrey Simpson, du Globe and Mail, a été le premier, dès mardi, à constater l'échec de l'approche de Harper->5487]. Selon lui, le résultat des élections illustre le désengagement des francophones québécois à l'égard du Canada, un désengagement qui s'intensifiera avec chaque nouvelle demande pour plus de pouvoirs et plus d'argent. Il relève la faiblesse des appuis libéraux parmi les francophones. «La plupart des francophones ont voté pour des partis qui n'ont aucun intérêt pour le Canada (le PQ) ou presque aucun (l'ADQ), sauf pour des raisons de commodité.» Et un vote pour le Bloc peut tout représenter sauf un désir de participer à la gouverne du Canada. Simpson est inquiet car il est persuadé que Harper fera face maintenant à un gouvernement québécois plus nationaliste. «Les Québécois sont brillants. Ils ont un gouvernement plus nationaliste à Québec pour mettre en avant leurs intérêts face à Ottawa. Ils ont leur propre opposition, le Bloc, pour défendre leurs intérêts à Ottawa. Et ils ont un premier ministre fédéral dont le fédéralisme d'ouverture équivaut à pousser une porte ouverte.» Mercredi, [Simpson est revenu sur le sujet->5651] pour dire que «rien dans ces élections ne laisse croire que donner encore apportera quelque chose de bon, sauf pour les intérêts partisans de M. Harper lors des élections fédérales».
Greg Weston, de SunMedia, se concentre sur la déclaration de Dumont voulant que toutes ses positions et propositions seront guidées par sa philosophie autonomiste. Weston se demande bien où cela mènera tant il juge cette approche confuse. Weston, qui trouve que le Québec contrôle déjà bien assez de pouvoirs, veut savoir ce que Dumont veut de plus et met en doute ses intentions. Le journaliste fait la liste des demandes connues du chef adéquiste et conclut que l'autonomie voudrait dire «une province qui contrôle tout et tout le monde sur son territoire pendant que le reste du Canada ne fait qu'envoyer de l'argent».
[Susan Riley, du Ottawa Citizen->5489], s'inquiète de l'influence qu'aura Dumont sur la politique québécoise en matière de relations intergouvernementales. Ce projet de constitution destiné, entre autres, à définir des valeurs communes l'agace. Elle relève que Dumont parle des Canadiens comme des «partenaires privilégiés» et non comme des «concitoyens», qu'il veut laisser tomber le Conseil de la fédération et éventuellement reprendre les négociations constitutionnelles. Pour elle, «s'affirmer sans se séparer» équivaut à dire que «le Canada est une banque du voisinage qui offre des taux avantageux». Advenant un affrontement avec le Canada, il ne fait pas de doute pour Riley que Dumont s'alliera aux souverainistes.
L'intolérance
Mario Dumont s'est trouvé attaqué sur un autre front. Selon [John Ibbitson, du Globe and Mail->5482], la montée de l'ADQ est la preuve que «l'intolérance demeure une force en politique canadienne». Ibbitson prend le soin de préciser que le phénomène affecte le reste du Canada et raconte même l'histoire des anciens Orangistes qui persécutaient les catholiques irlandais, mais il revient rapidement sur l'ADQ et Mario Dumont. Ce dernier n'est pas Jean-Marie Le Pen, mais l'ADQ «exploite le même courant d'intolérance au Québec que le Front national courtise en France», écrit-il. Selon Ibbitson, cette tactique fonctionne parce que «le Québec est une société nationaliste et parce que l'oxygène de ce nationalisme est la méfiance de l'autre». Le Canada n'est pas immunisé contre cela, répète-t-il, mais il cible l'ADQ. Il souligne que les régions les plus prospères et où la population n'est pas en déclin sont celles où les immigrants s'établissent. «À tous les députés de l'ADQ et aux maires de petites villes qui déprécient les derniers arrivés, ce message: continuez. Vous et vos préjugés allez vous dissiper et vos villes disparaître à moins que vous ne trouviez une façon d'attirer les gens mêmes que vous aimez dénigrer.»
Ibbitson s'est retrouvé seul dans son coin, bien que tout le monde ait relevé l'importance de la position de Dumont sur les accommodements raisonnables. Mais de là à attribuer la montée de l'ADQ à une résurgence de l'intolérance, voilà un pas que le National Post et le [chroniqueur Lorrie Goldstein, de SunMedia->5734], ont dénoncé. Le Post pense d'ailleurs que les libéraux ont connu des difficultés parce qu'ils ont oublié que «les électeurs québécois mesurent intuitivement la survivance culturelle sur une période historique de plusieurs siècles, une motivation complètement distincte de l'intolérance et encore plus du racisme». «M. Dumont l'a saisi. Pour le meilleur ou pour le pire, ses actifs vont probablement continuer à monter tant qu'il sera le seul chef de parti à parler sans détour de l'accommodement», écrit le Post, qui s'insurge contre l'amalgame fait par Ibbitson entre les Orangistes d'autrefois, les partisans de Le Pen et les 1,2 million d'électeurs adéquistes. Goldstein, lui, souligne que les Canadiens se posent de plus en plus de questions sur l'immigration, les enjeux de l'intégration, les politiques de moins en moins compréhensibles. À son avis, on fait fausse route en accusant d'intolérance des gens qui expriment leur insécurité.
mcornellier@ledevoir.com
Revue de presse
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